‘’Détenir arbitrairement un député est l’acte le plus grave en démocratie’’
Maître Doudou Ndoye, face à la presse hier, s’est prononcé sur les sujets brûlants de l’actualité. Comme à son habitude, il n’a pas ménagé le régime du président Sall.
Doudou Ndoye est sorti hier de son long silence. Comme à l’accoutumée, l’ancien ministre de la Justice sous Abdou Diouf a tiré à boulets rouges sur le régime du président Macky Sall. Charité bien ordonnée commençant par soi, Me Ndoye a réservé une bonne partie de son discours à son secteur de prédilection : le droit. Ainsi s’est-il prononcé sur l’affaire Khalifa Sall, la politique judiciaire… Pour l’ancien candidat à la Présidentielle, la détention de Khalifa Sall est injuste. S’appuyant sur l’article 61 de la Constitution, il déclare : ‘’Aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale’’.
Répondant à ceux qui prétendent que le maire de Dakar a été arrêté avant la session, Me Ndoye explique que le terme ‘’arrêté’’ n’est pas connu du Code pénal. A l’en croire, il y a deux phases en matière de procédure : celle des poursuites, réservée au ministère public, aux juges d’instruction et aux officiers et agents de police judiciaire ; et celle du jugement. ‘’Tant que vous n’êtes pas devant le juge, vous n’êtes que poursuivi et la Constitution interdit de le faire au cours des sessions. On devait donc le laisser vaquer à ses activités de parlementaire. En le gardant en prison, il s’agit d’une détention arbitraire d’un député du peuple. C’est l’acte le plus grave dans une démocratie’’, plaide l’avocat, avec forces arguments.
Me Ndoye de conseiller aux nouveaux ministres de faire profil bas et d’apprendre des anciens comme lui qui n’ont plus rien à prouver. Il leur demande de s’inspirer de l’exemple de son passage au ministère de la Justice, dans les années 1980. Il y est entré, dit-il, apprenti, en est ressorti comme le ‘’plus grand expert, au Sénégal, des affaires de justice’’. Il vend sa recette : ‘’Auparavant, je n’ai jamais été fonctionnaire. J’étais un simple avocat. J’avais trouvé au ministère les plus grands magistrats de l’époque. Ils étaient mes directeurs. Je leur ai dit : je ne connais rien. Formez-moi ! Après qu’ils m’ont formé, j’étais le meilleur’’. ‘’Un ministre, ajoute-t-il, quand il entre en fonction, doit savoir qu’il ne sait rien. Il vient juste avec ses diplômes. Il doit donc faire preuve d’humilité. Moi, je n’ai plus aucune ambition. Le Président le sait’’, déclare-t-il, comme pour appeler le nouveau Garde des sceaux Ismaïla Madior Fall à le consulter.
Par ailleurs, Doudou Ndoye demande à l’Etat de ne pas sacrifier ses enfants, à travers des contrats léonins conclus avec des firmes étrangères. Il s’interroge sur la nomination d’un Français à la tête d’Air Sénégal SA, les menaces qui pèsent sur les emplois des Sénégalais de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor, les recrutements d’étrangers au détriment des nationaux dans ces nouvelles infrastructures... ‘’Ku là abal ay bët fuko neex ngay xool (qui paie commande). Il faut faire attention, ajoute-t-il, à ne pas faire de nos enfants des esclaves pour toute la vie, payant des dettes pour l’éternité.’’
Les choses sérieuses, d’après l’ancien garde des sceaux, ce sont les finances, l’économie, la justice, l’agriculture, les infrastructures, les femmes, les terres… ‘’C’est sur ces questions qu’il faut débattre. Et il faut en parler avec des gens sérieux. Comment on peut dialoguer avec plus de 280 personnes ? Le Président l’a déjà fait. Où est-ce que cela nous a menés ? nulle part. C’est un cirque. Ce n’est pas un dialogue’’, s’emporte le juriste qui trouve que l’appel du Président Sall n’est pas sérieux.
‘’La notion de dialogue, peste-t-il, est un faux terme. Un terme de politique politicienne utilisé par le chef de l’Etat. Après avoir organisé des élections chaotiques, il demande un dialogue. Ce terme ne veut rien dire. Il faut passer aux choses sérieuses’’. Doudou Ndoye s’est par ailleurs prononcé pour une amnistie au bénéfice de Karim Wade.