Les trois piqûres de rappel des Assisses nationales
Si beaucoup de candidats à la présidentielle avaient fait des Assises nationales un thème de campagne – pour ne pas dire un fonds de commerce -, peu d'entre eux en portent encore le combat. Fruit du travail d’imminents intellectuels et politiques du pays, les Assises nationales ont, en effet, dressé le «bilan des cinquante ans d’indépendance» puis tracé «les perspectives de refondation de la nation sur des bases nouvelles».
Après un état des lieux des institutions, Amadou Makhtar Mbow et Cie ont, ensuite, logiquement préconisé une nouvelle gouvernance institutionnelle. Celle-ci repose sur trois piliers : la fin de la concentration des pouvoirs entre les mains d'un président de la République qui éclipse le gouvernement, instrumentalise le Parlement et influence la justice.
Sur ce dernier point, le régime de Macky Sall semble avoir encore du chemin à faire afin de rompre avec les pratiques décriées et vilipendées du temps d'Abdoulaye Wade qui avait la propension de ramener la justice à sa propre personne. Comme une ritournelle de ces comportements patriciens, on peut rappeler la mise en garde, depuis la station balnéaire de Mbodiène, du chef de l'État à ses détracteurs et à la suite de laquelle un ex-ministre a dû répondre à une justice mise en action puis remballée (voir ci-contre).
L’autre socle plébiscité par les Assises nationales, c’est le repositionnement du Parlement – Assemblée nationale en particulier - comme acteur institutionnel majeur et doté du rôle d'impulsion de la vie politique au Sénégal. Mais à voir les dernières scènes, dignes des empoignades autour des bornes-fontaines de quartier, les députés ne sont pas tous prêts à traduire en acte cette recommandation fondamentale des Assises.
Dernier socle auquel donner un contenu, la justice que les Assisards veulent indépendante et accessible aux citoyens. Un vaste chantier qui pose à nouveau la lancinante question de l’indépendance des magistrats, le lien congénital du Parquet à l'Exécutif... D’ailleurs, le président de la République semble en être conscient.
Présidant la rentrée solennelle des Cours et tribunaux, il y a deux semaines, sur le thème «Le droit à un procès équitable», Macky Sall avait déclaré : «En ma qualité de gardien de la Constitution et de président du Conseil supérieur de la magistrature, je veillerai personnellement à ce que l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui passe par l’amélioration des conditions de vie des magistrats et la défense de leur image et de leur dignité contre toute attaque, soit préservée en toute circonstance».
Belles paroles de circonstances d'un président de la République qui a encore le pouvoir de neutraliser ou d'éteindre des procédures judiciaires, ou pire encore, de disculper son successeur sur un plateau de télévision étrangère sans autre forme de procès.
DAOUDA GBAYA