Le FMI et le Sénégal multiplient les rencontres

Deux semaines à peine après le départ de la dernière mission du Fonds monétaire international au Sénégal, c'est une autre délégation de l'institution qui a rencontré le président de la République et les ministres chargés des Finances et de l'Économie, dans le cadre d'une visite éclair, en attendant les discussions à Washington dans le cadre des réunions du printemps.
Les tractations se poursuivent entre le Fonds monétaire international (FMI) et le Sénégal. Après la visite très médiatisée d'une importante délégation au mois de mars, c'est le directeur du département Afrique de l'institution qui a été dépêché dans le pays pour des entretiens avec les plus hautes autorités. Monsieur Abebe Aemro Selassie a rencontré, dans ce cadre, le président de la République Bassirou Diomaye Faye. Dans un communiqué, les services du FMI reviennent sur sa déclaration à sa sortie d'audience. Tout en réitérant la volonté de l'institution de Bretton Woods de continuer à soutenir les efforts du Sénégal afin de renforcer le partenariat de longue date, il est revenu sur la nécessité de mettre en œuvre les réformes.
“À court terme, cela inclura une visite des autorités sénégalaises lors des prochaines réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington DC afin de poursuivre notre dialogue sur les réformes économiques importantes qui pourraient restaurer la stabilité fiscale et économique au profit du peuple sénégalais”, a-t-il déclaré.
Dans le communiqué publié le 26 mars à la fin de la mission d'évaluation, le Fonds monétaire revenait déjà sur la nécessité de mettre en œuvre des corrections aux dérives budgétaires de l'ancien régime. Un préalable indispensable avant la signature de tout autre programme. “Les autorités ont exprimé leur intention de solliciter un nouveau programme appuyé par le FMI. Le fonds se tient prêt à accompagner le Sénégal dans la conception d’un programme de réformes ambitieux, tirant les enseignements de l’audit et conforme à la stratégie nationale de développement”, informait le communiqué, qui insiste : “Des réformes audacieuses et crédibles seront essentielles afin de permettre un retour rapide à l’objectif de déficit budgétaire fixé par l’UEMOA et de placer la dette publique sur une trajectoire durablement décroissante.”
Pendant que Birame Souleye parle de baisse importante, le FMI insiste sur les “mesures prioritaires”
Ce n'est pas tout. Depuis la publication de l'audit sur les comptes publics, le Sénégal est à nouveau surveillé comme du lait sur le feu. Outre les réformes exigées pour la correction des manquements dans la gestion des finances publiques, le FMI n'a pas manqué de souligner l'importance d'un certain nombre de mesures prioritaires à prendre. “Les mesures prioritaires incluent la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques coûteuses et non ciblées. Ces réformes permettront de reconstituer les marges de manœuvre budgétaires, indispensables pour faire face à de futurs chocs, soutenir les priorités de développement et réduire les vulnérabilités macroéconomiques”, indiquait le communiqué du 26 mars, qui précisait dans le même ordre d'idées que “les discussions sur un éventuel nouveau programme débuteront dès que des mesures correctrices auront été engagées pour remédier aux déclarations erronées et peu après l’examen du dossier par le Conseil d’administration du FMI”.
À l'époque, ils ont été nombreux les experts et observateurs à émettre des craintes quant à une hausse des prix de l'électricité. Au grand bonheur des consommateurs et contre les mises en garde du Fonds monétaire international, le ministre chargé de l'Énergie Birame Diop a fait une sortie remarquée le dimanche dernier sur la radio nationale. À l'en croire, les prix de l'électricité vont passer de 117 F actuellement à 60 F, après les “réformes structurelles”, avait-il tenu à préciser. Une déclaration qui redonnait espoir, même s'il semble prendre le contre-pied des directives du FMI.
