‘’Si le Sénégal bloque les camions maliens, les autres peuvent en profiter’’
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Après l’accident survenu à Kaolack et les manifestations qui en ont découlé, le président de la Chambre de commerce de Kaolack s’est entretenu avec les chauffeurs sénégalais et maliens. Pour lui, les vrais acteurs ne sont pas impliqués dans le système du transport.
Comment appréciez-vous la situation des gros-porteurs, avec ce qui s’est passé récemment à Kaolack ?
C’est grâce à eux qu’il y a échange de marchandises. Le transport routier a besoin d’alternatives, afin de réduire le temps que les transporteurs passent sur la route. Nous avons plusieurs projets à Kaolack, comme la redynamisation du port. Sur ce point, il y a des avancées. Aujourd’hui, nous avons plus de 200 bateaux qui y passent. Ces bateaux passaient par Dakar pour aller à Kédougou. En même temps, nous avons un projet de port sec, avec le réseau ferroviaire. Mais cela dépend actuellement de l’Etat, avec la rénovation du chemin de fer. Mais le plus important est la réglementation du transport, car le transit de plus de 400 à 500 camions par jour à Kaolack, avec la circulation dense au cœur de la ville, il est urgent de trouver des solutions et de régler de manière définitive ce problème.
Est-ce qu’il est nécessaire d’avoir une voie de contournement ?
Ce n’est même pas une nécessité, mais une obligation d’avoir un système de transport efficace. Et cela réduit les coûts. Pour éviter les accidents et mettre à l’abri la population, la meilleure solution est de créer très rapidement une voie de contournement. C’est un projet et depuis cinquante ans on en parle, mais quand même, à la Chambre de commerce de Kaolack, nous sommes en train de voir comment investir sur des aires de stationnement, pour que les chauffeurs puissent se reposer. Tout cela peut aider à éviter les accidents, car si le chauffeur ne se repose pas, il peut créer des dégâts sur la route. Les chauffeurs maliens disent qu’ils ne peuvent pas se garer n’importe où. Ils sont victimes d’agressions et de vols dans les communes et villages. Le Sénégal et le Mali entre dans le cadre du corridor. Il y a un respect des textes établis. C’est pour cela qu’ils préfèrent rouler toute la nuit. Il est nécessaire de créer des aires de repos. Il faut que les Sénégalais sachent que le Sénégal a un intérêt dans le fait que les Maliens viennent récupérer leurs marchandises au port de Dakar. Si aujourd’hui, nous ne créons pas les conditions nécessaires pour permettre aux Maliens d’utiliser le port de Dakar convenablement, ils vont aller ailleurs. Ils ont d’autres possibilités avec d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et la Guinée. Le Sénégal est beaucoup plus accessible pour eux. C’est une opportunité à saisir et si le Sénégal bloque les camions maliens, les autres peuvent en profiter. Cela va engendrer des pertes économiques et de productivité.
Quelle lecture faites-vous de la gestion du transport à Kaolack ?
Je vois que les tâches ne sont pas bien définies, parce qu’il y a des gens qui ne connaissent pas le secteur qui y sont, c’est-à-dire ceux qui achètent leurs camions et recrutent des chauffeurs, dont la spécialité n’est pas le transport. Cela crée de l’anarchie. De ce fait, la chambre travaillera à les organiser. Nous l’avons commencé avec la Commission transport de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Kaolack. Nous allons continuer à discuter avec eux, afin de créer une harmonie. Ce que nous avons fait aujourd’hui est un grand pas. Nous nous sommes réunis pour discuter des grandes lignes, avoir une plateforme, avant de rencontrer le gouverneur de Kaolack, Alioune Badara Mbengue, mardi (aujourd’hui). Ce dernier décide à son tour de dialoguer avec les parties concernées.
Est-ce que la question de la vétusté des véhicules ne se pose pas ?
Cette question se pose, dans la mesure où le président de la République, Macky Sall, a une fois exposé ce problème, disant qu’à chaque fois que vous voyez un camion tombé en panne sur la route, c’est toujours un camion sénégalais. L’Etat avait décidé de renouveler les camions ; il l’a entamé, mais ça ne suffit pas. Ce qui est important, c’est d’impliquer les vrais acteurs. On reproche au secteur privé de ne pas accomplir sa tâche, s’il a en charge un projet. La plupart du temps, ce sont les autorités elles-mêmes qui ne choisissent pas les bonnes personnes, la cible principale. Par exemple, si l’Etat veut construire une école et choisit une personne quelconque en ayant d’autres préoccupations derrière, c’est-à-dire vouloir que la personne y gagne, ça ne marche pas.
Vous voulez dire que les vrais acteurs ne sont pas impliqués ?
Bien sûr que oui ! Les vrais acteurs ne sont pas impliqués. Mais si un projet est destiné à une structure digne de ce nom, qui a fait ses preuves, il n’y aura pas de problème pour la réalisation. Si le projet de renouvellement des camions de transport a été confié ou s’il a été fait dans les règles de l’art, il n’y aurait pas de problème. Le renouvellement n’est pas fait comme cela devrait se faire. C’est important à clarifier, car on nous reproche toujours cela.
Mais le gros du problème, c’est dans le choix. On ne doit pas imputer la faute au secteur privé, sachant que le choix n’émane pas de nous. Souvent, les gens disent : on a donné tel projet ou tel autre à des Sénégalais, ils ne l’ont pas réussi ; on va le confier à des étrangers. Ces derniers choisissent le vrai acteur et lui donne les moyens. Le secteur privé sénégalais fait des efforts, des résultats et cela est reconnu partout dans le monde. L’Afrique de l’Ouest est construite par les Sénégalais. Si on en arrive à privilégier les étrangers au détriment des Sénégalais, ça devient catastrophique.
Pour mettre un terme à cela, les bonnes entreprises sénégalaises, bien organisées, doivent être choisies et leur donner des moyens afin qu’elles puissent réussir leur mission.
Aida Diène