Immersion dans l’univers poétique et politique du 1er président
À l’occasion de la commémoration du 23e anniversaire du décès de Léopold Sédar Senghor, la Maison de la Culture Douta Seck, en partenariat avec la direction du Livre et de la Lecture, a organisé une exposition. Intitulée "Senghor de la plume à la truelle : une ambition pour le Sénégal", elle met en lumière ses contributions politiques et culturelles.
En hommage au premier président de la République du Sénégal, une exposition a été organisée, à l’occasion de la commémoration du 23e anniversaire de son décès, au centre culturel Douta Seck. Elle a été réalisée à partir des ressources de la bibliothèque personnelle de Léopold Sédar Senghor, achetée par l'État du Sénégal le 21 mai 2024. L'inventaire du fonds révèle l'existence de 1 422 titres pour 1 451 livres, d’après la Direction du Livre et de la Lecture qui l’a organisée en partenariat avec la Maison de la Culture Douta Seck.
Une exploration bibliométrique autorise la conclusion suivante : "le poète président a progressivement constitué cette bibliothèque de travail pour alimenter sa réflexion philosophique, sa création poétique et son projet politique". L'exposition a pour thème "Senghor de la plume à la truelle : une ambition pour le Sénégal". Il s’agit de comprendre que le penseur, philosophe et poète n'a pas pensé gratuitement.
"Elle relate le combat que Léopold Sédar Senghor a mené par la plume, tandis que d'autres faisaient leur combat vraiment par les armes", a indiqué la directrice du Centre Culturel Douta Seck lors du vernissage, ce vendredi. "L'importance de cette exposition réside dans le fait que nous voulons rendre un hommage mérité au poète président Léopold Sédar Senghor, qui a vraiment écrit en lettres d’or l'histoire du Sénégal, à travers la politique, la littérature, etc. Il a mené des combats aux côtés de Césaire et de ses autres frères de la Négritude", a-t-elle ajouté, magnifiant la stratégie de Senghor qui résidait dans un acte pacifique à travers la plume.
Senghor, un bâtisseur
Une partie de l’exposition est intitulée "Senghor se former à vie". On y voit des écrits traduits en anglais parlant de l’article contracté et de l’article partitif : du, de la, des. On peut y lire ceci : "Il ne faut pas confondre de, du, de la, des formes contractées de l’article défini, avec de, du, de la". L’exposition montre aussi que de Césaire à Abdoulaye Wade, de Albert Maurice à Ousmane Socé, compagnons de lutte et amis, expriment à Senghor leur affection et leur admiration (Senghor dans les dédales de sa bibliothèque).
Le président-poète fut également un bâtisseur. Dans la partie de l’exposition titrée "Il était une fois, Senghor et Diomaye", on y rapporte un témoignage d’un ancien directeur des Archives nationales. Saliou Mbaye a relaté : "Jean François Maurel et moi avons organisé une exposition sur les ressources des Archives du Sénégal. Le Pr Senghor nous fit l'honneur de visiter cette exposition en 1970. Il s'arrêta devant ses copies d'examen au concours d'entrée au Lycée Louis le Grand en 1929."
Saliou Mbaye note que Senghor, sous le coup de l'émotion, annonça séance tenante sa décision de rattacher les Archives du Sénégal à la Présidence de la République. Ainsi, à la fin de cette visite, Senghor fit la promesse suivante à MM. Mbaye et Maurel : "Je vous construirai la Maison des Archives et la Bibliothèque nationale, le jour où le Sénégal commencera l'exploitation de son pétrole." "Pour la réalisation de la bibliothèque nationale, de la Maison des Archives, de la cité du cinéma, de l'ENAMC." Message d'outre-tombe.
Le premier président du Sénégal est aussi un bâtisseur de la culture. À l’occasion du 1er Festival Mondial des Arts Négrospirituels, Senghor avait souligné que dès l'accession du pays à l'indépendance, il y avait eu la volonté de faire de l’éducation et de la formation une priorité. "Nous disions que, sans la formation, en nombre suffisant, de cadres de niveau international, il ne pourrait y avoir ni développement moderne, ni socialisme africain", disait L. S. Senghor.
