Publié le 4 Aug 2025 - 17:06
EAU TROUBLE À TOUBA, CLARTÉ ATTENDUE DE L’ÉTAT    

La saison des doutes

 

La ville sainte de Touba, cœur spirituel du Sénégal, est une nouvelle fois confrontée à des inondations qui ravivent les tensions politiques et divisent l’opinion publique. Alors que les autorités multiplient les visites sur le terrain et les annonces de solution, la gestion de cette crise devient un objet de controverse entre partisans et détracteurs du gouvernement. Les réseaux sociaux s’enflamment, certains internautes partageant des images rassurantes des interventions, tandis que d’autres dénoncent un manque d’anticipation et des promesses non tenues.

 

Samedi 2 août 2025. Il est un peu plus de 23 h, quand les premières images virales commencent à circuler sur les réseaux sociaux. Devant la majestueuse grande mosquée de Touba, l’eau a conquis le parvis, engloutissant les allées en face de l’esplanade habituellement bondée de fidèles. Sous un ciel chargé, la pluie a cessé, mais les séquelles de l’orage de la veille sont encore vivaces. L’eau stagne. Elle déborde des rigoles obstruées, inonde les chaussées et atteint parfois les genoux.

À la résidence de Serigne Touba, la pluie a envahi les abords, s’infiltrant jusqu’aux murs d’enceinte. Les visiteurs, venus nombreux en cette période de veille de Magal, contournent les flaques épaisses, slalomant entre les poches d’eau et les chaussées impraticables. Des tapis de prière détrempés gisent ici et là, témoin de l’ampleur de la surprise. 

Sur les grandes allées de Touba, habituellement tracées avec rigueur pour canaliser les foules lors des grandes affluences religieuses, la circulation est chaotique. Les mototaxis se fraient difficilement un passage entre les nids d’eau, les voitures s’enlisent et les piétons, en sandales ou pieds nus, avancent avec prudence. Les vendeurs ambulants, habitués à ces espaces stratégiques, tentent de sauver leur marchandise hissée sur des palettes ou des bancs de fortune. L’atmosphère est lourde, mais pas résignée.

Heure après heure, les équipes d’intervention s’activent. La coordination entre les autorités locales, les services de l’Onas et la DPGI s’intensifie. En fin de journée, le niveau d’eau commence à baisser. Les premiers îlots de sol sec réapparaissent devant la mosquée, la résidence redevient accessible et les grandes allées, bien que boueuses, reprennent vie.

Inondations : objet politique

Dans la cité religieuse de Touba, chaque saison de pluies charrie son lot d’angoisses, de pataugeoires géantes  et de frustrations populaires. Mais depuis quelques années, un autre phénomène s’est greffé aux flaques et aux pompes : la politisation de la question des inondations. Ce qui était autrefois une simple catastrophe naturelle, douloureuse, mais 
tolérée, est devenu un terrain d’affrontement politique, de mise en scène étatique et de guerre de récits entre pouvoir  et opposition.

Une délégation gouvernementale, conduite par le gouverneur de Diourbel, Ibrahima Fall, le préfet Hadim Hann ainsi que des responsables de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) et de la Direction de la prévention et de la gestion des inondations (DPGI), a inspecté les zones critiques de Touba, hier. Parmi les sites visités figurent la résidence Khadim Rassoul, Keur Niang et Nguélémou où des systèmes de pompage ont été renforcés.

Le gouverneur s’est voulu rassurant : ‘’À Keur Niang comme à Nguélémou, tout est mis en marche. Les efforts de pompage conjugués peuvent nous valoir d’autres résultats dans les prochaines heures, voire jours.’’ Pourtant, malgré ces déclarations optimistes, les populations restent sceptiques, certaines zones étant toujours sous les eaux. 

La bataille des images sur les réseaux sociaux 

La gestion des inondations à Touba dépasse largement le cadre technique pour devenir un sujet hautement politique. L’année dernière, une déclaration du ministre de l’Hydraulique, Cheikh Tidiane Dièye, avait suscité l’indignation. En affirmant que ‘’cet hivernage n’est pas le leur’’, il avait involontairement relancé le débat sur la responsabilité de l’État dans cette crise récurrente.

Les partisans de l’ancien régime (Macky Sall 2012-2024) mettent en avant les investissements réalisés, notamment le Programme d’urgence de 27 milliards F CFA lancé sous leur magistère. ‘’Grâce aux investissements massifs consentis dès les premières années, le réseau d’assainissement de la ville s’est densifié’’, rappelle le gouvernement.

Mais pour l’actuel régime et une partie des habitants, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des dégâts. Ils interpellent les nouvelles autorités à renforcer les moyens pour éviter de telles catastrophes.

Sur Facebook, X et WhatsApp, la guerre des récits fait rage. Certains internautes, souvent proches du pouvoir, partagent des vidéos des pompes en action et des discours officiels soulignant les progrès réalisés. ‘’Regardez comment l’État agit ! Les bassins de rétention fonctionnent’’, peut-on lire sous une publication montrant des ouvriers en train d’évacuer l’eau.

 À l’inverse, d’autres utilisateurs diffusent des images de rues inondées, de maisons effondrées et d’habitants désemparés. ‘’Où sont les milliards promis ? Touba mérite mieux’’, dénonce un tweet accompagné d’une vidéo montrant des enfants marchant dans l’eau boueuse.

Cette polarisation reflète un clivage plus large dans l’opinion publique sénégalaise où chaque crise devient un prétexte pour défendre ou attaquer l’action gouvernementale.

La visite surprise d’Ousmane Sonko : symbole ou stratégie ?

La veille des inondations, le Premier ministre Ousmane Sonko s’était rendu à Touba pour inspecter les préparatifs du grand Magal. Bien que cette visite n’ait pas directement trait aux inondations, certains y voient une tentative de rassurer les populations et de montrer l’engagement de l’exécutif.

Pour ses partisans, cette démarche prouve sa proximité avec les réalités locales. Pour ses détracteurs, il s’agit d’une opération de communication qui ne résout pas les problèmes structurels.

Les inondations à Touba ne sont pas seulement une catastrophe naturelle, mais aussi un révélateur des tensions politiques et sociales au Sénégal. Entre les promesses gouvernementales, les critiques de l’opposition et la colère des populations, la question dépasse le simple cadre de l’assainissement pour toucher à la crédibilité des institutions. 

Au moment où les autorités annoncent de nouvelles mesures, comme le déploiement de camions hydrocureurs et la distribution de motopompes, les habitants attendent des résultats concrets. Et sur les réseaux sociaux, la bataille des récits continue, montrant à quel point cette crise est devenue un enjeu de pouvoir.

‘’Quand l’eau monte, les divisions s'accentuent’’, pourrait-on résumer. Reste à savoir si les solutions techniques suffiront à apaiser les esprits.

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