Publié le 5 Aug 2024 - 13:30
DR BABO AMADOU BA, DG 3FPT

‘’Le 3FPT a formé plus de 394 000 personnes pour plus de 90 milliards dépensés’

 

En 10 ans d’existence, le 3FPT a formé près de 400 000 personnes, accompagné 676 projets pour une enveloppe globale de 90 milliards F CFA, informe le Dr Babo Amadou Ba, directeur général de la structure depuis mai dernier. Embarqué dans la politique depuis 2017 par Pastef, le vice-coordonnateur du Mouvement national des cadres dudit parti revient sur ses rapports avec Diomaye et Sonko, ses ambitions à la tête de la 3FPT, mais aussi la promesse de rationalisation des agences publiques par le nouveau régime.

 

Beaucoup de Sénégalais vous ont découvert avec votre nomination à la tête du 3FPT. Pouvez-vous leur dire qui est le Dr Babo Amadou Ba ?

Docteur Babo Amadou Ba est un enseignant-chercheur, maitre de conférences titulaire à l’université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio. Il est titulaire d’un Doctorat en sciences de gestion option finance de marché. Actuellement, j’occupe le poste de directeur général du Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), un domaine que je connais très bien. Parce qu’après mon BFEM, j’ai fait le lycée technique de commerce Maurice Delafosse (1996-2000). Après mon bac, je suis allé à la faculté des sciences économiques et de Gestion où j’ai eu ma Maitrise. J’ai aussi fait l’Ensept (École normale supérieure de l’enseignement professionnel et technique). C’est là où l'on forme la crème des professeurs qui interviennent dans la formation professionnelle et technique. J’ai ensuite fait 20 ans au lycée André Peytavin de Saint-Louis. Là-bas, j’ai continué mes études en Master de recherches en marketing stratégique, avant de faire mon Doctorat en sciences de gestion. Et depuis 2024, j’ai été recruté à l’université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio, en tant que maitre de conférences titulaire.

Vous êtes originaire de quelle localité et est-ce que vous militez dans le parti au pouvoir ?

Je suis de Dakar, je suis né à Ouakam, j’ai grandi à Ouakam, j’ai fait presque tout mon cursus à Ouakam : primaire à l’école Terme Sud, ensuite au CEM Ouakam. Après le bac, j’ai rejoint le lycée technique Maurice Delafosse. Je suis un membre de Pastef. Je rappelle que j’ai découvert Ousmane Sonko en 2017, lors d’une émission appelée ‘’Cartes sur table’’ animée par Pape Alé Niang sur la 2STV. C’est la première fois que j’entendais quelqu’un parler de budget avec autant de pertinence. Je l’entendais mettre en avant les ressources internes pour le financement du budget : par la fiscalité, la monnaie, les ressources naturelles avant de parler de la dette. Cela m’a frappé. Et quelques mois plus tard, quelqu’un m’a donné le numéro de Bassirou Diomaye Faye, actuel président de la République, à l’époque président du Mouvement des cadres. Par la suite, le président Diomaye a appelé Birame Soulèye, le coordonnateur de Pastef à Saint-Louis et ils sont venus dans mon bureau – j’étais directeur dans un business school à Saint-Louis.

Sur le plan national, Sonko m’a mis en rapport avec Matar Sène qui m’a mis en rapport avec Moustapha Sarré (actuel ministre chargé de la Formation) pour intégrer l’école du parti. J’étais dans cette structure jusqu’en 2022. Lors de la dernière restructuration de 2022, Diomaye est devenu secrétaire général ; le vice-président Daouda Ngom (actuel ministre de l’Environnement) est devenu président. Et moi je suis passé vice-coordonnateur, le poste que j’occupe encore aujourd’hui dans le parti.

J’ai donc d’excellents rapports aussi bien avec le président Diomaye qu’avec le Premier ministre Sonko.

En tant que nouveau DG du 3FPT, vous avez certainement fait l’état des lieux. Qu’avez-vous trouvé sur place ?

Effectivement, nous avons fait l’état des lieux. Comme vous le savez, le 3FPT a été créé en 2014. D’ailleurs, il va fêter ses 10 ans cette année et nous prévoyons beaucoup d’activités sur le plan national. Il faut dire que le 3FPT est réparti dans cinq zones : zone ouest à Pikine, zone centre à Diourbel, zone nord à Saint-Louis, zone sud à Ziguinchor et zone est à Tamba. 

Le 3FPT, c’est un guichet de financement des demandeurs individuels, un guichet de financement des entreprises et des organisations professionnelles. C’est aussi le guichet financement des établissements de formation professionnelle. Le bilan que j’ai trouvé sur place fait état de 394 922 personnes formées par le 3FPT et de 676 projets financés, pour 90 milliards de francs injectés de 2014 à 2024.