Les ministres des Finances et de l'Économie partent à Washington aujourd'hui ou demain
C'est dans ce contexte que le directeur du département Afrique du Fonds monétaire international arrive donc au Sénégal. Dans le communiqué très évasif de fin de visite, il a remercié les autorités et est revenu sur “les mesures prioritaires” à mettre en œuvre. “Le président Faye et moi-même avons eu des discussions constructives sur la situation économique du Sénégal et sur les mesures prises par le gouvernement pour remédier à la situation des fausses déclarations. Nous avons discuté des mesures prioritaires nécessaires pour surmonter les principaux défis économiques auxquels le pays est confronté”, rapporte le communiqué qui cite M. Selassie. Sur les questions de transparence budgétaire, la redevabilité et le redressement de la trajectoire budgétaire, les parties sont sur la même longueur d'onde.
Avant de rencontrer le chef de l'État avant-hier, la délégation a eu à rencontrer les ministres Cheikh Diba, chargé des Finances et du Budget, et Abdourahmane Sarr qui a en charge l'Économie, le Plan et la Coopération. Nous apprenons d'ailleurs que ces derniers vont quitter probablement demain pour Washington où ils vont représenter le gouvernement du Sénégal aux réunions du printemps du FMI et de la Banque mondiale. Ils vont devoir batailler ferme pour convaincre l'institution de Bretton Woods pour la signature d'un nouveau programme, indispensable au décaissement de nouveaux financements.
Il y a quelques jours, le président de la République, face à la presse, était revenu sur la situation exécrable des finances publiques et les perspectives pour y remédier. Il donnait un exemple concret sur l'impact de cette option. “Avant les conclusions de la Cour des comptes, nous étions sur les marchés financiers où nous devions emprunter à un taux de 8 %. Alors que nous étions en train de discuter le taux que nous pensions élevé, le rapport est tombé. Ceux qui étaient prêts à nous prêter à 8 % sont revenus sur leur engagement et ont dit qu'ils vont nous prêter à 12 %”, confiait-il, non sans ajouter qu'il ne regrette pas la démarche qui est basée sur la vérité. “Je l'ai fait parce qu'on ne m'a pas élu pour dire des contrevérités. C'est aussi comme ça que nous allons nous respecter”, s'était-il défendu.
Comment mobiliser les financements avec toutes ces difficultés ? Il disait compter d'abord sur la mobilisation des ressources domestiques.
La grande question, c'est pourquoi, depuis le mois de septembre avec la découverte des manquements, les mesures correctrices n'ont pas été apportées ? Cela signifie-t-il que les nouvelles autorités reconduisent jusque-là les mêmes pratiques ? Dans tous les cas, les partenaires en font une obligation avant toute autre signature.
Le Burkina et le FMI trouvent un accord Pendant que le Sénégal peine à trouver des financements aussi bien sur le marqué qu'avec le Fonds monétaire international, les autres pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine continuent d'avancer. Dans un communiqué rendu public hier, l'institution rapporte ces déclarations du chef de la mission dépêchée dernièrement à Ouagadougou. “J’ai le plaisir d'annoncer que les autorités burkinabé et l’équipe du FMI sont parvenues à un accord au niveau des services sur les politiques économiques et financières qui pourraient soutenir l'approbation de la troisième revue du programme soutenu par la FEC. La conclusion de cette revue par le Conseil d'administration du FMI permettrait le décaissement d'environ 32 millions de dollars américains (24,1 millions de DTS), portant le total du soutien financier du FMI décaissé dans le cadre dudit programme à environ 128 millions de dollars américains (96,3 millions de DTS). La réunion du Conseil d'administration du FMI est provisoirement prévue pour juin 2025”, souligne le communiqué. L'accord FEC, selon le FMI, vise à garantir un espace budgétaire pour les dépenses prioritaires, réduire la vulnérabilité de la dette, renforcer la résilience face aux chocs, réduire la pauvreté et les inégalités, et améliorer la discipline budgétaire et la gouvernance. |
PAR MOR AMAR