Publié le 7 Oct 2024 - 18:23
DIPLOMATIE SOUS TENSION AU 19e SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

Tshisekedi boude Paris, Macron défend sa position sur la crise congolaise

 

Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a délibérément choisi de ne pas participer à des événements clés du 19e Sommet de la Francophonie, déçu par le manque de soutien explicite d'Emmanuel Macron à son pays en proie aux conflits armés.

 

Que de revers pour Emmanuel Macron qui semble faire désormais de la politique extérieure de la France son cheval de bataille. Après l’annulation à la dernière minute de la venue à Paris du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, c’est à son homologue de la République démocratique du Congo de ‘’délaisser’’ Macron. Pourtant, sa venue était perçue comme une belle victoire de l’influence française.

En conflit avec le Rwanda, la République démocratique du Congo traverse des moments difficiles. Beaucoup pensaient que Tshisekedi ne serait pas à Paris, vu les relations entre le patron de l’Élysée et Paul Kagamé. La poignée de main entre la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), la Rwandaise Louise Mushikiwabo, dissipait les derniers doutes sur le malaise entre le Rwanda et la RD Congo.

Mais tout ceci n’était qu’un voilage. Félix Tshisekedi n’a pas pris part, samedi, au déjeuner auquel la secrétaire générale de l’OIF a invité les chefs d’État et membres de gouvernement ayant pris part au 19e Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Paris les 4 et 5 octobre. Pis, il a boudé la réunion des chefs d’État et de gouvernement et y a été représenté par la ministre déléguée aux Affaires étrangères, Bestine Kazadi.

D’ailleurs, après cette dernière, face à la presse, le président français Emmanuel Macron, interpellé sur le départ de Felix Tshisekedi,  a précisé  "qu’il n’y ait pas malentendu. Hier, je l'ai dit moi-même, je n'ai été que parcellaire dans les citations. Il y a beaucoup de crises, de tensions, de guerres que je n'ai pas citées’’.

En effet, le président de la RDC n’a pas été content du discours prononcé à la cérémonie inaugurale du Sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts. Il a estimé que M. Macron n’a pas été assez ferme et explicite dans son soutien à son pays. À cette cérémonie également, Paul Kagame était au premier rang et très près de Macron, alors que Tshisekedi était au troisième rang. Mais, a tenu à souligner Macron,  "nous encourageons très clairement la RDC et le Rwanda à parvenir à un accord, dans le cadre de la médiation angolaise, et l'OIF doit jouer un rôle en soutien des efforts régionaux à ce titre et je l'ai dit successivement au président Tshisekedi et au président Kagame. Pour ce qui est de la France, nous avons toujours été clairs et je l'ai redit à l'un et à l'autre, nous appelons au retrait du M23 et des troupes rwandaises. Nous appelons aussi à procéder au démantèlement des FDLR et de tous les groupes armés en RDC, et à l'arrêt des discours de haine".

Dans les résolutions des chefs d’État et de gouvernement de l’espace francophone à la suite de leur conférence, figure une condamnation ‘’ferme des violations du droit international, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République démocratique du Congo, les violences commises à l’endroit des populations civiles, des institutions nationales, de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation RDC (Monusco), de la Mission de la Communauté de développement d’Afrique australe en RDC (SAMIRDC) par les groupes armés, bafouant tous les efforts de paix entrepris dans la sous-région’’.  Les invités de Macron se disent ‘’extrêmement préoccupés par la dégradation continue de la situation humanitaire et sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo’’.

Par conséquent, ils condamnent ‘’tous les massacres des populations et les bombardements des camps de déplacés commis sur le territoire de la RDC, amplifiant les déplacements massifs des populations comptées en millions’’.

Dans la même veine, ils appellent ‘’toutes les parties prenantes à respecter le droit international humanitaire’’. Ces autorités de l’espace francophone ont aussi condamné ‘’tous les groupes armés opérant en RDC et tout soutien extérieur apporté à ces groupes, notamment tout appui militaire extérieur, toute intervention militaire étrangère non autorisée’’.

Dans ce cadre, ils ont demandé ‘’le retrait immédiat des forces militaires non autorisées par le gouvernement de la RDC sur son territoire, non validé par le Rwanda’’ et encourageant ‘’les efforts engagés en faveur d’une paix durable dans la sous-région à travers les négociations conduites dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi, médiation choisie par l’Union africaine’’.