C’est donc un bilan élogieux que j’ai trouvé sur place. Maintenant, en tant que nouveau DG, je me dis que le défi est surtout de changer de paradigme, pour aller vers plus de qualité.

Pouvez-vous revenir sur les principales sources de financements du 3FPT ?

Le 3FPT a trois sources de financement. D’abord, c’est la CFCE (Contribution forfaitaire à la charge de l’employeur, NDLR) qui représente 3 % du salaire brut fiscal. Les 70 % de cette enveloppe reviennent au 3FPT. C’est un montant assez important. Maintenant, nous travaillons aussi avec des partenaires, dont GIZ, Lux Dev, l’ambassade de France… Il y a enfin les agréments et accréditations que l’on facture aux écoles parce que nous voulons aller vers la qualité.

C’est des mannes financières importantes qui sont mobilisées. Quel est l’impact de ces nombreux projets et initiatives accompagnés ?

C’est vrai que beaucoup d’argent a été investi. Je pense qu’il y a du bon et du moins bon comme dans toute œuvre humaine. Nous allons mettre l’accent sur le suivi-évaluation. Les milliards qu’on met sur la table, ce ne sont pas des subventions, mais un investissement. Et quand on investit, on s’attend à un retour sur investissement. Donc, la première chose à faire, c’est d’assurer le suivi-évaluation. Quel a été l’impact des financements pour les populations, sur les jeunes, mais surtout sur le niveau d’insertion de ces jeunes qui ont été accompagnés. Il ne s’agit pas simplement de former, mais en plus de la formation, aider les jeunes à s’insérer. Là, nous sommes en train de faire ce travail afin de pouvoir apprécier quelle est la qualité des investissements qui ont été faits. Sur les milliers de jeunes formés, les 676 projets financés, quel est l’impact sur le plan économique et social. À partir de là, on pourra prendre les meilleures décisions pour la réorientation des politiques.

Malgré les mannes injectées, les jeunes continuent de se ruer vers l’Europe en bravant notamment l’océan. Est-ce que cela ne traduit pas un certain échec de toutes ces structures ?

Je ne parlerai pas d’échec. Juste qu’il n’y avait pas cette synergie entre les différents acteurs intervenant dans ce volet de la formation. L’ancien régime avait mis en place deux structures stratégiques que sont L’ANPEJ et la Direction de l’emploi. Ils ont mis quatre structures de financement : Der, BNDE, Fongip et Fonsis. Et huit structures techniques : 3FPT, ONFP, Anamo, APDA, Anida, Prodac… Ce qui manquait, c’est la corrélation entre ces différentes structures.

Notre touche sera donc cette approche systémique, en sus de l’approche territoriale et de l’approche chaine de valeur. L’approche systémique voudrait que le 3FPT, la Der, l’ADPME, l’ANPEJ et l’Apix puissent travailler ensemble. Nous, nous formons. Une fois que la personne est formée, on va l’accompagner. Si la personne veut un financement, la Der va financer. Si elle veut aller vers l’emploi salarié, l’ADPME peut intervenir. Maintenant, tous ceux-là veulent intervenir dans un environnement macro-économique favorable. Il faudra donc se formaliser et créer l’attractivité. C’est comme ça que nous comptons renverser la tendance, en vue de faire revenir l’espoir perdu par les jeunes.

Vous êtes là quand même depuis quelques mois, mais les jeunes continuent de partir. Est-ce à dire que vous peinez à redonner espoir à ces jeunes ?

Ce n’est pas que nous peinons, nous sommes plutôt en train de mettre en place les stratégies. Il s’agit d’y aller avec méthode, sans précipitation. Dans chaque chose, il y a trois phases : une phase analytique, une phase stratégique et une phase opérationnelle. Lorsqu’on est arrivé, on a fait la phase analytique pour voir c’est quoi le problème. Une fois le problème identifié, il y a des décisions à prendre. C’est la phase stratégique. Après, ce sera les actions sur le terrain. Certes, les gens sont pressés, mais on vient d’arriver. On a fait juste trois mois et on va y arriver.

Vous avez cité beaucoup de structures rien que dans votre secteur. N’y a-t-il pas nécessité de les rationaliser un peu ? Est-ce qu’il n’y a pas de risque à ce que vous vous retrouviez à faire la même chose ?

Non, il n’y a pas ce risque. Par exemple, si je prends les structures qui dépendent du ministère chargé de la Formation professionnelle et technique, il y a le 3FPT, l’ONFP, l’Anamo et le PFEE. Le 3FPT, c’est un peu la banque de la formation ; on finance la formation. L’ONFP est la structure qui est chargée de tout ce qui est construction. Pour l’Anamo, elle met l’accent sur la formation pour les petits métiers. Pour ce qui est du PFEE (Programme de formation-école entreprise), c’est surtout pour favoriser l’insertion des étudiants en entreprise.

