''Que Dieu me préserve de la folie !''
La génération de 2000 ne connaît pas ce chanteur qui a fait les beaux jours de la musique des années 1990. Absent de la scène depuis longtemps, Makhou Lébou Gui annonce son retour avec un nouveau credo : ''Un mbalax engagé''. Avec EnQuête, il retrace sa période blanche, les rumeurs le donnant pour ''fou''...
Vous êtes absent de la scène musicale nationale depuis quelques années. Pourquoi ?
C’est vrai que cela fait un moment qu’on ne me voit plus sur la scène musicale, mais je suis quand même là. Je suis dans mon coin et je travaille. Je suis sur un grand projet dont je ne peux encore parler. Le moment venu, vous saurez ce que c’est. Tout ce que je peux dire, pour le moment, c’est que c’est un projet grandiose et c’est du lourd. Car c’est pour ce projet-là que je m’étais retiré. Reculer pour mieux sauter, dit-on ; c’est ce que j’avais fait.
En quoi consiste concrète ce projet ?
C’est un projet musical. Mais là, je m’engage dans diverses causes dont celle de la préservation de l’environnement. Moi, j’habite Thiaroye et il y a des fléaux qui gangrènent l’économie des pêcheurs en général et ceux de Thiaroye en particulier. Les pêcheurs n’arrivent même plus à avoir assez de poissons. En plus de cela, les grands chalutiers versent des produits dangereux dans la mer. Cela se sent même quand on mange le poisson, et ce n’est pas bon pour la santé. C’est très dangereux, on ne sait pas quelles substances on consomme. Donc, il faut qu’on se batte pour que cela cesse et qu’on protège la nature. L’autre combat que je compte mener, c’est lutter pour que les Lébous retrouvent leur place d’antan. C’est à travers la musique que je compte mener tous ces combats car mon métier est mon arme.
Qu’est-ce qui explique vraiment cette longue éclipse ?
J’étais là mais j’avais décidé de ne pas sortir. Il y a beaucoup trop de chanteurs au Sénégal. Certains sont bons, d’autres pas. Quand on entend des gens se produire en live, on a l’impression qu’ils ne sont pas les auteurs des chansons écoutées en playback et bien appréciées. Face à cette saturation du marché, il me fallait prendre du recul et voir quel chemin prendre. Il est très difficile de chanter, et mes chansons sont très complexes. Quand de vrais chanteurs m’entendent, ils savent que je maîtrise ce que je fais et que ce n’est pas facile.
Certains disent que c’est parce que vous n’aviez plus toute votre tête que vous vous étiez retiré...
Pardon ! Onzoubilahi mina cheytani radjim ! Que Dieu me préserve de cela. Primo, personne ne peut me marabouter, celui qui le déclare ne dit pas la vérité. Secundo, je suis le fils d’un moukhadam (dignitaire religieux). Que Dieu me préserve de la folie ! Je suis le porte-parole de ma famille, je ne peux pas me permettre de faire n'importe quoi. Je ne vais pas suivre ma passion jusqu’à oublier les prescriptions de Dieu. Je fais également partie des Freys (titre de notables lébous) de Thiaroye, les gens me suivent et copient tout ce que je fais. C’est juste que les gens ont envie de me voir qu’ils ont créé cette histoire-là. Je ne souffre de rien du tout.
La question vous surprend, on dirait, n’avez-vous jamais eu vent de ces rumeurs ?
Sincèrement, j’en ai déjà entendu parler, mais je ne pensais pas que c’était du sérieux. Une fois, au cours d’une émission radio, on m’a posé la question et j’avais démenti la rumeur. Je ne sais pas d’où est partie cette rumeur, mais elle est de mauvais goût.
Et vous êtes resté au Sénégal durant tout ce temps ?
J’ai voyagé, je suis allé dans différentes villes européennes dont Paris et Milan. J’y faisais du business, mais je ne restais pas longtemps, tout au plus un mois avant de rentrer. J’aime le Sénégal, j’aime Thiaroye. D’ailleurs, quand je suis au Sénégal, je ne dors jamais ailleurs que chez moi. Aujourd’hui, je suis très content de revenir sur la scène musicale.
Quand comptez sortir votre album ?
Bientôt, on est sur le projet. Ce sera de l’acoustique.
Ne craignez-vous pas d'avoir été largué avec la percée de beaucoup de jeunes chanteurs ?
Je joue dans des boîtes, pas à Dakar mais à Saly. Je suis dans l’acoustique. Je suis dans une dimension supérieure et de haute facture. Ce sont des grands qui écoutent la musique de Makhou. Les paroles sont très importantes et peuvent percer. La musique, ce n’est pas que du bruit.
Que pensez-vous de la musique sénégalaise d'aujourd’hui ?
Certains jeunes font des efforts et sont bons, mais ils doivent rester humbles et avoir les pieds sur terre. Il y a, dans la nouvelle génération, des jeunes qui ont retenu mon attention et qui peuvent avoir un brillant avenir dans ce métier. Je pense à mon ami Pape Diouf, mon fils Wally Ballago Seck. La première chanson que j’ai composée, ''Flora'', c’est une chanson de son père (Thione Seck), ''Bamba'' ; je l’avais reprise et rebaptisée ''Flora''. Ousmane Seck est aussi un grand ami à moi, tout comme Mapenda, d’ailleurs. Ma fille Adiouza aussi est bien, elle fait beaucoup d’efforts et est sur la bonne voie.
Vous avez changé de look, vous êtes-vous débarrassé de vos dreadlocks ?
Je suis un père de famille et un exemple dans la société au sein de laquelle j’évolue. Je crois en Cheikh Ibrahima Fall et je l’aime beaucoup aussi. Mais la manière dont je faisais mes dreadlocks, c’était un secret. Quand est arrivée l’heure de m'en débarrasser, un grand chef religieux, dont je tairais le nom, m’a appelé pour me demander de les enlever. Avant cela, j’ai eu une vision que je ne peux non plus partager ici.
Est-ce lié à de la mystique ?
C’est très vrai. Pourquoi vous me demandez cela ? Je ne le cache pas, je suis mystique. Je suis le fils d’un moukhadam de feu Serigne Mansour Sy.
PAR BIGUÉ BOB