Un marché de l’art hors du continent
Dans le cadre du projet Symbiose, une conférence sur le marché de l’art africain s’est tenue hier à la Galerie nationale. Elle était animée par l’enseignant-chercheur et critique d’art Babacar Mbaye Diop.
Le marché de l’art africain, on en entend souvent parler. Mais existe-t-il réellement ? Une question à laquelle a tenté de répondre, hier, le critique d’art et enseignant, Pr Babacar Mbaye Diop. C’était au cours d’une conférence organisée à la Galerie nationale et qui est une initiative d’acteurs culturels sénégalais et coréens intitulée ‘’Symbiose’’. ‘’Osons le dire, s’il existe un marché de l’art africain contemporain, il a lieu à l’extérieur du continent, mais pas en Afrique où seuls le Maroc, l’Afrique du Sud et le Nigeria disposeraient des maisons de vente. Les plus grandes des transactions financières sur l’art africain le sont dans des villes mondialisées comme New York, Londres, Tokyo, Los Angeles, Hong Kong’’, selon M. Diop.
Ainsi, il faut sortir du continent pour vendre et même si on vend ici, ce sont plus à des étrangers, avance-t-il. Encore que la vente n’est pas le seul écueil. En effet, un marché de l’art doit répondre à certains préalables. Il faut, dans ce sens, un régime juridique, des tendances ou courants artistiques, de l’expertise de ses acteurs, la valorisation des œuvres d’art elles-mêmes. Pour cela, il faut des galeries. ‘’Au Sénégal, on les compte’’, constate Babacar Mbaye Diop. Il n’y a pas de maisons de vente, non plus. Le cas du Sénégal est celui de beaucoup d’autres pays africains. Ils leur manquent également des galeristes, naturellement, des commissaires-priseurs, des biennales, des foires et salons d’art dignes de ce nom. ‘’On a une biennale à Dakar, mais on n’a pas encore débouché sur une véritable économie. Il serait bien qu’on sache combien on a vendu après une biennale’’, suggère-t-il.
‘’Un marché de l’art sert à vendre des œuvres. La valeur d’une œuvre dépend de plusieurs critères’’, indique le conférencier. ‘’L’œuvre doit être le fruit du travail d’un artiste. Elle doit être signée par son auteur, découverte par un commissaire ou un collectionneur connu. Elle doit être originale, c’est-à-dire le moins reproductible possible’’, énumère-t-il. Après la vente, le client devrait avoir un certificat de vente. On doit y mentionner l’historique de l’œuvre, les réparations subies, s’il y en a eu, le lieu de vente, etc.
Malgré tous ces manquements, l’art africain se vend à l’étranger. Il y a un classement fait et 100 artistes africains les plus cotés figurent. Les neuf premiers sont des Anglophones. Car ‘’ils sont mieux protégés que les Francophones. Ce sont des artistes qui bougent beaucoup et qui s’inspirent de ce qui se fait comme art dans le monde’’, note-t-il. ‘’On est en train d’assister à un renouvellement des productions artistiques dans les pays anglophones’’. Ainsi, les autres devraient les suivre en voyageant le plus souvent possible, faire des rencontres et être affiliés à de grandes galeries du monde. Ce qui leur permettra d’adapter leur art aux ‘’normes internationales’’.
Attention tout de même. Babacar Mbaye Diop reconnaît que ‘’le danger est que l’artiste donne l’impression de créer pour le goût des étrangers’’. On peut y échapper comme l’artiste sénégalaise Awa Séni Camara qui est cotée à la 77e place du classement et est bien connue. Pourtant, elle ne quitte jamais son village natal, dans le sud du Sénégal, mais est connue à travers le monde et ses poteries sont bien appréciées. Un autre Sénégalais coté, c’est Soly Cissé, qui est à la 51e place après Ousmane Sow à la 37e.
BIGUE BOB