Publié le 16 Aug 2024 - 14:00
CE QUE JE CROIS

À notre cher Président Moustapha Niasse

 

« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi {….}, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. » Montesquieu.

 

Parmi les sujets qui occupent l’actualité, on pourrait bien citer le débat sur la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale, plus la date légale. La contribution du professeur Meissa Diakhaté « Ma part de vérité » et la thèse du juriste El Hamath Thiam, de « Droit sans Frontières » ont retenu notre attention.  Avant d’aborder  sujet dans le fond , nous  voudrions   bien  rappeler la règle  du « parallélisme des formes » . Qu’il nous soit permis alors de prendre comme exemple le cas plus récent, à savoir celui de notre nouveau Chef de l’État.  Le candidat Bassirou Diomaye Faye avait été déclaré Président de la République après la proclamation définitive des résultats des élections du 24 Mars 2024 par le Conseil Constitutionnel, le 30 mars 2024. Dès cet instant, on l’appelait « monsieur le Président de la République », disposant des services du protocole, de la sécurité de la Présidence ainsi que tous les honneurs dus à son rang. Mais dans la charte fondamentale de notre Constitution, il est bien écrit dans son article 36 que : « Le Président de la République élu entre en fonction après la proclamation définitive de son élection et l’expiration du mandat de son prédécesseur. Le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. »  

Par conséquent, c’est bien après sa prestation de serment le 2 avril 2024 devant les membres du Conseil Constitutionnel et la cérémonie de passation de pouvoir entre lui et son prédécesseur qu’il est devenu véritablement le Président de la République disposant de sa plénitude de pouvoirs. De même, s’agissant des députés, élus aussi au suffrage universel « de facto et de juré » l’immunité consacrée par l’article 61 de la constitution et l’article 51 du Règlement intérieur qui leur est conférée dès la proclamation définitive des résultats ne devrait à notre humble avis constituer le seul critère et unique motif pour la considérer comme le début de leur mandat. On peut soutenir que le candidat nouvellement élu ne peut juridiquement et matériellement accomplir pleinement ses charges fondamentales de « représentant qualifié de la Nation » surtout voter des lois et contrôler l’action du Gouvernement.  

Pour éviter toute confusion de genre entre le député et l’Institution parlementaire qui incarne le Peuple dans les rapports  entre « le  préposé et le   commettant »,  « le mandataire et le mandant», l’article 108 du Règlement intérieur prévoit  que : « L’Assemblée nationale étant la représentation de la Nation, les symboles que celle-ci s’est donnée doivent figurer dans l’hémicycle, de manière que les députés les aient constamment à l’esprit et inscrivent leurs actions dans les valeurs qu’ils incarnent. » Il en découle que le mandat du député ne devrait être dissocié du début ainsi que de la durée de la Législature.

Une lecture cumulative des dispositions des articles 59, 60 et 87 de la Constitution pourrait apporter une réponse claire et simple à ces questions. En effet, l’article 59 dispose : « L’Assemblée représentative de la République du Sénégal porte le nom de l’Assemblée nationale. Ses membres portent le titre de député à l’Assemblée nationale. » L’article 60 alinéa premier de la Constitution poursuit : « Les députés de l’Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct. Leur mandat est de cinq ans. Il ne peut être abrégé que par dissolution de l’Assemblée nationale, .… ». Quid alors des ministres candidats élus députés, au regard de l’article 60 de la Constitution qui renvoie à la loi organique qui fixe les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ? Il est constant que ces derniers, continuaient encore à exercer pleinement leurs fonctions de ministres, siégeant au Conseil des Ministres tout en figurant sur la liste des députés, et cela jusqu’à une semaine après l’ouverture de la Législature. Leur seule obligation est d’exprimer expressément leur option d’être député ou ministre et de rendre leur démission à l’Assemblée ou au Président de la République.

S’agissant de la dissolution anticipée par décret du Président de la République, l’article 87 de la Constitution lui donne ce pouvoir: « Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale. Toutefois la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de la législature. Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Le scrutin a lieu soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après la date de publication
du dit décret. L’Assemblée nationale ne peut se réunir. Toutefois, le mandat des députés n’expire qu’à la date de la proclamation de l’élection des membres de la nouvelle Assemblée nationale. »

La nécessité s’avère alors impérieuse d’opérer une nette distinction entre l’effet déclaratif de député à la date de la proclamation définitive des résultats des élections législatives et son effet constitutif dès le premier jour de l’ouverture de la Législature. La durée du mandat effectif du nouveau député court seulement à compter de son installation au jour de l’ouverture de la première Session Plénière. Car  député commence alors à participer aux activités et aux travaux de l’Assemblée). C’est à partir de ce moment précis que le député recevra officiellement ses premiers documents de travail, à savoir la Constitution, le Règlement Intérieur de l’Assemblée ainsi que le document d’information sur l’Administration de l’Assemblée. Il sera aussi  autorisé à porter légalement les signes distinctifs de son statut de député à savoir son insigne , son écharpe et le macaron portant la mention « Laissez passer », valable pour la durée de la législature pour  lui permettre d’identifier son véhicule. C’est le même jour qu’il aurait dû prêter serment avant d’entrer en fonction si la loi l’avait prévu. C’est le cas dans beaucoup de pays de l’Afrique comme la Mauritanie   et dans les Parlements régionaux de la CEDEAO et du Parlement panafricain. Comme pour rappeller   l’adage que nous avait enseigné   notre professeur de droit, Jean Pierre Tosi: « La loi c’est le général, le juge c’est le particulier ».  

Les juges du Conseil Constitutionnel donneront leur avis après la saisine du Président de la République. Il est aussi bon de savoir que les députés sortants non réélus poursuivent leurs missions dans les parlements régionaux et internationaux. Ils conservent leurs immunités parlementaires et continuent à percevoir leurs indemnités et autres avantages après la validation des nouveaux députés jusqu’à leur installation. Les députés nouvellement élus ne commenceront alors à percevoir leurs indemnités qu’après leur installation à l’ouverture de la première session consacrant le début de la Législature qui mettra fin au mandat des députés sortants. Lex ferenda, la prestation de serment, pourrait bien être inscrite dans le projet de modification du Règlement intérieur et même de la Constitution pour régler de manière définitive ces problèmes liés à la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale, source de confusion, d’interprétations et de controverses.

Me Djibril War juriste ,

Administrateur et mandataire judiciaire au près des Cours et Tribunaux,

expert fiscal , membre de l’Ordre national des Experts du Sénégal,

ancien député de la Douzième  et de la Treizième législature ancien président de

la Commission des Lois puis celle des Affaires étrangères,

ancien député au Parlement panafricain à Johannesburg,

ancien Président de la Commission ad hoc des Reformes de

l’Union africaine pour le Parlement panafricain et ancien Président de

la Commission permanente des Lois , des Privilèges et de Discipline

au Parlement panafricain, ancien conseiller spécial du  Président de l’Assemblée nationale,

ancien ministre conseiller spécial de monsieur le Président de la République.

 

 

Section: 
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