L’Orchestra Baobab enflamme l’Institut français de Dakar
L’Institut français de Dakar a accueilli une soirée inédite, vendredi dernier. C’était à l'occasion des 50 ans de carrière de l'Orchestra Baobab, icône musicale du Sénégal et ambassadeur de la culture africaine à l’international. En effet, le public s'est rassemblé vendredi dernier pour redécouvrir ces musiciens avec au programme une projection suivie d'un concert live chargé d'émotions.
Il est 21 h. L’Institut français de Dakar est à guichet fermé depuis deux jours. Tous les billets sont écoulés. L’esplanade est pleine à craquer. Chaque siège et chaque espace au sol est occupé par des fans frémissants d'excitation. Le public a hâte de retrouver l'Orchestra Baobab. Le directeur de l’IFD, Laurent Viguié, confirme l’affluence de ce soir. ’’Nous avons un public qui s’est mobilisé très vite, avec enthousiasme. Deux jours avant le concert, toutes les places ont été vendues”. Il souligne que ce concert est une occasion pour marquer un moment : ‘’L’Orchestra Baobab, c'est un groupe qui est venu à l'institut régulièrement au fil de ces 50 ans. Donc, il est normal que pour leurs 50 ans ce soit ici, parce qu’il y a aussi une histoire à partage’’, dit-il.
En parlant d’histoire, la soirée a débuté par la diffusion du film ‘’Orchestra Baobab, une autre histoire du Sénégal’’, réalisé par Toumani Sangaré. Ce documentaire a plongé le public dans l'histoire du groupe et a exploré le contexte social et culturel qui a vu naître l'Orchestra Baobab dans les années 1970. ¨Avec ces 50 ans, c'est aussi un moment pour regarder en arrière et se dire quel est le parcours de ce groupe mythique. Et le documentaire (…) retrace un peu l'histoire et l'importance de l’Orchestra Baobab au Sénégal’’, selon Laurent Viguié.
En effet, dans le documentaire, Sangaré dresse un portrait touchant et vibrant d’une aventure musicale, révélant des anecdotes inédites, des images d'archives et des témoignages poignants. Le film éclaire aussi sur les influences variées du groupe, entre rythmes cubains, sonorités mandingues et wolof, en passant par la musique traditionnelle sénégalaise. Il a mis en lumière le parcours de ces artistes ayant su s'adapter aux époques et aux styles tout en restant fidèles à leurs racines. Dans ce sens, le saxophoniste et chef d’orchestre, Thierno Kouyaté, soutient qu’il est essentiel de revenir sur l’histoire, car quand ils fêtent 50 ans, ils pensent à ceux qui les ont quittés et qui ont légué un patrimoine qui mérite d’être partagé et connu. ‘’C’est à cause des anciens qui étaient là et qui nous ont quittés que l’on continue cette aventure. Quand on fête ces 50 ans, on pense à eux. Vous comprenez que c'est quelque chose de fort en nous, parce que ces musiciens qui étaient là sont partis, ils ont légué un patrimoine très lourd et on doit le faire pour que l'orchestre puisse continuer à vivre", explique-t-il, des trémolos dans la voix.
À côté de lui, le guitariste de l’orchestre, Yahya Fall, souligne que les doyens ne sont plus au complet, mais qu’une nouvelle génération prendra la relève. ‘’C'est 50 ans, c’est une chose grandiose pour nous. Nous le faisons en hommage aux plus grands musiciens qui ont existé et qui ont fait le bonheur et la joie de l’orchestre, qui sont partis et qui nous ont quittés. Malheureusement, il en reste quatre, dont moi, Thierno Kouyaté, Mountaga Kouyaté et Moussa Cissoko. Nous sommes les derniers doyens de cet orchestre. Mais une nouvelle génération est en train de prendre la relève. Nos enfants sont en train de prendre la relève et c'est ce qu'on va montrer ce soir au public’’.
Ainsi, la nouvelle génération qui prendra le flambeau du Baobab ne compte pas faire une rupture, mais plutôt s’inscrire dans la continuité de l’œuvre.
Un concert exceptionnel pour une nuit de nostalgie et de fête
Après la diffusion du documentaire, place au concert. L’effervescence des voix est mêlée au bruit des préparatifs. Les gens échangent des regards complices, chacun conscient d'être témoin d'un moment rare. Le public, déjà chauffé à blanc, est en osmose, vibrant au rythme des lumières qui s'animent sur la scène en prélude au spectacle. Une ovation dès l’annonce de leur entrée sur scène. Accompagné par une chanson d’anniversaire, l’Orchestra Baobab est accueilli par un public enthousiaste qui vit ce moment. La nouvelle génération est également à l’honneur. Pour cette soirée, le leader vocal est le fils de Moustafa Koita, membre fondateur du groupe. Papino Koita, bien entouré par ses mentors, se dit prêt. Les premières notes de musique sont données, un mélange entre le mbalax, le jazz, la salsa et la musique afro, l’orchestre a revisité les classiques de son répertoire riche et varié. Cette diversité musicale a entraîné avec elle le public qui n’a pas manqué de sortir quelques pas de danse pour suivre le rythme au cours de la soirée. ‘’Leur retour nous fait beaucoup plaisir. Le fait de les voir là, sans les autres, c’est vraiment touchant. Mais une chose est sûre : la relève est assurée’’, nous confie Khady Diop, une dame âgée de 63 ans venue assister au concert.
Si le grand retour de l’Orchestra Baobab est tant attendu, Thierno Kouyaté annonce la sortie de leur nouvel album en avril prochain. ‘’Le nouveau disque sera composé de 14 titres dont ‘50 ans’, ‘Boulen dem’ (émigration irrégulière). On en encore ‘Jambars yi’, en hommage à Rudy Gomis, Attisso Barthélemy, Ablaye Mboup, Balla Sidibé, Issa Cissokho, Ndiouga Dieng, Thione Seck. Des monuments’ qui ont donné une âme au groupe’’, nous confie le chef d’orchestre.
Thecia P. NYOMBA EKOMIE