La France et ses invités disent tenir ‘’au respect de la souveraineté de l’intégrité territoriale et de l’intangibilité des frontières de la République démocratique du Congo’’ et exprime leur ‘’solidarité au peuple congolais durement éprouvé et (condamnent) le recours systématique par des réseaux criminels et des groupes armés au viol, comme arme de guerre, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes, le recrutement et l’emploi d’enfants-soldats, la destruction des aires protégées dans le bassin du Congo, patrimoine mondial de l’Unesco, ainsi que l’exploitation et l’exportation illégales des ressources naturelles vers les pays voisins et autres destinations ; réserve du Rwanda’’.

CONFÉRENCE DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT  ESPACE FRANCOPHONE

L’appel aux pays de l’AES

En marge du 19e Sommet de la Francophonie, les chefs d’État et de gouvernement ont exprimé leur inquiétude face à la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, appelant au respect des droits humains et au retour à l’ordre constitutionnel.

À l’occasion de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage en marge du 19e Sommet de la Francophonie, une série de résolutions a été prise sur  les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l’espace francophone. Naturellement, la situation des pays du Sahel y est évoquée.

Ainsi, sous la présidence d’Emmanuel Macron, dont le pays, après 33 ans, reçoit cette année le sommet placé sous le thème ‘’Créer, innover et entreprendre’’, ceux qui ont pris part à la conférence ont déploré la ‘’dégradation de la situation sécuritaire’’ au Burkina Faso, au Mali ainsi qu’au Niger. Ils ont également condamné ‘’les attaques terroristes perpétrées’’ dans ces pays et ‘’les exactions commises à l’encontre des populations civiles’’. Pour une stabilité, ils ont appelé ‘’toutes les parties prenantes’’ à ces conflits ‘’au respect des droits humains et du droit international humanitaire".

Face à ‘’l’absence de progrès tangibles dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel et démocratique’’,  les chefs d’État et de gouvernement de l’espace francophone présents au Grand Palais, à Paris le 5 octobre ont regretté ‘’la prorogation de la durée de la transition pour une période de cinq ans’’ au Burkina Faso. Pour le Mali, ils regrettent ‘’le report des élections générales de sortie de transition’’  et au Niger ‘’l’absence de chronogramme de sortie de transition après le coup d’État militaire’’. Ils s’inquiètent pour le président Mohamed Bazoum en détention et exigent ‘’sa libération immédiate et inconditionnelle ainsi que celle des autres détenus’’. Le général Abdourahmane Tiani est invité ‘’à établir un calendrier électoral qui vise à organiser, à brève échéance, des élections libres, fiables et transparentes afin d’assurer le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique’’.

En outre, ils ont invité le capitaine Ibrahima Traoré et son équipe ainsi que le colonel Assimi Goïta à ‘’tout mettre en œuvre pour créer les conditions d’un retour plus rapide à l’ordre constitutionnel et démocratique, à respecter les libertés publiques’’.

Un pays africain, francophone qui a connu un coup d’État et qui n'est pas tancé par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’espace francophone, est la Guinée. D’ailleurs, elle a été récemment réintégrée au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie. Samedi, ‘’les actions menées par les autorités de transition en République de Guinée, notamment la publication d’un projet de Constitution et leurs engagements dans le but de mener le processus de transition à son terme’’ a été salué. Le général Mamadi Doumbouya est invité ‘’à garantir la tenue des élections de sortie de transition dans les délais indiqués’’  et à veiller à ‘’une conduite inclusive et consensuelle du processus électoral’’. 

Au Tchad, les hôtes de Macron  disent avoir pris note de ‘’l’adoption d’une nouvelle Constitution en décembre 2023, suivie de la tenue de l’élection présidentielle du 6 mai’’. Sur la même lancée, ils se félicitent  de ‘’la décision de tenir les élections législatives, provinciales et communales le 29 décembre 2024, comme dernière étape du processus de transition’’.

Enfin, au Gabon, ils encouragent ‘’la poursuite du processus de transition engagé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), dans le respect du chronogramme indicatif présenté par les autorités le 4 septembre 2023’’. Ils attendent du général Oligui Nguema qu’il garantisse à toutes les personnes arrêtées dans le cadre des événements notés au Gabon en 2023 d’avoir un procès ‘’impartial, transparent et conforme aux normes juridiques nationales et internationales’’. Ils ont noté ‘’les mesures immédiatement prises par les autorités de transition pour garantir la continuité du service public et le fonctionnement des institutions nationales’’. Les autorités présentes à Paris le 5 octobre se sont félicitées de ‘’la tenue du dialogue national inclusif en avril 2024 à Libreville’’.

 

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