Un duel dans la passivité et la crainte
Les passionnés de lutte vont devoir attendre avant de voir un nouveau Roi des arènes. Modou Lo a conservé son titre avec difficulté. Plusieurs amateurs ont montré leur incompréhension par rapport aux différentes approches des deux protagonistes.
Modou Lo finit l’année 2024 en tant que Roi des arènes. Le chef de file de l’écurie Rock énergie enchaîne un troisième succès d’affilée depuis son intronisation en 2019. Au lendemain de sa victoire sur Siteu, les amateurs de lutte multiplient les commentaires par rapport à la physionomie du combat et de l’approche de chacun des combattants. Beaucoup se disent déçus par le spectacle proposé et pensent que les deux acteurs ont manqué d’arguments offensifs.
‘’La victoire de Modou Lo par décision arbitrale n'était pas le résultat attendu, surtout pour un lutteur de son calibre. On connait Modou Lo pour sa force décisive, son explosivité et sa capacité à dominer ses adversaires. Or, dans ce combat, bien qu’il ait initié toutes les attaques, il n’a pas montré le visage conquérant et impitoyable qui lui est propre. Siteu, de son côté, n’a pas démérité. Il a fait preuve de résilience et a tenu tête au Roi des arènes. Mais on n’a pas senti chez lui une réelle envie de gagner’’, déclare Babacar Cissé, se disant s’octroyant communicant et co-initiateur de la communauté lutte sur X.
Les deux lutteurs ont épuisé toutes les minutes allouées sans que chacun puisse trouver la moindre faille chez son adversaire. Jambaar Productions, promoteur de ce combat royal, avait misé sur deux des lutteurs les plus populaires de l’arène. Habitués à drainer les foules et à faire le show, l’enfant de Diamaguène et celui des Parcelles-Assainies ont laissé perplexes leurs supporters.
Pour la plupart des amateurs et sympathisants de Modou Lo, le Roi des arènes était tout simplement méconnaissable et une atteinte mystique est même envisageable. ‘’Dans un sport comme la lutte sénégalaise, où les croyances mystiques jouent un rôle non négligeable, ce genre d’interprétation peut émerger quand un champion semble en deçà de ses capacités’’, affirme-t-il.
La différence de niveau entre les deux lutteurs était évoquée bien avant le combat. Même si Siteu avait adopté une stratégie plutôt offensive lors des face-à-face et sorties médiatiques, ses dernières prestations faisaient de lui l’outsider dans ce duel. Mais dès le début de la confrontation, le chef de file de l’écurie Lamsar s’est mis dans des dispositions favorables et a montré quelques avantages par rapport à son adversaire du soir. Malheureusement, il a manqué d’arguments offensifs. ‘’Si Siteu avait choisi d’adopter une approche plus offensive et avait décidé de lutter véritablement dans l’enceinte plutôt que de se replier constamment vers les sacs-barrières, une victoire aurait pu être enregistrée dans les temps réglementaires’’, explique Babacar Cissé.
Pendant ce temps, Modou Lo n’a pas aussi montré une certaine passivité. Malgré, quelques tentatives de déstabilisation, le leader de l’écurie Rock énergie n’arrivait pas à mettre en danger son adversaire.
Selon Cissé, il attendait une ouverture ou une erreur de son adversaire qui ne s’est jamais matérialisée. Mais tout au long du combat, il a été le seul à vouloir enflammer la partie. L’une de ses attaques a failli lui être fatale. Il pousse Siteu jusqu’au-delà des sacs-barrières et le doute s’installe sur une chute ou non. Mais la Var montre clairement que l’épaule de Modou Lo n’a pas touché le sol et que Siteu était en dehors durant l’action. ‘’Selon les règlements du CNG, une chute n’est valable que si elle survient dans la zone de vérité, c’est-à-dire à l’intérieur des sacs. Or, dans cette situation précise, Modou Lo et Siteu étaient clairement dans la zone de sécurité, en dehors des sacs, ce qui invalide automatiquement toute tentative de reconnaissance d’une chute’’, indique-t-il.
Du recours de Siteu en question
À la fin du combat, les doutes ont surgi concernant ces images. Le lutteur de Lamsar a décidé de déposer un recours pour contester la victoire du Roi des arènes. ‘’Un recours ne peut réussir que si des preuves nouvelles, claires et indiscutables viennent démontrer une erreur flagrante ou une violation des règles. Or, aucune de ces conditions ne semble remplie. La décision prise pendant le combat reste donc difficile à remettre en cause, surtout après plusieurs visionnages vidéo. Enfin, un point crucial vient encore affaiblir la position de Siteu : son refus de se soumettre au test antidopage après le combat’’, explique-t-il.
Mais le lutteur de l’écurie Rock énergie est déclaré vainqueur avec moins d’avertissements. Il s’impose à nouveau comme le lutteur à battre. Avec une chance déjà donnée à trois de ses cadets depuis son début de règne, Modou Lo ouvre sa succession.
‘’Il a montré qu’il était prêt à céder la place aux jeunes talents et cela, au bénéfice de la lutte sénégalaise dans son ensemble. Son attitude, qui consiste à donner la chance aux jeunes, permet à ces derniers de se mesurer à un champion et de forger leur propre légende’’, estime le communicant. À 38 ans, le lutteur des Parcelles-Assainies est au crépuscule de sa carrière, mais quelques challengers peuvent encore se mesurer à lui.
Quant à Siteu, sa popularité et sa capacité à faire vivre ses combats lui garantissent un adversaire aussi vite que prévu, mais quelques-uns de ses défauts doivent forcément être gommés avant d’aspirer à plus haut. ‘’Siteu a encore beaucoup à offrir. Il doit tirer des enseignements de ses échecs et revoir certains aspects de son approche, tant sur le plan technique que mental. D'abord, Siteu semble avoir un défi à relever. Il manque parfois de la mentalité de gagnant, ce qui est essentiel dans une discipline aussi exigeante que la lutte. Il doit adopter une attitude plus combative, plus déterminée et se débarrasser de cette impression de se contenter du strict minimum’’, souligne-t-il.
MAMADOU KANE