Une fois était Saloum Dieng
Beaucoup de jeunes ne connaissent pas vraiment Saloum Dieng. Son ancien duettiste Asse Seck et le tambour-major kaolackois Oumar Thiam ont eu la chance de côtoyer l’homme le long de sa carrière.
Le Sénégal a perdu, dimanche dernier, une icône de la musique traditionnelle. Saloum Dieng partait à jamais. A Kaolack, vivent deux artistes qui l’ont côtoyé sur les scènes. Asse Seck était son choriste. Il se rappelle du bon vieux temps passé aux côté du disparu. Saloum Dieng organisait régulièrement des processions dans les villes. Un monde fou le suivait à chaque fois, poussant même les autorités à prendre des mesures. C’était arrivé à un point où il lui était interdit de faire ses parades entre 9 h et 11 h pour éviter le désordre, surtout dans les lieux publics comme le marché. ‘’On était une fois à Saint-Louis pour une prestation. Un enfant porté sur le dos par sa maman est mort à cause des bousculades’’, se souvient le vieux Seck.
Dans certaines villes, à cause des fortes cohues, des murs tombaient. Jeunes, vieux hommes et femmes tenaient à voir la vedette du Saloum. C’est un euphémisme de dire qu’il avait du succès. Le percussionniste Oumar Thiam rapporte d’ailleurs qu’en dehors de ses processions qu’il faisait à bord de ‘’cars rapides’’, il prestait lors de séances de lutte ou organisait des spectacles. Beaucoup venaient plus pour le voir que pour les combats. ‘’Les gens se bousculaient pour le voir et tout le monde aimait ce qu’il faisait’’, dit Oumar Thiam. ‘’Je présente mes condoléances à sa famille et au monde de la culture. Quand j’ai arrêté les études, il m’a trouvé chez moi et m’a demandé d’intégrer son groupe, et depuis lors on a cheminé ensemble’’, dit Asse Seck qui ne cesse de magnifier les œuvres de Saloum Dieng.
‘’Il était ouvert, généreux et veillait à l’unité de tous les artistes’’, fait-il savoir. Il se rappelle d’un homme engagé et ambitieux. Oumar Thiam, lui, garde de l’homme son sens de l’humour, sa bonté, sa droiture et l’accueil chaleureux qu’il avait envers les gens. ‘’Il faisait rire tout le monde, car tout le temps il est de bonne humeur’’, indique-t-il.
Le duo Saloum Dieng-Asse Seck était un régal pour ceux qui écoutaient leur musique. Que du mérite pour M. Seck ! Car, révèle-t-il, beaucoup d’artistes de leur époque ne voulaient partager la scène avec Saloum Dieng. Il était d’un niveau supérieur. Il n’était pas facile de chanter sur les mêmes tonalités que lui. Le monde l’art a donc perdu un grand artiste. En témoigne son tube ‘’Ndaga’’ qui est un classique de la musique sénégalaise. La chanson a été reprise par beaucoup sous différents rythmes. Aujourd’hui, son désormais ancien duettiste souhaite que ses œuvres soient sauvegardées’’. Celui qu’Oumar Thiam qualifie de ‘’digne représentant de la culture sénégalaise le mériterait bien et qu’on le fasse ou pas, il reste convaincu que ‘’ses œuvres vont rester inoubliables’’.
Aussi, ‘’il a beaucoup fait pour la culture sénégalaise. Il aimait bien le Sénégal et Kaolack en particulier. Il habitait à Ndoffane, mais il quittait chaque jour cette localité pour venir à Kaolack’’, déclare-t-il. D’ailleurs, c’est à Ndangane, fief d’Oumar Thiam, que les deux hommes se sont connus, en 1972. Il a introduit les instruments de percussion dans le ‘’ndaga’’, en lui donnant de la valeur, du volume, permettant de créer des chorégraphies. ‘’Saloum Dieng a su relever un défi en réussissant à vulgariser, à révolutionner cette musique. Il a introduit de nouveaux instruments dans la composition, en y ajoutant de la percussion et des notes de kora. Auparavant, le ‘ndaga’ se faisait avec de la calebasse seulement entre quatre murs ’’, se rappelle-t-il. Ceux qui jouaient cette musique qui tire son nom d’un village s’asseyaient sur des nattes. Saloum Dieng a changé tout cela.
Chevalier de l’Ordre national du mérite
Oumar Thiam se rappelle que Pape Seck, un grand tambour-major, était le batteur de Saloum Dieng. Dans la discographie du défunt artiste, M. Thiam a sa préférence. Son cœur penche littéralement pour le titre ‘’Amoul gueere, amoul guewel’’. C’était une manière, pour le natif de Ndoffane, de dénoncer les problèmes de caste. Ce n’était pas gratuit. Il y a tout une histoire derrière. ‘’Certains voyaient d’un mauvais œil son union avec sa femme Dabel (une Peulh) et pour répondre à ces gens, il a sorti cette chanson’’. ‘’Un message bien conçu qui traduisait et traduit encore une réalité’’, pense M. Thiam.
Socialiste jusqu’à son dernier souffle, Saloum Dieng est resté accroché à ses premières convictions. Proche du défunt président-poète, il se réclamait socialiste, mais n’a jamais voulu s’engager activement en politique. Chevalier de l’Ordre national du mérite sous le régime d’Abdou Diouf, Saloum Dieng a aussi été honoré de son vivant à Kaolack.
AIDA DIENE