Publié le 17 Apr 2019 - 22:11
DJIBRIL GOUDIABY, DIRECTEUR FESTIVAL DE BAILA

‘’Le festival est devenu une plateforme d'expression artistique et de rencontres’’

 

Prévu les 5, 6 et 7 avril, le festival de Baïla (Fesba,) occupe de plus en plus une place importante dans l’agenda culturel de la Casamance. Son directeur, Djibril Goudiaby, revient, dans cet entretien accordé à ‘’EnQuête’’, sur la marche de ce grand rendez-vous.

 

Le festival de Baïla a eu lieu les 5, 6 et 7 avril. Quel bilan tirez-vous de cette 5e édition ?

Après 3 jours d’échanges, de partages et d’expositions sur les richesses artistiques et culturelles, nous pouvons affirmer que le bilan de cette 5e édition est positif, au regard du formidable enthousiasme d’un large public friand de culture et de convivialité. Le Fesba a reçu, cette année, près de 7 000 festivaliers venus d’horizons divers, plus de 7 troupes qui ont défilé durant le carnaval avec environ 100 artistes, une dizaine de chanteurs et rappeurs, une orchestre venant de Ziguinchor.

Quasiment, tous les stands ont été occupés lors de la foire de produits locaux. Nous avons enregistré la présence de plusieurs autorités de la région dont le chef du Service régional du tourisme, le maire de Suelle, le représentant du parrain qui a envoyé une forte délégation. Parmi les nouveautés de cette année, la mise en place du gouvernement des enfants, lors de l’activité ‘’L’après-midi de l’enfant’’, avec 12 membres élus pour 2 ans. Ces enfants doivent constituer les leaders de demain et assurer la relève pour le développement du village de Baïla. Du point de vue culturel, nous avons noté une participation massive de toutes les couches sociales et de tous les groupes d’âge venus redécouvrir le patrimoine culturel diola. Beaucoup d’exposants ont dit avoir eu un chiffre d’affaires qui a augmenté de façon significative. Même son de cloche du côté des transporteurs et des artistes. Le comité d’organisation affiche un satisfecit total pour cette édition, mais déplore l’absence notoire des autorités politiques de la région.

Pouvez-vous revenir sur l’historique de ce festival ?

Le festival de Baïla (Fesba) est devenu, aujourd’hui, l’un des grands rendez-vous culturels de la Casamance, particulièrement du département de Bignona. Initié en 2011 par la Jeunesse cordiale de Baïla (Jcb), ce festival, qui bénéficie de l'appui de plusieurs institutions aux niveaux national et international, a lieu tous les 2 ans et regroupe des milliers de personnes. Le Fesba est à sa cinquième édition, cette année. Il constitue une vitrine où se reflètent toutes les attentes en vue de l'amélioration des conditions de vie de ces populations. A travers cet événement biennal, l'idée est de contribuer à la relance des activités socio-économiques de ces contrées. 

Après quelque dix ans d’existence, avez-vous fait une évaluation des retombées du festival ?

Le chemin a été long. Mais, aujourd'hui, après près de dix ans d'existence, on se réjouit du fait que le Fesba polarise actuellement une dizaine de villages de la commune de Suelle, dans le département de Bignona. Des milliers de personnes venant d’horizons divers se donnent rendez-vous tous les deux ans à Baïla pour communier et vivre intensément la culture. Le festival est devenu une plateforme d'expression artistique et de rencontre des acteurs de développement à la base. Ce festival est inscrit depuis la 4e édition (2017) dans l'agenda culturel du département de Bignona. Il a permis aux groupes locaux de se professionnaliser et de vendre, malgré les difficultés, leurs produits artistiques.  

On a l’impression que malgré les foules drainées chaque année, le festival n’est pas assez connu à l’échelle nationale. C’est quoi le problème ?

Il est vrai que le festival draine du monde depuis sa création. Il n'en demeure pas moins qu'il peine à se faire un écho au niveau national. Cela est certainement dû au manque de moyens permettant d'impliquer véritablement les médias. Ce sont eux qui devraient le diffuser au niveau national et international. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle nous ambitionnons de collaborer avec le ministère de la Culture et celui du Tourisme pour identifier les voies et moyens pour mieux imposer le festival de Baïla au niveau national, sous-régional et même international.

Pouvez-vous revenir sur les objectifs du festival ?

