Séparation organique

Hier, dans une salle feutrée du majestueux building Mamadou DIA, le premier ministre a décliné sa feuille de route: évaluer l’actuel code des impôts de 2012 et ceux qui l'ont précédé puis envisager son remplacement par un nouveau code plus en phase avec les tendances de l’activité économique et commerciale notamment le numérique et l’économie immatérielle.
Nous n’en savons pas beaucoup sur les termes de référence de la nouvelle mission confiée à l’ex Directeur des Législations de la DGID, après celle sur la révision des contrats –clés dans les infrastructures et les hydrocarbures, et pour laquelle aucun rapport ou document de synthèse pertinent n’ont été divulgués. Et pourtant d’éminents experts des contrats et de la régulation méritaient d’avoir leur chance pour le pilotage de cette mission qui dépasse le cadre strict de la fiscalité pour s’étendre dans la régulation économique et financière surtout dans un contexte de mobilisation de ressources domestiques pour financer le développement.
L’évolution de la base productive est en stand-by depuis 2019 avec la covid 19, en termes réels c'est-à-dire corrigés aux taux d’inflation, les revenus baissent même, la succession de chocs extérieurs affecte l’économie sénégalaise qui ne produit plus de richesses réduisant la base imposable sous l’étau d’un secteur informel , ainsi des pans entiers comme le secteur primaire – extractif notamment – domine’ par les multinationales échappent au corset fiscal gonflant les dépenses fiscales. Les traités bilatéraux d’investissement, les exonérations fiscales, les accords de non-imposition, les limites de la DGID dans le recouvrement effectif sans compter sa gouvernance interne etc. ont fini d’oblitérer le code de 2012. Il était plus qu’urgent d’évaluer ce code et de ce point de vue le premier ministre à fait une lecture très lucide des réformes urgentes. Jamais dans notre pays ; les recettes fiscales n’ont pu atteindre 20% du PIB nominal malgré un taux de pression fiscale effectif de 20% parmi les plus élèves dans l’UEMOA si nous pondérons avec l’IS.
Nous souffrons d’une administration fiscale inefficace et tatillonne, peu dématérialisée avec un code parmi les plus hétérogènes et les plus illisibles en Afrique. Le juridisme de nos codes fiscaux doit être un point d’attention pour les futurs rédacteurs de nos régimes fiscaux futurs. Le manque de lisibilité et de procédures claires et éprouvées aux standards internationaux nuit beaucoup aux praticiens du fisc et à l’administration fiscale elle –même. Il y’a que des brèches pour l’évitement et l’invasion fiscale. Ce n’est pas moins de 400 milliards à 900 milliards de manque à gagner fiscal annuel.
En définitive, l’évaluation du code de 2012 est un exercice salutaire et utile, le numérique, l’impôt foncier, immobilier et le logement, la taxation effective du secteur extractif, l’encadrement des dépenses fiscales pour l’environnement, le cadre de vie et les secteurs médical et social, l’élargissement de l’assiette et la base au secteur informel, la progressivité indexée sur le taux d’inflation pour les revenus du travail, la modulation de l’IS et la patente pour nos PME et TPE et une imposition pour l’essor du tourisme, secteur qui absorbe beaucoup de main d’œuvre et catalyse de l’investissement étranger, voici des points d’attention pour la commission de révision du code 2012.
En attendant l’organigramme de l’administration fiscale gagnerait à être allégé en séparant les impôts et les domaines pour une direction centrale des impôts, puis fusionner les domaines et l’urbanisme autour d’une agence qui serait logée à la primature afin de diligenter les reformes foncières indispensables pour le logement social, l’accès au foncier et l’agro – business. Voici un pré- requis essentiel pour recentrer l’administration fiscale et optimiser son rendement et rendu.
Moustapha DIAKHATE
Expert et Consultant Infrast. et Pol Energie