A la découverte de l’architecture diola
Une formidable découverte est faite en Casamance, à l’occasion d’un circuit touristique initié par le GIE Goorgoorlou. Il s’agit de la plus authentique case à impluvium. Fait d’argile et de paille, l’impressionnant édifice, qui servait de refuge à plusieurs foyers, date de plus d’un siècle. Il fait toujours office d’habitation.
Il y a énormément de sites merveilleux au Sénégal. De nombreux endroits extraordinaires encore peu connus renseignent, soit sur la générosité de la nature, soit sur le savoir des ancêtres. Une tournée organisée en Casamance par le GIE Goorgoorlou a permis à ‘’EnQuête’’ de découvrir l’authentique case à impluvium, vieille d’une centaine d’années.
Sise à Enampore, entre Oussouye et Ziguinchor, non loin de la rive gauche du fleuve Casamance, c’est un bâtiment en boue circulaire, construit avec un cercle de pièces autour d’une passerelle qui circonscrit une tranchée d’eau centrale, alimentée par une ouverture qui laisse l’eau de pluie entrer dans le bâtiment. Il y a plusieurs portes d’entrée. Chaque passage mène directement vers la cour ronde. De ce centre du bâtiment qui fait office de réservoir d’eau, jaillit un tunnel de lumière. Selon notre guide du jour, Joël Diatta, une fois plein, pour éviter l’inondation, un trou est ouvert pour évacuer le surplus d’eau vers un puits.
Malgré l’étroitesse des chambres, le climat est doux dans toute la case à impluvium. Celle-ci est fabriquée à base d'argile et de paille. Vêtu d’une chemise bleue, la trentaine dépassée, l’homme à la taille moyenne et au teint noir explique avec certitude : ‘’S’il fait chaud dehors, ici c’est équilibré. S’il fait froid dehors, ici c’est équilibré.’’
Selon lui, c’est grâce à la paille utilisée pour la toiture que le temps est clément. L’eau, en s’évaporant, servirait également à tempérer l’intérieur de la case. Trois canaris installés sur le contour du bassin renseignent qu’il y a trois ménages qui partagent la case. ‘’Dans le passé, il y avait d’autres cases où l’on pouvait trouver quatre à cinq canaris ; ça détermine le nombre de ménages qui y vivent’’, relate M. Diatta.
A quoi servait cette superbe et singulière architecture diola ? ‘’L’utilité de fabriquer la case à impluvium, c’est d’être en sécurité, d’abord. Parce qu’auparavant, il y arrivait des guerres tribales. Les hommes pouvaient partir pour la cueillette ou l’agriculture etc., et que des attaques se produisent derrière eux. Avec la case, les enfants étaient bien protégés à l’intérieur. Au même moment, les bœufs, les chèvres, etc., pouvaient aussi y être en sécurité’’, dit-il.
Une cuisine fait office de grenier. On peut y conserver du riz pendant une très longue période. Dans les couloirs, différents objets accrochés au mur renseignent sur le mode de vie des populations ou de leurs ancêtres. Parmi ces objets, il y a la peau de bœuf. Celle-ci est utilisée comme une natte ou pour fabriquer des tam-tams. Plus loin, une sangle pour grimper au palmier, une calebasse pour conserver des graines d’arachide, un ''kadiandou'', instrument traditionnel utilisé pour cultiver.
Actuellement, les populations se sont inspirées de cette case à impluvium pour construire d'autres qui allient tradition et modernité. Servant de campement, l’une d’elles se trouve dans la commune d’Enampore. De plus, des investisseurs ont reproduit l’architecture pour construire des hôtels. ‘’Maintenant, pour les familles, la case à impluvium n’est plus pratique. Et chaque année, il faut changer la paille. Celle-ci, de plus en plus chère, est devenue un luxe que l’on trouve dans les hôtels’’, renseigne Joël Diatta.
En tout état de cause, il est impératif de protéger et de réhabiliter la case à impluvium qui est un patrimoine. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où la technologie est de plus en plus avancée. Mais quelle bâtisse à usage d'habitation peut durer plus d’un siècle ? Difficile de répondre à cette question, en cette période où des bâtiments récents menacent ruine.
BABACAR SY SEYE