Musée des civilisations noires présent dans la fiche de Senghor
Le directeur du Livre et de la Lecture estime que Senghor a eu le courage de questionner un certain nombre d'idéologies majeures qui ont gouverné le monde au 19e et 20e siècle. Il a situé leurs limites dans la perspective qui les intéressait, puisqu'il essayait de s'adosser à la philosophie négro-africaine pour essayer de repenser les rapports entre hommes, selon lui. "Au sortir de cette réflexion, ou parallèlement à cette réflexion, il a pris sur lui de traduire sa pensée par un certain nombre de réalisations concrètes", soutient Ibrahima Lô.
À cet effet, la plume rejoint la truelle du maçon. Qui construit impatiemment. "Donc Senghor a, dans la foulée, pensé beaucoup d'institutions, beaucoup d'organes qui ont pu porter sa vision de la culture. Il les a expérimentés certaines fois, d'autres fois il n'a pas pu les expérimenter", souligne M. Lô. Qui prend l'exemple du Musée des civilisations noires que Macky Sall a réalisé en définitive, mais qui était très présent dans les fiches de Senghor. Jusqu'à y compris dans la conception des modèles architecturaux et des espaces d'exposition et de valorisation des interfaces culturelles qu'il pensait.
Tout ça était en jachère au moment où il a quitté le pouvoir, selon Ibrahima Lô. Décrivant Senghor comme étant aussi un bâtisseur de la nation, il déclare : "Vous prenez l'exemple de la ressource humaine. Senghor a investi dans l'enfance. Il a suscité pas mal de vocations, il les a accompagnées. Et le résultat aujourd'hui, c'est que l'expertise sénégalaise est reconnue et acceptée de par le monde. Ça, c'est un motif de satisfaction et de fierté."
Khady Diène Gaye : "Il a posé les jalons et les fondements d'un Sénégal ambitieux"
Le vernissage a été présidé par la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye. "Chaque œuvre, chaque pièce présentée ici nous rappelle que construire une nation ne se limite pas aux routes et aux bâtiments. C'est aussi édifier des esprits éclairés capables de penser le monde et d'en transformer la matière", a-t-elle indiqué. Pour elle, Senghor incarne un dialogue toujours vivant entre les générations actuelles. "C’est un homme dont l'œuvre et la vision conduisent à inspirer le Sénégal, l'Afrique et le monde entier", dit-elle.
Le président Senghor ne s'est pas contenté d'écrire l'Afrique, d’après la ministre. "Il a voulu la bâtir, la transformer, l'inscrire dans la modernité, tout en la préservant de l'oubli. Sa présidence a été celle des grandes œuvres, celle qui porte encore aujourd'hui son empreinte visionnaire, de la truelle de l'action politique. Il a posé les jalons et les fondements d'un Sénégal ambitieux, profondément enraciné dans son passé, mais résolument projeté vers la modernité. Il a conçu des infrastructures, mais aussi des institutions. Il a posé les bases d'une économie moderne, tout en inscrivant le développement dans une harmonie entre tradition et progrès, institutions et événements culturels", a ajouté Khady Diène Gaye.
Elle a cité le théâtre national Daniel Sorano, les manufactures sénégalaises des arts décoratifs, le Fesman, les grandes écoles de formation, et les édifices publics. "Tout cela témoigne de son rêve d'un Sénégal où la beauté et la solidité des pierres rencontrent la fertilité et l'ouverture des esprits. Senghor croyait fermement que l'art et la culture étaient des leviers du développement", a-t-elle soutenu.
Au-delà de Léopold Sédar Senghor, les hautes autorités de notre pays ont affirmé leur volonté de reconstituer la mémoire des bâtisseurs de la Nation, comme l'établit l'instruction primatoriale. Pour elles, négocier un droit de préemption garantissant la priorité d'acquisition des biens relevant du patrimoine de L.S. Senghor, et ceux d'autres personnalités sénégalaises présentant un intérêt similaire, afin de les sécuriser, de les conserver et de les valoriser.
"C'est dans la diversité des mémoires, des terroirs constitutifs de la Nation sénégalaise ouverte sur l'Afrique, que nous construirons un futur de dignité, de solidarité et de cohésion", disait le président Bassirou Diomaye Faye, à Thiès, le 12 décembre 2024.
BABACAR SY SEYE