‘’On ne doit pas attendre que le problème surgisse pour poser le débat’’
‘’Baamum Nafi’’ (‘’Le père de Nafi’’) du réalisateur Mamadou Dia, a été projeté avant-hier au Yennenga, devant la presse. Ce long métrage, qui traite de plusieurs thèmes, vise particulièrement à montrer les possibilités et les pistes à travers lesquelles les extrémistes parviennent à annexer les villes.
Le mariage traditionnel dans la ville de Matam. C’est le prétexte trouvé par Mamadou Dia pour réaliser ‘’Baamum Nafi’’ (‘’Le père de Nafi’’, en langue pulaar). Un film qui évoque un sujet préoccupant et sensible : l’extrémisme. ‘’Il relate l’histoire de deux pères qui se battent à propos du mariage de leurs enfants. Mais l’enjeu réel est de montrer comment une petite communauté locale peut basculer vers l’extrémisme'', a précisé le réalisateur lors d'une séance de projection au centre culturel Yennenga.
Son premier long métrage met ainsi en évidence les possibilités et les pistes par lesquelles les extrémistes arrivent à amadouer les gens et à les convaincre de suivre le chemin du radicalisme. ‘’Cette situation fait écho dans le monde entier. Moi, je ne la résume pas seulement à l’extrémisme religieux ; il y a aussi l’extrémisme politique’’, a expliqué Mamadou Dia.
Et d’ajouter : ‘’Dans beaucoup de pays, on voit la montée de l’extrême droite : en France (Marine Le Pen), en Italie, en Espagne et en Amérique, avec l’arrivée de Donald Trump. Donc, c’est pour parler de ces formes d’extrémisme qui sont politico-religieuses.’’
Quid du choix de Matam, alors que le Sénégal n’a pas connu d’attentat ou de problème de ce genre ? Mamadou dit vouloir allier ses expériences personnelles avec des faits d’actualité. Pour lui, il faut tirer des leçons sur le cas du Mali dont l’invasion a été surprenante. Il s’agit, donc, de tirer la sonnette d’alarme. ‘’Baamum…’’ est une invite à la réflexion pour prendre la question de l’extrémisme et du radicalisme au sérieux et se préparer davantage. ‘’Il faut en parler maintenant. On ne doit pas attendre que le problème surgisse pour poser le débat’’, a dit M. Dia.
En effet, le Sénégal, selon l’étude faite par Timbuktu Institut, fait partie de la typologie 3, celle des pays pouvant développer des stratégies de prévention et sortir du déni politique qui n’a pas réussi à des pays comme le Burkina Faso.
Par ailleurs, le choix de la ville de Matam est lié à l’aspect technique et financier, et à la volonté du réalisateur de parler de la problématique du mariage dans sa ville natale. ‘’Je connais les maisons et les propriétaires. Je peux leur demander de me prêter une chambre ou de me laisser tourner dans une mosquée. Puisqu’on n’avait pas un grand budget, ça nous a permis d’économiser’’, explique le cinéaste.
Dans cette localité située au nord du Sénégal, en effet, des filles sont données en mariage dès leur bas âge, à leurs cousins, sacrifiant ainsi leurs études.
‘’Baamum Nafi’’ est une production 100 % sénégalaise. Ce film a été doublement récompensé au 72e festival de Locarno, en remportant le Léopard d'or du meilleur premier long-métrage et le Léopard d’or de la section Cinéaste du présent.
En collaboration avec le centre culturel Yennenga créé par Alain Gomis, Mamadou Dia compte projeter son film à Dakar et dans sa banlieue. Mais aussi dans les régions.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)