La voix de la majorité l’emporte
Le choix des vice-présidents de l'Assemblée nationale a suscité une vive controverse entre le groupe majoritaire Pastef et l'opposition Takku Wallu. Accusations mutuelles, blocages et manœuvres ont marqué la session, jusqu’à ce que Pastef impose sa majorité pour élire ses huit vice-présidents, provoquant le boycott de l’opposition. Retour sur une séance sous haute tension.
A la reprise de la session, le président Malick Ndiaye a accusé le groupe Takku Wallu d'être à l'origine des lenteurs. Pour lui, conformément au Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, il revenait audit groupe de choisir une dame mais ils ont refusé, en proposant un homme. ‘’La parité doit être respectée. Étant donné que le groupe majoritaire, qui a la priorité des choix, a désigné une femme comme 7e vice présidente. La 8e place doit être forcément une femme. J'invite donc la présidente du groupe Takku Wallu à venir me donner le nom de la femme qui doit les représenter.’’ Selon la présidente du groupe Takku-Wallu, Aissata Tall Sall, les choses ne se sont pas passées comme ça. Elle explique: ‘’Le vice -président que nous avons, nous le tenons du règlement intérieur. C'est le suffrage qui nous donne droit à un poste de vice-président et un poste de président de commission. Nous vous avons fait une proposition. Il vous revient d'en prendre acte et de le soumettre au vote. Voilà ce que nous vous demandons de faire.’’
Pour que Takku-Wallu puisse imposer Farba comme 8e VP, il aurait fallu que Pastef réaménage ses choix. Mais le parti présidentiel n’a rien voulu lâcher. Pour Ayib Daffé, les sept premières places leur revenaient de droit. Ayant choisi les sept premières places, Takku Wallu avait l'obligation de désigner un homme. C'est ce qui ressort, selon lui, de l'article 14 du Règlement intérieur. ‘’Il est bien dit que les candidatures doivent être déposées au niveau du secrétariat général. Depuis ce matin, nous avons déposé notre liste de candidats respectant la parité et c’est a eux de proposer une femme dans le respect de la réglementation’’, soutient Monsieur Daffé qui impute à son tour tout le retard au groupe de l’opposition . ‘’Depuis plusieurs heures, ils sont en train de faire ce que j’appellerai du marchandage pour nous imposer quelque chose qui est contraire aux textes. On ne sait pas pourquoi, ils s'obstinent à déposer une candidature qui ne respecte pas la parité. Il y a une réelle volonté de dilatoire pour faire croire que c'est la majorité qui bloque. Notre liste est complète depuis ce matin’’, a-t-il insisté avant d’ajouter : ‘’Nous ne comprenons pas pourquoi Mouhamadou Ngom doit bloquer l’Assemblée nationale. Que veut faire Mouhamadou Ngom dans ce bureau ? N'y a t'il pas de femmes aussi valables que vous pour siéger dans le bureau ? Pourquoi vous voulez stigmatiser les femmes ?’’, peste le président du groupe de la majorité avant de menacer : ‘’Si vous continuez, nous présenterons une candidature pour prendre le poste de 8e VP.’’
Réagissant à cette attaque, Maître Aissata Tall Sall a récusé catégoriquement les écueils soulevés. Pour elle, c’est plutôt la majorité qui a été à la base de tous les blocages. Prenant à témoin le SG de l’Assemblée , elle déclare : ‘’Nous n’avons absolument rien bloqué. Nous sommes arrivés à 11H dans son bureau. Et nous avons déposé notre groupe, ainsi que notre proposition pour le poste de vice-président qui nous revient de droit. S’il y a eu des lenteurs, ce n’est pas dans notre camp qu’il faut le chercher.’’ A propos du refus de mettre une femme, elle a estimé que Pastef n’a aucune leçon à donner. Encore moins à elle qui s’est toujours battue pour les droits des femmes. De l’avis de l’ancienne ministre, c’est plutôt Pastef qui viole la parité en mettant un homme comme VP et qu’ils vont saisir la justice contre ces violations.
Revenant sur les raisons du long blocage, Abdou Karim Sall a trouvé insensées les accusations de la majorité. Si le blocage leur était imputable, a-t-il dit, Pastef allait dérouler depuis très longtemps. ‘’C’est plutôt eux qui n’arrivaient pas à s’entendre’’, souligne l’ancien directeur général de l’ARTP.
Après une brève suspension de séance, Pastef est revenu dans l’enceinte de l’hémicycle pour mettre à exécution ses menaces en choisissant une femme comme 8e VP. Ce qui poussa les députés du groupe Takku-Wallu à bouder le reste de la séance tout en annonçant un recours.
Après le départ des députés de Takku Wallu en particulier ceux de l’APR, Pastef a continué la procédure et a élu les secrétaires élus et les questeurs.
Liste des 8 vices présidents, tous membres de Pastef
Ismaila Diallo
Rokhy Ndiaye
Cheikh Thioro Mbacké
Mbene Faye
Amadou Ba
Oulimata Sidibé
Samba Dang
Maimouna Bodian
La fausse rupture Initialement prévue à 10H, la première session de la nouvelle législature n’a pu démarrer que vers les coups de 18 heures. Elle n'a pu démarrer qu'à 17H 45mn, soit près de 8H de temps de retard. Certains députés avaient d’ailleurs quitté les lieux pour revenir plus tard. Vers les coups de 17H30, une partie du public, las d’attendre l’ouverture de la séance, décide de ruer dans les brancards, pour protester contre ces lenteurs. ‘’C'est trop lent. Vous avez une majorité, il faut dérouler....", fulmine ce militant vêtu d’un grand boubou blanc. Quelques instants plus tard, les huissiers entrent dans la salle et commencent à distribuer les enveloppes. Suivra le doyen d’âge, Alla Sène, qui avait la charge de conduire les débats jusqu’au choix du nouveau président. Ce dernier a tenu à présenter ses plates excuses d’abord aux députés, ensuite au public venu nombreux assister à l’installation, mais surtout au peuple qui attendait depuis le matin. Le président ne donnera toutefois pas les raisons de ce grand retard. Alors que les députés de l'opposition étaient presque introuvables, ceux du Pastef étaient incapables durant toute la journée de donner un motif. Ce n'est que vers les coups de 17H, sur insistance des questions, que certains ont commencé à indexer de possibles pourparlers entre les groupes et du problème de l’opposition à respecter la parité comme le dira plus tard Ayib Daffé. Mais selon des sources dignes de foi, le problème viendrait plutôt du Pastef qui avait du mal à départager les prétendants au poste de président de l’Assemblée . Selon les informations, il n'était pas dans le schéma initial de faire démissionner du Gouvernement Malick Ndiaye. D’ailleurs, informe-t-on, ce dernier avait déjà déposé sa démission le matin avant de revenir sur sa décision. Sur un total de 163 votants, il a été plébiscité avec 134 voix pour ; 22 contre et sept abstentions. Le nouveau président de l’Assemblée nationale a finalement été installé à 19H30mn. Ce retard énorme a fortement été décrié. |