‘’Il n’y avait pas que des dispositifs médicaux. Il y avait bien des médicaments’’
Depuis le mardi 13 avril, la saisie de produits pharmaceutiques par la police est sur toutes les lèvres. Après un communiqué de la douane qui a blanchi, en partie, Dahaico Sarl épinglée, les avocats de ladite entreprise mouillent la Direction de la pharmacie et du médicament. Dans cet entretien accordé à ‘’EnQuête’’, son directeur général, Professeur Yérim Diop, donne sa version des faits et contredit la Douane.
La polémique sur la toile porte sur la saisie de produits pharmaceutiques par la police. Etiez-vous au courant de ce trafic ?
Les gens ont vite déformé l’information, parce que nous sommes la source de l’information, dans ce cas d’espèce. C’est nous-mêmes qui avons commandité l’inspection, sur la base d’une information que nous avons reçue de nos collègues pharmaciens du syndicat.
On a organisé, en effet, du 5 au 15 avril une inspection de routine, comme toujours. Trois inspecteurs se sont rendus dans la région de Kolda avant de revenir sur Dakar et nous ont signalé des choses. Quand on a eu cette information, on a fait une descente sur les lieux. Nous avons constaté qu’effectivement, il y a quelque chose à creuser. On a pris contact avec la police pour organiser la descente. Tout cela a été bien orchestré par le commissaire Sangaré et l’inspecteur principal. On a pu mettre la main sur des stocks dans une première boutique.
Ensuite, une deuxième à la Patte d’Oie, mais également sur des personnes impliquées. Notamment le livreur, le premier pharmacien et le deuxième pharmacien. On a été surpris de voir qu’il y avait des quantités énormes de produits médicaux. Quand je dis produits médicaux, c’est de façon globale. Il y a dedans des dispositifs médicaux de différentes catégories et des médicaments. Ces médicaments répondent à la définition de faux médicament, parce que leur circuit n’est pas maitrisé. Il y a même des comprimés ibuprofène, du paracétamol. Il y a eu même de l’alcool. Ces médicaments sont dans des locaux qui ne sont pas adaptés pour ce type d’activé. Il y a deux infractions commises par cette entreprise : l’exercice illégal d’une profession réglementée qui est la distribution de médicaments. Il y a également le non-respect des bonnes pratiques de distribution et du stockage. Parce qu’on a vu des cartons à toilettes, pour des produits qu’on doit administrer à l’autre. Tout ceci est très grave. C’est sur cette base que la police a fait son communiqué.
La douane souligne que 90 % de la saisie est constituée de dispositifs médicaux avec autorisation délivrée par la Direction de la pharmacie et du médicament. Qu’en est-il exactement ?
On a décidé de faire une déclaration de presse, à travers la police, pour révéler les premiers éléments indiqués. A notre grande surprise, on a entendu un communiqué de la douane. On n’a pas compris ce qui s’était passé. Mais il faut que les Sénégalais comprennent le rôle de la DPM dans la régulation du secteur pharmaceutique.
La DPM est l’autorité en charge des autorisations de mise sur le marché. La loi dit qu’aucun médicament ne peut être distribué à titre onéreux ou gratuit sur le territoire, sans avoir reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM). C’est une procédure antérieure à l’importation. Souvent, pour ces AMM, le propriétaire demande l’autorisation d’importer les échantillons pour enregistrer afin de l’avoir. C’est 25 modèles-vente, ce n’est pas un conteneur. Pour des raisons de santé publique, le ministre peut autoriser, à travers la direction, une autorisation spéciale d’importer un produit qui n’a pas d’AMM. Dans tous les cas, pour toutes les importations, la DPM donne une autorisation en plus de l’AMM, pour des structures qui sont autorisées à importer des médicaments. La direction fait des autorisations, les donne à l’importateur qui, dans la remise de document à la douane, dépose en même temps ses documents d’AMM. Nous, derrière, nous vérifions l’authenticité en ligne pour valider avant que la douane ne libère ces produits.
Il se trouve que pour ces produits de l’entreprise Dahaico Sarl, il n’y a pas eu ce processus. Dans les produits trouvés, il y a des dispositifs médicaux pour lesquels il y a bien l’autorisation de la DPM. Il y a beaucoup de sociétés qui importent des dispositifs sans même passer par la DPM, parce qu’il y a un gap réglementaire à ce niveau. Mais pour le cas de cette société, pour les dispositifs médicaux, c’est du matériel médical, il y avait des autorisations d’importation de la DPM.
Pour les médicaments, il n’y avait pas d’autorisation. Sur quelle base la douane a libéré ces produits ? On ne sait pas.
Cette entreprise n’avait donc aucun papier de la DPM lui permettant d’importer des médicaments ?
Non, du tout ! Elle a seulement le droit d’importer des dispositifs médicaux pour lesquels on a donné l’autorisation au pharmacien responsable qui est passé ici pour faire sa déclaration. Mais pour les produits qu’on a appréhendés, il n’y a pas eu d’autorisation, ni de mise sur le marché ni d’utilisation d’importation émanant de la Direction de la pharmacie et du médicament. Donc, sur le plan documentaire, ce n’est pas réglementé. Cela doit être clair pour tout le monde.
