Une ville contée en sonorités
L’Institut français de Dakar a accueilli, jeudi, l’atelier ‘’Dakar au fil des arts’’. Un projet artistique captivant qui explore la capitale sénégalaise à travers des sonorités. Intitulé "Instants sonores", ce dispositif original propose une immersion auditive et narrative dans les quartiers emblématiques de Dakar. En effet, il s’agit de six documentaires sonores sur les quartiers de la Médina, de Fass, du Plateau, de Pikine, de Thiaroye et de Rufisque. Ces derniers donnent vie à une ville foisonnante de cultures et de mémoires.
‘’Dakar au fil des arts’’ est un ensemble de six documentaires sonores qui invite les auditeurs à arpenter les rues de quartiers emblématiques tels que la Médina, Fass et le Plateau, avant de s’étendre au-delà vers Rufisque et Thiaroye.
En effet, ce voyage sonore révèle les multiples visages de Dakar. Entre ses marchés animés, ses lieux historiques, ses combats de lutte, ses quartiers populaires et ses rythmes du quotidien, il permet à chacun de ressentir l’âme de la ville en découvrant son histoire et ses habitants racontés à travers des bruits, des voix, de la musique et des ambiances uniques. La chargée du pôle Idée et savoirs de l’Institut français de Dakar, Nogaye Diop, explique que ce dispositif est un outil pour l’identité culturelle. ‘’On sait qu'au Sénégal on a une civilisation orale et l'écoute devient de plus en plus rare. Donc, cela permet aux gens, au-delà de la lecture dont ils ont l'habitude, d'écouter’’, dit-elle.
L’initiative vise à promouvoir l’écoute active, dans une société sénégalaise où cette pratique tend à se raréfier malgré la richesse de sa tradition orale. L'idée centrale était de proposer des ressources sonores immersives, accessibles à travers des podcasts, pour compléter les activités de lecture et animer la médiathèque de l’Institut français. Elle rappelle que le projet "Dakar au fil des arts”, lancé en 2019, a été inspiré par une installation marquante de la journaliste Laetitia Akoztliva au musée des forces armées. Ce dispositif interactif, qui invitait à écouter les récits des anciens combattants dans une chambre noire, a suscité l’idée d’intégrer un format similaire à l’Institut français de Dakar, mais cette fois en produisant des contenus originaux liés au quotidien et au patrimoine culturel du Sénégal. ‘’On s’est dit qu'au lieu d'acheter des ressources pourquoi ne pas les produire nous-mêmes. Mais des ressources sonores qui concernent notre quotidien et concernent le Sénégal. C'est là d’où est venue l'idée de coproduire ‘Dakar au fil des arts’, parce qu’on sait que c'est un nid d’artistes. Donc, peut-être profiter de toutes ces belles personnes qui viennent à l’institut au quotidien pour produire des ressources’’, a-t-elle expliqué.
En fait, la conception de ce projet sort tout droit d’une collaboration. Selon la chargée des Idées et savoirs de l’IFD, c’est avec de jeunes journalistes récemment diplômés du Cesti et sous la supervision éditoriale de Laetitia Akoztliva que ces six épisodes ont été produits. Chaque épisode explore une thématique spécifique liée à un quartier de Dakar, tout en reflétant sa particularité culturelle, sociale et historique. ‘’On a fait six épisodes et Laetitia avait trouvé normal de faire intervenir de jeunes journalistes qui venaient de sortir du Cesti. Pour enclencher ce dispositif, on a été vraiment très content de cette collaboration parce que les ressources que vous allez écouter ont été très bien appréciées du grand public qui est venu écouter avec nous les productions’’, reconnaît ND.
Une immersion culturelle, sociale et historique
‘’Dakar au fil des arts’’ ne se contente pas que de capter des sons. Il crée également un dialogue entre la ville, ses habitants et ceux qui l’écoutent. Elle s’explique : ‘’Dakar est composée de plusieurs départements et chaque département a ses spécificités. On a eu la Médina, on a eu le Plateau, on a eu Rufisque, Pikine, etc. Et chaque espace était marqué par une activité et laissait son empreinte au niveau national’’.
Dans ce contexte, le documentaire sur le Plateau est présenté comme le berceau intellectuel et artistique, symbole de l'âge d'or littéraire et culturel de Dakar. ‘’C’est au Plateau où tout est né. Ils ont parlé un peu de cette floraison d'esprits intellectuels, artistiques. Dakar, qui était reconnue par la sous-région par l'Afrique tout entière, c’est au Plateau où tout est parti. Avant de migrer vers la Médina avec des artistes qui marquaient leur identité. Un peu le mouvement hip-hop, quelque part de la Médina, après Fass avec le sport, la lutte notamment, etc. C'est parti jusqu'à Rufisque avec la photographie et des mouvements de la jeunesse, etc.’’, relate la chargée des idées.
C’est un fait, à l’écoute de ses documentaires, chaque quartier visité devient véritablement une scène où résonnent des récits de vie, des traditions et des aspirations, le tout harmonisé dans une composition artistique.
Concernant le podcast de la Médina, on est plongé entre des histoires accrocheuses et inédites. De l’attribution de son nom jusqu’aux musicalités dont elle regorge, c'est une immersion captivante dans le conte de ce quartier. ‘’Médina s’appelait Tilène, autrefois. C’était un endroit peuplé de chacals. La Médina est divisée en douze quartiers et le fait qu’il y ait des Maliens qui y résident n’est pas anodin’’, peut-on écouter dans la bande sonore. On nous présente un quartier qui fait partie d’un univers rythmé, plein de vibration et fait un clin d’œil au monument Doudou Ndiaye Rose par le témoignage révélateur des archives de ce théâtre.
Si Fass explore la lutte sénégalaise et son rôle dans la cohésion sociale, la ville de Pikine met en lumière la jeunesse et ses dynamiques.
Ainsi, en mettant en avant ces richesses sonores, ‘’Dakar au fil des arts’’ rappelle un environnement culturel qui lui est propre avec un rythme qui lui appartient. ‘’Je pense qu'on avait besoin aussi, à travers ces podcasts, de mieux comprendre l'environnement dakarois. Ce qui était le Dakar d'avant et ce qu’est devenu Dakar maintenant. Qu'est-ce qui motivait les gens ? Pourquoi il y avait ce ressenti au niveau international, cette appartenance nationale et pourquoi maintenant les choses évoluent ? Je pense que c'est ce qu'ils ont su sortir’’. Elle insiste sur le fait que ce ne sont pas seulement des podcasts, mais qu’il s’agit de voir l'intelligence qu’il y a dans l’histoire du Sénégal.
En effet, dans ce tableau sonore, Dakar se distingue par une polyphonie où se mêlent passé, présent et futur. L’IFD servira de plateforme et abritera ce dispositif qui transportera les auditeurs par ces ‘’Instants sonores’’ dans la découverte d’une nouvelle façon de voyager à travers les arts.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE