Publié le 27 May 2019 - 23:12
DOSSIER SUR LES CHANTIERS INACHEVES A SEDHIOU

La région du Pakao se développe à pas de tortue 

 

Malgré les efforts consentis par l’Etat du Sénégal dans la région de Sédhiou, fort est de constater qu’il y a énormément de chantiers inachevés. Il s’agit, entre autres, du stade municipal, de l’espace numérique ouvert (Eno), de l’hôpital régional, de l’axe du Pakao… En plus, le manque de pistes de production, d’électricité dans des communes de la région, de formation et d’emploi des jeunes et l’absence de ponts facilitant la traversée des fleuves. C’est pour toutes ces raisons que les populations exigent au nouveau gouvernement de Macky Sall de faire de leurs problèmes ses priorités.

 

L’érection du département de Sédhiou en région avait suscité beaucoup d’espoir. Les populations du Pakao ont pensé que l’heure de l’émergence avait sonné, vu les chantiers entamés depuis belle lurette. Mais, au fil du temps, l’espoir s’est amenuisé jusqu’à devenir peau de chagrin. Dans cette région extrêmement pauvre où tout reste à faire, voir des chantiers inachevés, voire abandonnés fend le cœur.

A titre illustratif, c’est en avril 2015 que le coup d’envoi des travaux de construction du stade de la région a été donné. Le chantier devait durer sept mois. C’est-à-dire que l’infrastructure devait être livrée à la fin de l’année 2015. Quatre ans plus tard, les sportifs de Sédhiou attendent toujours de pouvoir étrenner l’infrastructure. D’ailleurs, ce qui les insupporte est que le chantier semble abandonné. Les jeunes disent leur ras-le-bol des lenteurs des travaux du stade régional. Ils ne sont pas au bout de leurs peines.

 ‘’Nous sommes partagés entre l’incompréhension et la colère. Nous exigeons de l’Etat et des entrepreneurs l’accélération des travaux, afin de permettre aux jeunes de se livrer à leur sport favori, le football’’, déclare Ansou Sané, le coordonnateur communal de la Cojer de Sédhiou. Qui poursuit : ‘’Nous avons le droit de disposer d’un stade, comme c’est le cas ailleurs. Parce que Sédhiou est un terreau d’incubation de jeunes talents. Les cas de Sadio Mané et Papiss Demba Cissé en sont une illustration. C’est sur ce terrain qu’ils ont fait leurs premières armes’’.

Arona Kempes Sadio, un des acteurs du mouvement sportif, de renchérir : ‘’Nous n’allons pas baisser les bras, face à cette situation. Nous allons poursuivre le combat qui n’est que justice et expression de droit.’’ En attendant le coup de sifflet final de ce chantier, le fossé continue de se creuser entre les acteurs du sport et les autorités étatiques.

Autre doléance qui irrite les populations du Pakao, c’est l’inachèvement de l’espace numérique ouvert (Eno).

Le chantier de l’Eno abandonné

Les travaux de l’espace numérique ouvert de Sédhiou n’avancent pas. L’entreprise Ekk, en charge des travaux, a accusé 5, voire 6 mois de retard, alors que l’Etat, à son niveau, s’est acquitté de ses obligations. Même si le gouverneur et le maire de Sédhiou effectuent des visites régulières sur le chantier, le constat fait par les populations est sans appel. Malgré la pression exercée par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’alors, Mary Teuw Niane, les travaux n’avancent pas.

D’ailleurs, il avait déploré cette situation avant d’instruire Ekk en charge du chantier de hâter le pas. Présentement, aucun ouvrier ne rode sur les lieux. C’est un arrêt total. Difficile de savoir la cause principale. Et pourtant le chef de chantier avait promis de livrer le gros œuvre au plus tard le 15 novembre 2017 et de remettre les clés de l’édifice au mois de décembre de la même année. 

Ensuite, un planning de rattrapage a été établi avec une trentaine d’agents à pied d’œuvre pour accélérer les travaux. Mais toujours aucune avancée. Aujourd’hui, le constat est amer pour les habitants de Sédhiou. Le chantier peine à sortir de terre. Certains spécialistes de l’éducation de rappeler l’importance de l’Eno qui, selon eux, est ouvert à la population, au-delà des étudiants.