Maintenant, je ne sais pas quelle est la responsabilité de la DPM dans ce cas, sachant qu’on ne lui a pas montré des produits et qu’elle ne les voit pas physiquement. Ce n’est pas son rôle d’ailleurs. Ce sont les importateurs qui donnent les factures de leurs produits pour qu’on puisse donner l’autorisation d’importation.
Donc, il faut qu’on cherche la source du problème ailleurs, au lieu de dire que c’est la DPM qui a donné une autorisation. On n’a autorisé que les dispositifs médicaux. C’est des seringues, des poches, des biberons, entre autres. On va faire une liste complète de tous les produits dans les grandes masses, y compris les médicaments. Comme ça, tout le monde sera éclairé. Il ne faut pas jeter l’opprobre sur quelqu’un. On a fait l’inspection, on a constaté des manquements, des infractions ; on l’a dit. Maintenant, l’enquête va révéler où ces produits sont passés. Parce que ça passe par des frontières maritimes ou terrestres. La DPM n’est pas dans les frontières et tout le monde le sait.
Donc, il faut communiquer clairement et circonscrire la problématique et la régler. Parce qu’il s’agit de la santé des Sénégalais. On a la lourde charge d’assurer la sécurité sanitaire de ces produits de santé. Peut-être qu’il y a beaucoup de choses à faire dans ce sens. Il faut beaucoup de moyens supplémentaires, aussi bien pour le laboratoire que pour l’autorité, pour assurer cette sécurité.
Il est dit également, pour les dispositifs médicaux, que l’importation n’est, en principe, soumise à aucune autorisation au préalable. Pourquoi vous l’avez fait ?
Pour le dispositif, il y a effectivement un gap réglementaire. Les huit pays de l’espace UEMOA sont en train de travailler ensemble pour mettre sur pied quelque chose de conforme. Certains pays ont une réglementation bien claire. Mais dans d’autres pays, il y a des choses qui manquent. Parce qu’on ne procède de la même manière que pour l’importation des médicaments avec des commissions d’évaluation des dispositifs. D’ailleurs, même les déclarations de foi de l’importateur avec les documents de contrôle qualité et d’importation, c’est maintenant qu’on a commencé à le faire, pour pouvoir les contrôler. Parce que la moitié des entreprises importent ces dispositifs sans passer par la DPM.
Donc, il faut harmoniser les textes pour que tout le monde sache ce qui régit l’importation de ces dispositifs médicaux.
Ceci dit, cette entreprise n’a pas le droit d’importer des médicaments. On connait toutes les entreprises qui importent des médicaments. Seuls des grossistes répartiteurs et la PNA sont autorisés à importer des médicaments. Chaque importation fait l’objet d’une demande d’importation. Dans le modèle de la vente d’échantillons demandé, l’importateur donne toutes les informations de la fabrication, le contrôle, les vérifications, la toxicité, les essais cliniques, entre autres. Un comité d’expert se charge d’évaluer ces dossiers et une commission nationale fait la contre-expertise pour donner un avis favorable ou défavorable sur l’AMM.
Si l’avis est favorable, nous nous occupons de préparer l’arrêté que va signer le ministre de la Santé qui autorise ainsi un laboratoire à mettre sur le marché ses produits. Souvent, entre cette autorisation et la mise sur le marché, cela peut prendre une année. Dans cette affaire, c’est un faussaire et les enquêtes vont éclairer les choses. Avec l’enquête, on saura qui a commandé ces produits hors circuit légal. On va prendre les dispositions nécessaires, ne serait-ce que pédagogique, pour que les gens comprennent. L’Etat fait beaucoup d’efforts, on travaille énormément, il faut que les gens respectent le circuit pour une meilleure protection des populations.
Les avocats de la société ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle Me El Hadj Diouf rejette la faute sur la DPM, disant que vous cherchez à incriminer des gens. Est-ce le cas ?
Je ne vais pas répondre à Me El Hadj Diouf et ses clients. Je trouve qu’ils ne respectent pas les Sénégalais. Parce que, normalement, ils devraient avoir l’humilité de demander pardon aux Sénégalais. Le Chinois a demandé pardon et a reconnu les faits, en disant que ces faux médicaments devaient tomber en péremption, et lui les a importés. Pourquoi pas eux ? Il y a eu assez de morts dus à des faux médicaments. Au lieu de demander pardon, ils font dans la polémique. Cela n’a pas de sens. Ils veulent duper les Sénégalais. Trop, c’est trop. On ne peut pas continuer à compter nos morts du fait des faux médicaments. Il faut réagir. Nous, nous sommes dans la proactivité. Nous trouvons des solutions, et ces gens veulent nous imputer le problème. Nous allons identifier le problème et trouver les solutions idoines.
VIVIANE DIATTA