«S'il y a réforme institutionnelle, on ne parlera plus de 500 000 emplois»
Dans cette dernière de l'interview avec EnQuête, Moubarack Lô analyse en gros les questions liées à l'emploi des jeunes et remet en cause l'engagement de Macky Sall à propos des 500 000 emplois promis en sept ans si le quinquennat est adopté.
Dans le programme Yoonu Yokkute dont vous êtes l’un des inspirateurs, Macky Sall a promis de créer 500 000 emplois en 7 ans. Est-ce réaliste au regard de la situation économique du pays ?
C’est tout à fait réaliste. D’abord, il s’était engagé sur 7 ans. S’il y a une réforme (institutionnelle) et que le mandat revienne à 5 ans, sans doute, les 500 000 (emplois) deviennent 350 000. L’engagement n’est valable que par rapport à la durée dans laquelle vous voulez la réaliser. Deuxièmement, dans la réforme publique, les résultats ne sont pas linéaires. Vous avez des phases de conception, d’installation, d’accélération et d’institutionnalisation de la mesure. C’est valable dans le camp de la création d’emplois. On peut considérer cette année comme celle de la conception. L’année prochaine peut être une année d’expérimentation et de montée en puissance progressive. Et 2014, 2015, 2016 vont être des années de pleine mise en œuvre. La distribution de 500 000 emplois ne peut pas se faire en 2012. Ce qui est important, c’est qu’en bout de course, vous ayez 350 000 emplois.(…)
Concrètement sur quel levier presser pour régler la question du chômage ?
Il y a d’abord l’emploi salarié dans lequel vous avez l’emploi public et l’emploi privé. Dans le public, la marge de manœuvre est très étroite pour accélérer la création d’emploi public. La masse salariale est déjà importante avec 90 000 fonctionnaires. Maintenant, vous avez les emplois privés. Vous pouvez intervenir de manière indirecte en encourageant la relance de la croissance de l’économie en améliorant l’environnement des affaires, et les politiques sectorielles. Pour la croissance de l’économie, vous avez l’APIX qui se charge du volet opérationnel. Pour les politiques sectorielles, il y a la stratégie de croissance accélérée. En combinant ces différents programmes, on pourra en 2017 arriver à un taux de croissance de 7%. Concernant les emplois non salariés, d’ici 10 ans, il y aura un renversement de tendance si les politiques sont menées, si les entreprises sont stables. On aura plus d’emplois salariés. C’est le cas en Inde.
Dans le court terme qu’est-ce qui est prévu ?
En attendant, il faut créer des activités génératrices de revenus. C’est le sens du Fonds de garantie d’investissement prioritaire (FONGIP) qui est beaucoup plus important que le FNPJ en termes de création d’emplois. Ce sera un dispositif central pour financer les porteurs de projets.
Le FONGIP ne risque-t-il pas de connaître le même sort que le FNPJ avec des financements jamais remboursés ?
Tout dépend du montage institutionnel. Il faut faire en sorte que le FONGIP ne soit pas politisé. Il est même ouvert aux étrangers qui veulent accéder au financement. Le calcul qui est fait, c’est qu’à chaque fois que vous montez un projet, vous créez trois emplois. Il vous faut un dirigeant, un comptable, un administratif. Nous avons un objectif de 70 000 emplois par an. Divisé par trois, vous avez 23 000 projets. Il ne s’agit pas de financer de nouveaux promoteurs. Rien qu’en travaillant avec des acteurs économiques qui ont des difficultés, vous avec une masse énorme parmi les artisans, les agriculteurs, les diplômés.
D’où proviendront les ressources ?
Tout cela est en train d’être discuté. Évidemment, la grande partie proviendra de l’Etat qui a déjà budgétisé pour 2013 à hauteur de 5 milliards de francs.
C’est insuffisant pour un tel projet.
C’est une phase pilote. Tout dépend de la taille du projet. Personnellement, j’accompagne des groupements féminins et très souvent, avec peu, je pouvais aider quelqu’un à démarrer. Par exemple, avec 200 000 F, vous pouvez vous lancer dans l’aviculture, les transformations de fruits et légumes. Donc, avec 1 million, vous pouvez soutenir 10 projets. Le FONGIP a aussi pour vocation de soutenir les PME- PMI. Toutefois, il faudra regarder le plafond pour éviter qu’une seule entreprise s’accapare du fonds.(…)
A Potou, dans la région de Louga, le projet Fero métal, une usine spécialisée dans le démantèlement de bateaux, est contesté par les populations. En tant conseiller municipal, qu’en pensez-vous ?
D’abord, je me désole du fait que ce projet soit installé dans cette localité au moment où on fait des évaluations environnementales. Tout le monde sait que le démantèlement de bateaux renferme des risques très élevés en matière de contenance en produits chimiques comme l’amiante. Il s’y ajoute qu’à Potou, c’est une zone écologique qui contient de la production en matière d’élevage. Même s’il n’est pas encore validé, la vocation de cette zone n’est certainement pas faite pour un démantèlement de bateaux de pêche. Vous ne pouvez pas avoir une cohabitation entre cette usine, les populations et les activités agricoles.
A qui la faute ?
L’administration a fait son rôle. Les services techniques décentralisés ont fait le travail nécessaire. En tout cas, il faut arrêter le processus. Je vais lutter pour que ce projet soit arrêté parce que c’est un danger pour les populations de Louga.
Serez-vous encore candidat à la mairie de Louga en 2014 ?
Je suis en train de réfléchir parce que je n’ai pas arrêté de servir ma région. J’étais candidat en 2009, j’ai pu avoir 15%, mon mouvement And Suxxali Sénégal s’est classé 3e... Ce qui nous préoccupe, c’est la région. Nous avons toutes les potentialités pour nous développer. Si nous estimons que le bilan de la mairie (NDLR : dirigée par la socialiste Aminata Mbengue Ndiaye) n’a pas été satisfaisante, nous ne demanderons pas de permission, nous prendrons nos responsabilités à cet effet.
PAR DAOUDA GBAYA
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