L’axe du Pakao, un casse-tête chinois

La problématique de la mobilité est aussi prégnante à Sédhiou. A ce propos, l’axe du Pakao reste aussi un véritable casse-tête chinois pour les populations. A certaines périodes de l’année, comme pendant la saison des pluies, les populations vivant de part et d’autre du cours d’eau abritant le barrage de Diopcounda, éprouvent d’énormes difficultés à se fréquenter. Certaines sont même coupées du reste de la région et du Sénégal. L’ouvrage, qui devrait être le cordon ombilical entre les deux rives, n’a jamais été réalisé par les pouvoirs publics.

Un barrage avec un pont en amont a été réalisé, il y a longtemps, par un fils du terroir, le marabout Cheikh Alioune Souané. Malheureusement, cet ouvrage qui avait valu au cheikh la bénédiction de tout le Pakao-Balantacounda, croule aujourd’hui sous le poids de l’âge. Les communautés locales soulignent avoir plaidé pour sa réhabilitation auprès des autorités et des Ong, sans succès.

Des communes de la région sans électricité

L’autre difficulté majeure est l’accès à l’électricité et la question de l’eau potable. En effet, aucun des villages de l’axe Sédhiou - Kolda, soit 82 km, Sédhiou - Marsassoum, n’a accès à l’électricité et à l’eau potable. Dans le nord de la région (Bounkiling), des milliers de femmes usent encore la paume de leurs mains pour tirer le liquide précieux des puits de 20 à 40 m de profondeur.

L’accès aux soins de santé pose également problème. Car les anciens postes de santé érigés en centres de santé sont souvent dépourvus de plateau technique de qualité, de personnel et de logistique. Conséquence : le taux de mortalité maternelle et infantile est encore très élevé, selon des spécialistes de la santé. L’établissement public de santé (Eps) de Sédhiou, qui constitue la référence, ne dispose pas encore de certains spécialistes. Les évacuations vers d’autres structures restent souvent la seule issue et celle-ci n’est pas toujours heureuse.

La problématique de la formation et de l’emploi à Sédhiou

Face à un secteur privé peu employeur, dû au contexte économique difficile, les entreprises privées comme publiques de la place exigent comme condition de recrutement, généralement deux à cinq ans d’expérience, chose qui constitue un véritable casse-tête pour les jeunes à la recherche d’un premier emploi. Conséquence : nombreux sont ceux qui restent à la marge. ‘’On préfère recruter les jeunes venus des autres régions à notre détriment. Quand tu visites une société aujourd’hui, tu te rends compte que la plupart des employés sont venus de l’extérieur de la région de Sédhiou, alors que nous Sédhiouois n’avons pas d’emploi’’. Cette triste réalité exprimée par un diplômé au chômage met en exergue le niveau de compétitivité des universités et des centres de formation sénégalais sur le marché de l’emploi.

Il poursuit : ‘’Les écoles sénégalaises ont du mal à adapter leurs formations aux réalités des entreprises. Phénomène dénoncé par la plupart des entreprises qui sont, d’ailleurs, obligées d’aller chercher la main-d’œuvre qualifiée ailleurs. Ainsi, chaque année, des milliers de diplômés issus des universités, des instituts et centres de formation professionnelle sont déversés sur le marché d’emploi sans espoir de trouver un premier emploi.’’

Le coordonateur communal de la Cojer de Sédhiou, Ansou Sané, de dire : ‘’Nous pensons que l’Etat doit avoir des programmes spécifiques pour les jeunes de Sédhiou. Donc, pour promouvoir l’auto-emploi, il va falloir davantage que ces jeunes puissent être formés et accompagnés financièrement.’’

Goudomp dépourvu d’infrastructures de base

‘’Depuis son érection en département, Goudomp a bénéficié d’un seul service. Il s’agit de l’inspection de l’éducation et de la formation. Sinon, les autres services sont dans des maisons conventionnées ; d’autres ne sont pas encore arrivés’’, constate Ousmane Barro, porte-parole des populations. Qui poursuit : ‘’Il y a environ trois à quatre ans, il y a eu de initiatives nouvelles, telle que la construction du quai de pêche. La construction devait durer huit mois. Malheureusement, voilà trois ans que le quai en est encore au niveau de la fondation.’’

