Publié le 25 Aug 2021 - 17:42
DISPARITION DE L’EX-PRESIDENT TCHADIEN HISSENE HABRE

Un décès qui pose beaucoup de questions

 

Hissène Habré s’est éteint, hier, au Sénégal où il purgeait une peine de prison à vie, suite à sa condamnation par un tribunal des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Toutefois, les circonstances de cette disparition restent troubles et son héritage est sujet à beaucoup d’inquiétudes. 

 

Il n’était pas le plus aimé des Tchadiens. Mais le décès annoncé hier de l’ancien président Hissène Habré n’a certainement pas été accueilli comme une bonne nouvelle. Ni par son épouse dévouée et présente à ses côtés jusqu’à son dernier moment ni par le ministère de la Justice qui a très vite cherché à se dédouaner, après l’annonce de sa mort des suites d’une contamination au coronavirus. Encore moins par les victimes de ses exactions reconnues par un tribunal et pour lesquelles il a été condamné à la prison à perpétuité. Ces dernières courent encore derrière une indemnisation, six ans après sa condamnation par les Chambres africaines extraordinaires à Dakar.

A 79 ans, l’ancien homme fort de Ndjamena a fini sa vie au Sénégal, patrie qui l’a accueilli pendant près de 30 ans. Et des questions se posent déjà sur son lieu d’inhumation. En effet, le Consul du Tchad à Dakar a entrepris des démarches auprès des autorités sénégalaises pour rapatrier le corps au Tchad où, précise-t-il, selon son épouse, « qu’aucun hommage ne lui sera rendu ». Une manœuvre que Fatime Raymone Habré a dénoncé, non sans révéler « n’avoir rien demandé au gouvernement tchadien et en respect à sa mémoire (de Habré) et les idéaux qu'il a défendus toute sa vie, il reposera en terre sénégalaise, une terre d'islam ».

Avant son exil forcé à Dakar où il a obtenu l’asile politique, Hissène Habré a présidé la destinée de son pays de 1982 à 1990, à la suite du coup d'État qui renverse Goukouni Oueddei. Il connaîtra le même sort, du fait d’Idriss Déby, mort le 19 avril dernier.

Dépeint comme un dictateur dans son pays et dans le viseur de la justice internationale, son histoire prend un tournant historique, lorsque, le 30 mai 2016, il est condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité et torture, notamment pour viols et esclavage sexuel, ainsi que pour crimes de guerre, par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Ce verdict sera confirmé trois ans plus tard par une chambre d’appel, de même que l’obligation, pour Habré, de payer près plus de 80 milliards de francs CFA pour l’indemnisation de 7 396 victimes identifiées.

Ses victimes étalent leurs inquiétudes par rapport à leur indemnisation

Seulement, ces décisions judiciaires attendent toujours leur concrétisation financière. Lorsque le verdict a été prononcé, en 2016, il était convenu que l’ex-dirigeant tchadien paye entre 10 et 20 millions de francs CFA à chacune des victimes. Celles qui ont été violées doivent percevoir, chacune, 20 millions de francs CFA. Pour les personnes détenues par le régime de l'ancien président, un chèque de 15 millions de francs CFA, tandis que les victimes indirectes seront payées 10 millions de francs par personne. Un fonds est prévu pour l'indemnisation et peut être alimenté par des contributions volontaires des Etats, des institutions internationales et d'autres sources désireuses d'apporter leur soutien aux victimes.

En mai 2020, Reed Brody, alors conseiller juridique de Human Rights Watch, qui travaille avec les victimes de Habré depuis 1999, affirmait que ‘’les victimes de Habré se sont battues sans relâche pendant 25 ans, pour traduire en justice leur dictateur et ses sbires, et se sont vu accorder des millions d’euros d’indemnisation. Mais, à ce jour, elles n’ont pas reçu un seul centime de ces réparations’’.

Jusqu’à présent, la situation n’a pas réellement évolué. Malgré une contribution financière de l’Union africaine, le fonds fiduciaire n’est toujours pas opérationnel. Avec la disparition de l’ancien président tchadien, l’incertitude grandit autour de cette indemnisation.

Sa vaccination était réclamée depuis plusieurs mois par les victimes

Réagissant au décès de Hissène Habré, celui qui a quitté HRW en juillet dernier a posé une autre question.

En effet, retient-il, ‘’cela fait des mois que nous avons demandé qu’il soit vacciné’’. Ce qui ouvre le débat sur une prétendue responsabilité des autorités sénégalaises dans cette tournure tragique des choses. Sujet dont les autorités sénégalaises cherchent déjà à se dédouaner.

Ainsi, quelques heures après l’annonce de la mort de Habré, un communiqué de l’Administration pénitentiaire précise : ‘’Depuis le début de la pandémie à ce jour 24 août, aucun cas de contamination à la Covid-19 n’a été enregistré à l’intérieur des établissements pénitentiaires de Dakar. Concernant la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel, les tests de Covid-19 effectués à la date du 23 août 2021 sur le personnel pénitentiaire de surveillance sont revenus négatifs.’’

Ces déclarations seront suivies par une intervention du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Malick Sall, lors de laquelle il affirme : ‘’C’est dans une clinique que Hissène Habré a été contaminé au coronavirus.’’

‘’C’est dans une clinique que Hissène Habré a été contaminé au coronavirus’’

Dans un communiqué publié hier, Mme Fatimé Raymonde Habré, épouse du défunt ex-président, remerciait le président Macky Sall, informée des moyens immédiatement mobilisés pour diligenter les soins à Hissène Habré. Elle n’a toutefois pas donné de détails sur l’origine de la contamination de son mari à la Covid-19. Mais elle a précisé que ‘’le président Habré est dans un hôpital public sénégalais qui dispose d'un plateau technique de qualité à même de traiter un cas aussi sérieux’’.

Depuis le début de la pandémie, elle a plusieurs fois introduit des demandes de permission pour une liberté provisoire, en raison de l’état de santé de l’ancien président. L’ancien dirigeant avait bénéficié, le 7 avril 2020, d’une sortie de prison de 60 jours, accordée par la justice sénégalaise. Par contre, en avril dernier, elle a refusé la même demande. Le juge de l’application des peines au tribunal de grande instance hors classe de Dakar a estimé, selon les avocats de Habré, que ‘’le raisonnement tenu pour refuser la permission est que la question de la santé est du ressort de la Direction de l’administration pénitentiaire’’, alors que ‘’c’est bien en tenant compte des risques pour la santé que la première permission a été accordée par le même juge’’.

Lamine Diouf

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