L’appel au secours des diabétiques
Le diabète touche plus de 1,5 million de Sénégalais. Les diabétiques sont confrontés à énormément de complications dans leur prise en charge : cherté et accessibilité géographique des médicaments, insuffisance d’infrastructures sanitaires… Autant de difficultés qui poussent les membres de l'Association sénégalaise de soutien et d'assistance aux diabétiques (Assad) à demander l’aide de l’État.
La Journée mondiale de lutte contre le diabète sera célébrée cette année le jeudi 14 novembre prochain. Le thème de cette édition est "Diabète et bien-être". En prélude à cette journée, l'Association sénégalaise de soutien et d'assistance aux diabétiques (Assad) a organisé hier un point de presse au cours duquel le président Baye O. Guèye a fait part des contraintes.
Il informe que 60 % des personnes vivant avec le diabète ont peur de développer des complications ; 28 % d’entre-elles, au-delà de cette peur, développent un stress lié à la maladie, et 16 % vivent mal avec cette maladie. ‘’Face à une telle situation, avec des chiffres de cette nature, atteindre le bien-être devient difficile. Mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il n'est pas possible de relever ce défi. C'est la raison pour laquelle on dit qu'entre un manque d'attention et une surprotection, il y a un juste milieu à trouver. Et c'est ce juste milieu-là qui nécessite beaucoup de confort. Au niveau de l'association, nous aimons vivre en communauté. Vous devez discuter et vous concerter entre vous. Et quand il y a des problèmes, essayez de voir comment vous pouvez résoudre ces principales difficultés. C'est en cela que la communication est importante. C'est également en cela que l'éducation est essentielle. Et donc, la prise en charge devient plus nécessaire. Malheureusement, dans un pays en développement, cette prise en charge pose problème. Et pourquoi ? Nous avons fait un calcul au niveau de la salle. Nous nous sommes rendu compte qu'il faut 75 000 F pour pouvoir faire face aux régimes alimentaires, soit 912 500 F par an’’, renseigne le journaliste.
Le président de l’Assad est d’avis que le diabète doit être soutenu et accompagné, d’abord, par des infrastructures de qualité et, ensuite, par l'accessibilité des médicaments - une accessibilité géographique et financière. En effet, il révèle que les diabétiques rencontrent énormément de difficultés par rapport à cette accessibilité. ‘’Pourquoi ? Eh bien, ils sont polypathologiques, c'est-à-dire qu'ils sont à la fois diabétiques, hypertendus et souffrent d'autres maladies, sans parler du coût excessif. C'est cela qui nous a conduits à parler de handicap. Handicap pour deux raisons. Premièrement, parce qu'entre les diabétiques, on est diabétique pour toute la vie. Deuxièmement, il y a le coût exorbitant. Voilà pourquoi nous lançons un appel aux autorités pour qu'elles remplissent cette mission de service public. Parce que la santé est un droit dévolu aux autorités qui doivent aujourd'hui venir en aide à cette communauté. Et 75 % des membres de l'association proviennent d'une couche vulnérable. Alors là est la question. Là est la cause problématique’’, indique M. Guèye.
Il poursuit : ‘’3 % de la population est diabétique et 3,5 % des personnes de plus de 45 ans souffrent de cette pathologie. Ce chiffre sera revu à la hausse avec les prochaines enquêtes en cours, car il est difficile de trouver une famille au Sénégal sans diabète. Je voulais, en cette période de campagne électorale, lancer un appel aux autorités pour qu'elles fassent preuve de beaucoup plus de sagesse et de compréhension. Et surtout, une de leurs vocations est d'accompagner les personnes vulnérables. Parmi ces personnes, il y a les diabétiques et parmi ces diabétiques, il y a des jeunes, des femmes et des personnes âgées.’’
En Afrique, 80 % des enfants diabétiques ne sont pas diagnostiqués
Présent à la rencontre, le Pr. Babacar Niang, spécialiste du diabète chez les enfants, a révélé qu’en Afrique, les dernières études ont montré que 80 % des enfants diabétiques ne sont pas diagnostiqués. ‘’Cela signifie qu’au Sénégal, s'il y a 1 000 enfants diabétiques ; il pourrait y avoir 8 000 autres enfants diabétiques qui ne sont pas connus, donc qui meurent sans qu'on sache pourquoi ils sont décédés’’.
En outre, il a précisé que l'enjeu est de sensibiliser le personnel de santé et la population pour un diagnostic le plus précoce possible. L'autre enjeu est que même les enfants diabétiques, au début des années 2000, mouraient avant l'anniversaire de leur diagnostic. C'est-à-dire que l'espérance de vie d'un enfant diabétique ne dépassait pas un an. C'était cela la gravité, d’après lui.
Mais aujourd'hui, grâce à l'appui de l'Assad et à un partenariat public-privé, un programme CDIC (Changing Diabetes in Children) a été mis en place pour changer la vie de l'enfant diabétique. ‘’Ce programme est axé sur trois volets principaux. Le premier découle également des enquêtes montrant qu'il n'y avait pas de personnes dédiées à la prise en charge du diabète de l'enfant. Avant, ce sont des diabétologues adultes qui suivaient les enfants, donc qui n'étaient pas à l'aise avec eux, et les pédiatres qui connaissaient l'enfant n'étaient pas à l'aise avec le diabète. Ainsi, l'enfant diabétique était mal pris en charge par les pédiatres et mal suivi par les diabétologues. C'est cela, aujourd'hui, la particularité de ce programme qui a permis de former 450 professionnels de santé dans tout le Sénégal. Il a permis de mettre en place 21 sites de prise en charge du diabète de l'enfant dans tout le pays’’, informe le Pr. Niang.
Il informe qu’il y a des centres de prise en charge du diabète de l'enfant qui sont équipés des moyens nécessaires à cette prise en charge, dans toutes les régions du Sénégal. ‘’Cela dit, de l'insuline est fournie gratuitement grâce à ce partenariat public-privé. Les moyens de surveillance de la glycémie avec les bandelettes coûtent excessivement cher, mais elles sont données gratuitement. Le dosage de l'hémoglobine glyquée, qui se fait tous les trois mois, est également fourni gratuitement grâce à ce programme. En plus, l'autre volet de ce programme, qui est important, est le volet d'éducation thérapeutique. Cela signifie donner les compétences nécessaires à l'enfant et à sa famille pour s'auto-prendre en charge’’, indique-t-il.
Avec la mise en place du programme en 2008, chaque année, ils constatent une augmentation significative du nombre d'enfants suivis. ‘’Aujourd'hui, nous avons 1 600 enfants. En six ans, nous sommes passés de 250 enfants à 1 600. Cela signifie que nous avons amélioré les diagnostics. Cela ne veut pas dire que le nombre de diabétiques augmente. Non, c'est simplement que nous avons amélioré les diagnostics. Donc, le taux de décès a drastiquement diminué. Nous sommes passés d'un taux de décès en 2016 de 6,7 %. La dernière étude que nous avons réalisée montre que le taux de décès est d'environ 2,9 %. Mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. L'objectif est d'atteindre zéro décès’’, lance le Pr. Niang.
CHEIKH THIAM