Un nouvel ordre mondial en gestation sans l’Europe
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Après la 61ème Conférence de Munich, dont le thème a porté sur la sécurité dans le monde, évènement majeur qui a vu ses rideaux levés ce dimanche 16 février 2025, les médias européens, ont, dans le cadre du traitement réservé à ce grand rendez-vous de la paix, mis l’accent sur le contenu du discours prononcé par le vice-président américain, J.D. Vance. « Le plus grand danger pour l’Europe n’émane ni de la Russie ni de la Chine, mais de l’intérieur » a-t-il déclaré le vendredi dernier. Reprochant ainsi au vieux continent de s’être détourné de certaines de ses valeurs les plus fondamentales. Des remontrances culturelles et politiques de Vance à l’endroit de Bruxelles, pour le moins inattendues, qui ont provoqué un séisme géopolitique et déclenché un véritable tsunami idéologique. Néanmoins, son discours aussi polémique soit-il, a le mérite d’entrer en droite ligne de la politique internationale du nouveau locataire de la Maison blanche, en l’occurrence le président Donald Trump.
L’initiative récemment prise par Trump, consistant à appeler directement Poutine, pour discuter du destin de l’Ukraine, sans consulter, ni associer les européens dans le processus de recherche de la paix, en dit long sur la nouvelle politique internationale en vogue dans les chaumières de Washington. Des éditorialistes, sans doute frappés par certaines similitudes dans les discours, n’ont pas hésité à assimiler la rencontre de Munich à celle de la conférence de Yalta. La première qui remonte à 1945, avait divisé l’Europe en deux sphères d’influence russe et américaine. Et le discours de J.D. Vance semble avoir le même effet que celui prononcé le 5 mars 1946 par le Premier ministre Britannique Winston Churchill, quand il avait, pour la première fois, évoqué « le rideau de fer » et provoqué la guerre froide entre l’URSS et l’Ouest. Les époques se succédant et ne se ressemblant pas, Vance, contrairement à Churchill, n’a pas opposé dans son allocution, Russes et américains. Il a plutôt déclenché une guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’Europe. Une situation inédite, qui renseigne éloquemment sur les fractions et les lignes de démarcation au sein de l’alliance transatlantique.
Jadis allié fidèle et incontournable des Etats-Unis d’Amérique, l’Europe est aujourd’hui isolée sur la scène politique internationale. Personne en Europe, n’est visiblement capable d’un sursaut d’orgueil, en rappelant quelques faits historiques, et en rabattant le caquet à ces nouveaux maîtres du monde, déterminés à imposer leur doctrine populiste, et leur vision politique messianique à la planète entière. Ils sont donc révolus les temps où les Etats-Unis garantissaient à l’Europe le respect des libertés et des droits, face à la menace du totalitarisme. Il faut noter qu’à l’instar de Trump, Vance est issue d’une Amérique isolationniste, qui considère le monde avec l’intérêt égoiste d’un épicier ou d’un ouvrier du bâtiment. Mais c’est aussi le signe que l’Europe est impuissante, démunie face à l’hégémonie politique sans partage des Etats-Unis d’Amérique, et à la puissance militaire de la Russie. Triste destin que celui qui frappe désormais les peuples européens, qui jusqu’à un passé récent, s’étaient pourtant arrogés le droit de « civiliser » l’humanité entière, en imposant leur culture à d’autres peuples, parfois au prix du sang.
Le vieux continent n’a plus voix au chapitre dans le concert des nations. Les pays qui le composent, ne sont donc plus les protagonistes des grandes puissances montantes, ni le théâtre du jeu de la mondialisation. Les chefs d’Etat et de gouvernement d’Europe ont beau s’insurger, rager vigoureusement contre les déclarations de Vance ou de Poutine, ils finiront tous par suivre le mouvement quoi que Trump puisse décider.
Par Eliasse Bassène