Ce ne sont donc pas des structures qui font la même chose. Il y a juste un problème de communication qui fait que les gens ne comprennent pas. Mais les frontières sont bien délimitées.

L’autre chose est que moi je n’ai pas le droit de financer des projets, je finance la formation. Parfois, je réfère à la Der après avoir formé. Idem pour la Der qui ne peut pas former. Celle-ci peut transférer une partie de son budget pour un renforcement de capacités. Peut-être avant, il y a eu un problème de communication. Mais le président Diomaye et son PM Ousmane Sonko ont insisté sur la nécessité d’enlever tout ce qui est cloison pour qu’il y ait une certaine synergie de groupe.

Concrètement, quelles sont vos ambitions à la tête de cette structure qu’est le 3FPT ? Qu’est-ce qui va changer par rapport à la gouvernance précédente ?

Comme je l’ai dit, nous allons impulser un changement de paradigme pour aller plus vers des formations de qualité. Je dois préciser que le 3FPT ne forme pas directement, c’est des contrats tripartites. Vous voulez une formation, par exemple, dans le domaine du pétrole (vous êtes le promoteur), on choisit une école chargée d’effectuer la formation (c’est l’opérateur) et 3FPT finance. Il faut le dire, parfois, on constate que même si on octroie des formations, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. C’est quelque chose que nous allons corriger.  Aussi, il y a des parties du Sénégal qui ne ressentaient pas non actions. Nous allons renforcer l’équité sociale à ce niveau.

 Enfin, il y a des couches de la population qui se sentent exclues. Par exemple, récemment, j’ai reçu l’Association des personnes de petite taille ; c’est aussi des imperfections que l’on est tenu de revoir. Notre feuille de route est ainsi articulée autour de trois exigences et approches. La première c’est l’approche territoriale. C’est le lieu de rappeler que Dakar, qui représente 0,28 % de la superficie du Sénégal, regroupe 22 % de la population, soit 4 millions de personnes sur 557 km2, une bonne partie de l’activité économique. Nous voulons développer les pôles territoriaux. Et nous avons déjà commencé à travers le lancement d’une série de CDD qu’on a démarré dans la région de Thiès. Il s’agit d’aller écouter les populations, pour voir les secteurs prioritaires, la demande formulée et adapter l’offre de formation.

La deuxième exigence, c’est l’équité sociale qui veut non seulement que l’on soit partout, mais aussi qu’il y ait plus d’inclusion sociale avec une plus grande prise en charge des personnes démunies, les personnes vivant avec un handicap, mais aussi des femmes. L’autre chose, c’est le suivi-évaluation et le développement de l’approche chaine de valeur. Il s’agira de faire en sorte que les formations aient un impact sur les secteurs porteurs.

Pouvez-vous revenir un peu sur ce que vous faites ici à Paris, dans le cadre des Jeux olympiques Paris-2024, pour une structure de formation ?

Cette visite est importante. Historiquement, c’est la première fois que des Jeux olympiques (de la jeunesse) se tiennent en terre africaine et en particulier au Sénégal. C’est quelque chose de complexe ; cela nécessite beaucoup de compétences. C’est la raison pour laquelle le Comité d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse a jugé nécessaire d’impliquer les structures dont l’Apix, le Cetud, la Sogip, l’ASPT… Pour ce qui me concerne, il s’agit de faire du benchmarking, pour voir quels sont les métiers qui sont au cœur de l’organisation des JOJ. Nous allons préparer les jeunes non seulement pour la préparation de ces Jeux, des jeunes à qui nous allons ainsi donner des compétences qui vont leur servir au-delà de cet événement. Nous avons dans ce cadre identifié cinq tops métiers : tout ce qui est communication et marketing événementiel ; la sécurité et la cybersécurité ; le e-billetterie ; le métier de stadier et enfin la maintenance et la gestion des infrastructures sportives. C’est énormément de métiers dont on a besoin, même après les Jeux, parce qu’il y aura toujours des événements, il y aura toujours des infrastructures. Cette visite nous a aussi permis de rencontrer beaucoup de partenaires.

Les JOJ ont été attribués au Sénégal sous l’ancien régime. Quelles mesures ont prises le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre pour montrer qu’ils sont engagés et feront le nécessaire pour que les Jeux se déroulent dans les meilleures conditions ?

D’abord, il faut souligner que l’Administration est une continuité. Et je puis vous assurer que c’est toute l’Administration qui est mobilisée pour la réussite de cet événement historique. Vous avez vu la ministre chargée des Sports lors du premier jour de cette série de conférences. Toutes les structures opérationnelles sont aussi là pour s’inspirer des meilleures pratiques en vue d’une parfaite organisation de cet événement.

 

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