Même cas de figure pour le centre de santé de leur localité. ‘’Le ministre Abdoulaye Diouf Sarr était venu pour nous autoriser à l’ouvrir en nous disant : ‘Chaque mois, nous allons essayer de faire quelque chose pour équiper le centre.’ Malheureusement, il y a certains bâtiments qui n’ont pas encore d’électricité. Tenez-vous bien : c’est un centre de référence. Il n’y a qu’un seul médecin d’Etat ; c’est le médecin-chef. C’est celui qui doit gérer l’administration et les patients’’, constate-t-il.

Ousmane Barro de dire que leur zone est dépourvue de pistes de production. Bien qu’ils aient reçu de l’Etat une unité de transformation de fruits et légumes, voilà huit mois que cette unité est toujours à l’état de fondation. Conséquence : les fruits et les légumes pourrissent. C’est pour toutes ces raisons que les habitants du département de Goudomp ont manifesté, récemment, pour exiger du nouveau gouvernement des solutions à leurs problèmes et priorités.

L’enclavement de la région, un handicap majeur pour Sédhiou

A coté des prégnantes doléances des populations, se dresse l’épineuse question de l’enclavement. Un tour dans Sédhiou permet de constater que la région est ciselée par le fleuve et ses affluents. C’est pourquoi les populations éprouvent d’énormes difficultés pour se mouvoir. Ainsi, pour son désenclavement, les populations, depuis le président Abdou Diouf jusqu’au magistère de Macky Sall, en passant par celui d’Abdoulaye Wade, continuent de réclamer des ponts sur le fleuve Sougourougou, à hauteur de Marsassoum, afin de relier Sédhiou à Bignona. Un pont sur le fleuve Casamance entre Sédhiou et Sandiniéry ou entre Bambaly  et Diattacounda pour relier Sédhiou et le département de Goudomp.

Pour les populations, des ponts sans des routes, ce serait panser une plaie inguérissable. Dans ce sens, elles sont unanimes sur la nécessité de bitumer la boucle du Boudié pour desserrer les communes de Sansamba, Marsassoum, Djibabouya, Bémet, Djirédji, Bambaly et Sédhiou, sur 130 km de routes. A cela s’ajoute les axes Sandiniéry - Tanaff, Sandiniéry - Diopcounda dans le département de Goudomp, puis la boucle du Nord-Ouest, à savoir Saré Alcaly/ - Ndiamacouta - Djinany, Bissari Dioub – Diacounda, dans le département de Bounkiling, qui constituent, selon les populations, de véritables enjeux économiques.

Les populations de la région de Sédhiou veulent que le nouveau gouvernement puisse prendre leurs préoccupations en priorité, afin de sortir la région du Pakao de sa somnolence économique. ‘’Nous voulons que le nouveau gouvernement mette les jeunes de Sédhiou au cœur du dispositif de l’Etat. Parce que nous avons des jeunes aguerris et capables. Nous demandons que ces jeunes puissent massivement intégrer ce dispositif et participer activement au quinquennat du président Macky Sall’’.

Quelques réalisations, l’hôpital attendu avec impatience

A noter que certaines réalisations faites dans la commune de Sédhiou et environs ont insufflé un nouvel espoir chez les populations de la région du Pakao. Il s’agit, entre autres, de la route nationale n°6 reliant Kolda à Ziguinchor via Tanaff, de centres de santé, des travaux de voirie communale à Sédhiou ainsi que d’ouvrages hors de la ville.

Ainsi, les travaux de l’hôpital régional de Sédhiou avancent à grands pas. Mais la réception de ce bijou est prévue en avril 2020, d’après Ahmed Diouf, le directeur de l’Equipement et des Infrastructures au ministère de la Santé, lors de sa visite à Sédhiou, en octobre 2018. Le délai de réalisation de l’hôpital est de 22 mois, pour des travaux qui ont démarré en mai 2018.

D’après les autorités étatiques, l’hôpital régional de Sédhiou sera une infrastructure moderne qui disposera de 150 lits. Une infrastructure de haute qualité qui jouera un rôle primordial dans le dispositif de la couverture médicale de la sous-région. A les en croire, le coût des travaux est de 20 milliards de nos francs. Il fait partie du programme de construction des hôpitaux régionaux de Sédhiou, de Touba, de Kaffrine et de Kédougou pour un coût global de 97 milliards de francs Cfa.

EMMANUEL BOUBA YANGA

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