Aucune étude n'a été menée au Sénégal
Un colloque international intitulé "Sciences sociales et drogues en Afrique francophone : diversification des usages, transformation des approches" s'est tenu hier à Dakar. Au cours des discussions, il a été révélé qu'aucune étude n'a été réalisée sur la consommation de chanvre indien au Sénégal.
Dans le cadre de la lutte contre la consommation de drogue en Afrique, le RCF, l'IRD, l'Ucad, le Rescidaf, le Cepiad, le LER-DHDAJE et l'Harene ont organisé hier à Dakar un colloque international intitulé "Sciences sociales et drogues en Afrique Francophone : Diversification des usages, transformation des approches".
Lors de cet événement, il a été noté qu'aucune étude, et donc aucun chiffre, n'est disponible sur la consommation de chanvre indien au Sénégal. Le thème de ce colloque est "L'augmentation de la production, de la diffusion et du transit des stupéfiants en Afrique, la diversification des produits et des usages (nouvelles drogues, médicaments détournés de leur indication, nouvelles formes de consommation), liés à la mondialisation des modèles culturels constituent un défi pour la définition de politiques des drogues respectueuses des droits humains".
Selon l'enseignant-chercheur et anthropologue, le Dr Albert Gautier Ndione, "si on ne s'intéresse pas aux produits qui circulent dans nos pays, à leurs effets, à leurs circuits, à leur mode de consommation et qui sont en multiplication, on ne règle pas un problème fondamental pour la jeunesse de nos pays".
En effet, a rappelé le Dr Ndione, des études en anthropologie ont montré que les consommateurs de drogues suivent des trajectoires difficiles et demandent des soins adaptés à leur situation.
L’anthropologue a indiqué dans la foulée que ce colloque, qui réunit l'ensemble des acteurs, permettra de s'ouvrir au grand public, d'essayer d'établir d'autres formes de collaboration afin de poursuivre leurs recherches et d'élargir ce réseau scientifique de recherche sur les drogues pour continuer à aider notre jeunesse à construire un avenir meilleur pour l'Afrique.
Les pays ont échoué dans la "guerre contre la drogue"
De son côté, le professeur et enseignant-chercheur à l'université Gaston Berger de Saint-Louis, Mbissane Ngom, a rappelé qu'une étude menée il y a quelques années sur la circulation de la drogue en Afrique de l'Ouest francophone avait montré qu’au-delà de la circulation et de l'existence de circuits de trafic de drogue, l'Afrique de l'Ouest était devenue une zone de consommation. À cet égard, a-t-il dit, en tant que chercheurs, cela les a alertés.
Selon lui, aujourd'hui, le détournement de médicaments pour en faire des drogues est devenu plus grave et dangereux, car, a-t-il regretté, beaucoup de jeunes utilisent ces médicaments à des fins de consommation de drogue et deviennent dépendants.
Dans le cadre de la lutte contre la consommation de drogue, Mbissane Ngom a souligné que l'Afrique et la plupart des pays du monde privilégient une réponse pénale. Mais, reconnaît-il, les pays ont échoué dans la "guerre contre la drogue", qui est finalement devenue une "guerre contre les drogués". De ce point de vue, a-t-il indiqué, "nous essayons de voir, avec ce qui est mis en place, comment privilégier une approche basée sur la santé et le respect des droits humains, plutôt que d'emprisonner des consommateurs de drogues qui peuvent être malades lorsqu'ils sont dépendants".
De son côté, le secrétaire général du CRCF et pharmacien, le Dr Karim Diop, a souligné l'importance de mener une enquête nationale sur la consommation de drogue.
En effet, a-t-il expliqué, "aujourd'hui, nous disposons d'informations sans qu'elles fassent l'objet d'une étude. Il est donc important de mener des études et j'espère que nous pourrons le faire".
Revenant sur la consommation de drogue par les conducteurs, qui entraîne de nombreux accidents de la circulation, le Dr Diop est d'avis qu'il est important de mener des recherches pour pouvoir aider les décideurs et les autorités politiques à prendre les bonnes décisions. "La drogue s'impose à nous, il faut que nous puissions avoir les moyens de la contrer. Ce n'est pas une question taboue, il faut avoir toute la sincérité, toute la transparence pour en parler. Nous devons protéger la jeunesse d'aujourd'hui, qui deviendra les adultes de demain. Car, soutient-il, s'ils sont pris par la drogue, cela risque malheureusement de compromettre l'économie du pays".
En conclusion, a-t-il insisté, tous les efforts déployés peuvent être compromis si nous n'abordons pas fermement cette question.
FATIMA ZAHRA DIALLO