Le festival de Baïla a pour objectif de valoriser et de sauvegarder le patrimoine culturel de notre terroir, de promouvoir le développement économique local de la commune de Suelle, de booster la créativité artistique et artisanal, de renforcer les liens de voisinage entre ses populations, de permettre aux artistes de vivre de leur art, de vendre la destination de la région en général et de Baïla en particulier, de véhiculer une image positive de la région, de faire la promotion, la valorisation et la sauvegarde du patrimoine culturel de notre terroir, de promouvoir le développement économique local de la commune de Suelle.

On note une place importante accordée à l’économique dans ce rendez-vous culturel. Qu’est-ce qui justifie un tel choix ?

Comme le disait le président-poète Léopold Sédar Senghor, "la culture est au début et à la fin de tout développement". Le festival de Baïla s'inscrit donc parfaitement dans cette dynamique de contribuer au développement de notre localité à travers la culture. Ainsi, le festival accorde une grande place à l’aspect économique. La foire aux produits locaux que nous organisons permet aux artisans, aux commerçants, etc., de faire du profit en écoulant le stock de produits qu’ils éprouvent du mal à écouler en temps normal. Le forum qui se tient lors de chaque édition est une occasion pour explorer les potentialités économiques de la commune de Suelle et les opportunités d’affaires que nous offre la région. En somme, notre conviction est que la culture est l'un des leviers les plus importants à actionner pour réhabiliter et relancer l'économie tout en produisant du sens.

Quelle est la particularité de Baïla ?

La particularité de Baïla est que c'est un carrefour de rencontre d'individus de cultures différentes. Les Diolas, les Mandingues, les Peulhs, les Libanais (à une époque récente), les Wolofs, les Sérères, etc., C'est, en quelque sorte, le Sénégal en miniature. 

Vous misez également sur la promotion du tourisme dans cette zone. Qu’est-ce qui, à votre avis, devrait inciter les gens à se rendre à Baïla ?

Aujourd'hui, le tourisme balnéaire commence à perdre du terrain au profit d'un tourisme culturel. Donc, nous pensons que la Casamance en général, et la commune de Suelle en particulier, doit jouer sa partition dans la vente de la destination de notre cher pays.  Dans un futur très proche, nous allons introduire à  Baïla un circuit touristique spécial qui permettra aux amoureux de la nature de sillonner l’une des plus belles contrées du Sénégal et d’apprécier notre patrimoine culturel et naturel, de participer à une traction de pirogue et une traversée du fleuve par pirogue, de faire des bivouacs au bord du fleuve, des excursions en pirogue au cœur de la mangrove, des balades et randonnées dans les forêts sublimes, une initiation à la danse et à la lutte diola, de participer à des activités de pêche. Avec toute cette offre touristique, nous restons convaincus que la destination Baïla sera l’une des plus fréquentées, dans les années à venir.

Quel rôle peut jouer ce festival dans la recherche de la paix en Casamance ?

Après trente ans de situation de ni guerre ni paix, nous pensons que ce festival permettra de renvoyer une image positive forte de la Casamance au reste du monde entier. Cette époque sombre est désormais révolue. Lors de l’édition précédente, le thème du Festival de Baïla c’était ‘’La culture au service de la paix et du développement’’. Parce que nous croyons fermement que, comme le disait Renaud Donnedieu De Vabres, ‘’la culture est un antidote à la violence. Elle nous invite à la compréhension d'autrui et féconde la tolérance, en nous incitant à partir à la rencontre d'autres imaginaires et d'autres cultures’’.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles fait face le village de Baïla ?

Il est vrai que le festival continue de tracer son chemin. Il n'en demeure pas moins qu'il traverse des difficultés, notamment en ce qui concerne la mobilisation du budget. Depuis presque 10 ans, à part quelques soutiens émanant de la coopération décentralisée, le ministère de tutelle hésite toujours à venir voir, pour nous soutenir dans le futur. 

Vos ambitions avec le festival ?

Notre ambition est de faire de sorte que ce festival soit un rendez-vous de rencontre des professionnels de la culture. Tous les ans, ces artistes viendront de partout en Afrique pour partager la scène avec les jeunes de nos contrées. Mais aussi de faire de ce festival le rendez-vous de tous ceux qui voudraient faire du business dans la région.  

Par Mor Amar

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