Publié le 16 Jan 2024 - 10:59
EX-PASTEF

Un héritage en question !

 

Alors que la plupart des états-majors se lancent dans la campagne avec des candidats bien connus, Pastef, un des favoris à la prochaine Présidentielle, continue de laisser ses militants et sympathisants dans un flou artistique qui pourrait compromettre ses chances de succès. L'ex-parti devra se déterminer de manière claire pour éviter toute dislocation des voix.

 

C’est le flou total ! Sur les 21 candidats retenus par le Conseil constitutionnel à titre provisoire, ils sont au moins trois à revendiquer une caution d’Ousmane Sonko. Il s’agit de Bassirou Diomaye Faye, présenté comme principale alternative en cas de confirmation de l’exclusion de son mentor, de Dr Cheikh Tidiane Dièye, 2e adjoint au président du Conseil départemental de Ziguinchor, allié et ami proche du maire de Ziguinchor, enfin d’Habib Sy qui a certes peu de chances dans cette course, mais qui peut se prévaloir d’avoir été parrainé par les députés de l’ex-Pastef, avec la bénédiction de leur leader.

Qui de ces trois va alors représenter le parti dissous à la Présidentielle du 25 février 2024 ? Qui acceptera de se retirer au cas où Sonko officialise l’un des trois ? L’opposant va-t-il, au contraire, miser sur une candidature multiple ? ‘’EnQuête’’ essaie d’analyser les forces et faiblesses des uns et des autres.

Bassirou Diomaye Faye : le grand favori pour la succession d’Ousmane Sonko

À n’en pas douter, c’est le grand favori dans cette course à la succession d’Ousmane Sonko. Issu d’une famille socialiste à Ndiaganiao dans le département de Mbour, l’inspecteur des impôts et domaines a pendant longtemps résisté à la politique. En 2014, à la création du Pastef, il cède aux avances de ses amis, dont Ousmane Sonko. Au quotidien ‘’L’As’’, il confiait dans une interview : ‘’J’ai eu l’honneur de concevoir la feuille de route du comité de pilotage provisoire qui a été mis en place, à l’occasion de l’assemblée générale du 4 janvier 2014.’’

À ce titre, Diomaye connaît tous les rouages du Pastef et jouit d’un grand soutien auprès des cadres de l’appareil politique. À cette légitimité historique s’ajoute une légitimité populaire. De tous les responsables de l’organisation, il est celui qui compte le plus de soutiens, non seulement au niveau de la base affective, mais aussi chez les sympathisants. À ce jour, en dehors d’Ousmane Sonko qui continue d’être cité comme le plan A, il constitue la seule alternative reconnue et assumée par l’organisation politique. Pas seulement par le leader.

Si sa candidature est confirmée par le Conseil constitutionnel, il sera en pole position pour porter le drapeau Pastef.

Cela dit, M. Faye a pour faiblesse ses principales forces. Moins âgé que son leader, moins clivant, aussi virulent et percutant que lui, il pourrait légitimement aspirer à instaurer une certaine dualité au sommet de l’ex-parti. Dans le cas où il serait élu président de la République, ça pourrait sonner la mort politique de son mentor.

En revanche, si un autre gagne, les rêves de grandeur de Sonko resteraient intacts. Par ailleurs, le fait qu’il soit en prison constitue également un obstacle auquel il devra faire face.

Dr Cheikh Tidiane Dièye : l’allié sûr, un pari moins risqué

Entre le docteur Cheikh Tidiane Dièye et Ousmane Sonko, c’est une longue histoire. Originaires tous les deux de la région de Ziguinchor, anciens pensionnaires du lycée Djignabo, ils votent tous les deux dans la partie sud du pays. À la création de la plateforme Avenir Senegal Binu Begg, révélait le candidat de la coalition Président Bi Nu Begg, Ousmane Sonko a activement apporté sa pierre, même s’il était déjà engagé avec Pastef. En 2019, parmi tous les candidats, le Dr Dièye et sa plateforme choisissent d’accompagner le jeune leader politique. Depuis, ils ne se sont plus jamais quittés. À la faveur des dernières élections locales, Cheikh Tidiane Dièye a été élu conseiller départemental, puis deuxième adjoint du président du Conseil départemental de Ziguinchor.

L’autre force du Dr Cheikh Tidiane Dièye, c’est justement d’être originaire de la région de Ziguinchor, où il est né et a grandi. D’ailleurs, aiment à rappeler certains de ses proches, il a été le premier à militer dans cette partie sud du pays. Il y a quelques mois, il clamait urbi et orbi qu’il renonçait à sa candidature pour soutenir celle de Sonko. Par la suite, après une visite à son allié en prison, il sort et lance avec fracas son parrainage.

Contre toute attente, celui qui est considéré par beaucoup comme un poids plume, parvient à valider son parrainage en un temps record. Et dès le premier tour de  vérification. Raison pour laquelle certains observateurs voient la main d’Ousmane Sonko derrière cette réussite.

Habib Sy : pour la survie d’Ousmane Sonko

À la différence de Diomaye Faye dont la candidature est encore sujette à des interrogations, le candidat de Président Bi Nu Begg n’a aucun obstacle devant lui. Sauf retrait volontaire, il va compétir à la prochaine Présidentielle. Il serait ainsi le premier adversaire de Bassirou Diomaye Faye, dans la mesure où il pourrait acquérir une bonne partie du vote patriote, surtout dans le fief du leader Ousmane Sonko, à Ziguinchor, où il est responsable dans le Conseil départemental.

D’ailleurs, dans certains milieux de Pastef, on ne manque pas de véhiculer, sans preuve, qu’il aurait agi contre les directives d’Ousmane Sonko afin de lever toute équivoque dans la tête des militants. L’ex-parti aura en tout cas tout intérêt à clarifier ces zones d’ombre, s’il veut conserver toutes ses chances de victoire en 2024.

En fait pendant longtemps, Pastef, comme beaucoup d’observateurs, avait des appréhensions sur la décision du Conseil constitutionnel. Beaucoup pensaient que la haute juridiction allait invalider ladite candidature. D’où officiellement les nombreux plans pour parer à toutes les éventualités et être sûr d’avoir un candidat. C’est du moins l’argument officiel. Dans cette hypothèse, l’ex-parti ne devrait avoir aucune difficulté à assumer son véritable choix. Dans le cas contraire, cela ressemblerait plus à un sabotage pour diminuer les chances de victoire de quelqu’un comme Bassirou Diomaye Faye.  

À la différence d’un Bassirou Diomaye Faye qui pourrait facilement accaparer le leadership de Pastef, s’il est élu président de la République, Habib Sy, lui, n’a aucun appareil. Il ne saurait constituer un obstacle aux rêves d’Ousmane Sonko. Soit il gagne, il sera obligé de composer avec la redoutable machine de Pastef. Soit il perd et Ousmane Sonko va continuer d’incarner le leader de l’opposition politique. Il l’a tellement bien compris que lui-même se propose d’être candidat pour un seul mandat de transition.

Mor AMAR

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