Une initiative opportune du président Macky Sall
L’apparition brutale de cette terrible maladie planétaire du coronavirus qui décime comme des mouches les populations de ce monde, aura suffisamment montré, en seulement moins d’un trimestre, la vulnérabilité du système capitaliste et la faiblesse de sa résilience devant des secousses de masse. Nous avions connu le krach boursier de 1929 et le new deal, le plan marshal à la suite de la deuxième guerre mondiale , le plan de sauvetage de l’économie mondiale consécutive à la crise financière de 2008 des subprimes ; Mais , nous n’avons pas jusque là connu , en si peu de temps, un effondrement du cours des valeurs boursières et des cours du pétrole, traduisant un choc de l’offre qui réduit drastiquement la croissance de la production mondiale des biens et services et augmente de façon intense les pressions inflationnistes .
Les secteurs hautement capitalistiques militaro-industriels ou technologiques, allant de la construction aéronautique, de la construction navale, de l’automobile ou du numérique, subissent un contrecoup historique engendré par des coupes budgétaires importantes consécutives à une réorientation obligatoire des capitaux vers les secteurs sanitaires et sociales, en raison de l’urgence de la prise en charge des populations pour la survie de l’humanité. La grande récession économique consécutive au coronavirus avec le confinement de la moitié de la population active mondiale, provoque un chômage sans précédent qui est train de développer sa toile d’araignée pouvant accroitre les revendications sociales, les défaillances des marchés et les désorganisations de tous ordres. En réalité , c’est tout le modèle capitaliste basé sur le fonctionnement libre du marché qui est aujourd’hui remis en question par la configuration du coronavirus qui interroge nos modes actuels de production, de consommation et d’échange, ainsi que la vision que nous avons de l’avenir.
Cette crise sanitaire révèle que l’approche communautaire doit entre privilégiée en mettant fin, à l’échange inégal, au travail non payé ou au sous emploi, à l’exploitation des richesses des pays pauvres par les multinationales et à leur endettement. Comment se fait-il que 1% de la population mondiale concentre 80% de la richesse mondiale ? Le président Macron a raison d’affirmer ‘’qu’il aura une autre vision du monde après le passage du coronavirus sur la planète’’, vers, certainement, moins de libéralisme et plus d’humanisme. Il n’y a plus d’échappatoire pour l’humanité pour se réformer ou mourir. L’apparition de cette terrible maladie nous aura démontré l’universalisme de ce virus susceptible de n’épargner aucune personne humaine. De l’hémisphère Nord à l’hémisphère Sud, des pays tempérés aux pays tropicaux, de la province du Hubei à l’Arizona, le coronavirus qu’on pourrait assimiler à une arme bactériologique particulièrement destructrice dont on ne peut pas arrêter la propagation, n’a pas de frontière, contrairement au paludisme qui se confine dans les pays tropicaux et qui a fait pourtant des ravages jusque là inégalés.
De plus, le commerce inégal et le transfert de valeurs des pays sous développés vers les pays développés à partir de contras léonins d’exploitation de leurs ressources, anéantit l’accumulation interne du capital en favorisant le réinvestissement extérieur et les placent dans une situation quasi permanente d’emprunteurs nets et de pays à revenu faible. Il est inconvenant, dans ce contexte de relations économiques verticales entre pays capitalistes et pays sous développés avec l’apparition de cette terrible maladie, que les pays pauvres continuent de payer le service de la dette aux pays capitalistes, laquelle dette est gonflée de surcroit par des taux usuraires. Au Sénégal, le service de la dette publique de plus de 800 milliards de FCFA, constituant le premier poste budgétaire en termes de volume financier.
Il s’agira, non pas d’alléger ou de différer le paiement du service de la dette publique du Sénégal suivant les recommandations du FMI et de la banque mondiale aux pays du G20, mais, comme le suggère le président Maky Sall qui arbore sa toge de défenseur intrépide des intérêts du continent noir menacé par le coronavirus ,de faire bénéficier les pays à faible revenu d’une nouvelle initiative d’annulation de la dette publique africaine . Mieux, cette initiative d’annulation complète de la dette publique africaine du président de la république, devrait être portée par l’union africaine pour la rendre obligatoire et immédiatement opérationnelle.
Nous nous souvenons qu’en son temps, le président James Wolfensohn de la banque mondiale, sous le magistère duquel l’institution de Breton Wood avait pris l’initiative d’annuler la dette publique des pays pauvres compte tenu sa non viabilité, avait considéré, que les pays nantis n’avaient pas pris en compte la dimension culturelle et sociale du développement avec les programmes d’ajustement structurel qui les ont mené au désastre. Aujourd’hui, le même scénario se pose, en ce que la dette publique africaine n’est plus viable, justifié par son caractère très spéculatif et usuraire, mais aussi en raison de l’apparition de cette terrible maladie du coronavirus qui anéantit les capacités de création de richesses des nations et remet la survie de l’humain et la déliquescence des économies au centre des préoccupations mondiales. Or, la pandémie du coronavirus frappe le continent africain à un moment critique de son évolution où il est particulièrement vulnérable aux chocs exogènes pour diverses raisons :
La première est liée à l’incapacité collective des pays industrialisés, à combattre le changement climatique qui a surtout provoqué des catastrophes écologiques un peu partout en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Est menaçant la vie de plus de vingt millions de personnes ; Comment ces mêmes pays industrialisés qui sont à l’origine des catastrophes naturelles particulièrement destructrices des économies africaines et qui font recours aujourd’hui à la planche à billets et au creusement des déficits budgétaires pour amortir les impacts économiques dans leurs pays ,peuvent-ils nous demander de rembourser des dettes ,en réalité indues ?
La seconde raison, plus structurelle tient à des situations budgétaires très tendues qui limitent les capacités de réponses à la crise sanitaire des pays africains, en plus de nombreux autres urgences propres à ces pays et liées au sous développement.
Le plan de contingence de 1000 milliards FCFA élaboré par le gouvernement du Sénégal pour minimiser la baisse attendue de la croissance économique pour 2020 et pour développer les résiliences internes, constitue une bonne initiative anticipatrice à la suite de ce violent choc du coronavirus ; Toutefois, il va falloir réajuster certaines orientations contenues dans la phase II du PSE.
Kadialy Gassama, Economiste
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Rufisque