Les commerçants réclament la fin de l’anarchie
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Le marché central de Kaolack est habitué des incendies. Mais celui qui s’est déclaré samedi nuit, surpasse tous les autres, en termes d’intensité. Au point que le marché était fermé, hier, à tout le monde, pour des raisons de sécurité. Dans l’expectative, les commerçants réclament une réorganisation.
Un énième incendie s’est encore déclaré, dans la nuit du samedi, vers 2 h, au marché central de Kaolack. Les dégâts sont énormes. Tout le coin réservé à la friperie, aux poissons et quelques ateliers de tailleurs ont été carbonisés. Les sapeurs-pompiers ne sont venus à bout des flammes qu’après cinq heures de lutte acharnée. Il faisait 4 h du matin.
Hier matin, tristesse et désolation se lisaient sur les visages. D’autant que le marché est fermé par les forces de sécurité. Et de nombreux commerçants sont dans l’expectative. Chacun veut savoir si sa cantine a brûlé ou non. Regroupés en face du marché, chacun y est allé de son commentaire. L’indignation étant le sentiment le mieux partagé, supplantant la peur.
‘’C’est anormal ce qu’ils font. On pouvait nous laisser entrer pour au moins voir ce qui se passe à l’intérieur et constater les dégâts’’, lance un jeune commerçant au milieu de ses collègues. Les raisons de sécurité avancées sont difficiles à entendre. A ceux qui veulent, malgré tout, tenter leur chance pour essayer de savoir ce qu’il en est, un policier répond inlassablement : ‘’C’est une consigne que nous avons reçue. Nous ne pouvons que respecter les directives. Si on nous donne la possibilité de vous faire entrer, nous le ferons.’’
‘’Nous avons fait des prêts, nous voulons un accompagnement’’
Assises en groupes non loin de là, des femmes commentent les faits. Fatou Sy, vendeuse de friperie, est étreinte par l’appréhension, car elle venait de faire un prêt à la banque à la veille de la fête de Tabaski. Elle signale qu’elle fait partie des victimes. ‘’Nous sommes fatiguées, nous voulons que les autorités nous viennent en aide. Nous avons fait des prêts à coups de millions de F CFA. C’est dur et les gens disent que l’incendie a été provoqué par un court-circuit’’, se désole-t-elle.
Ces propos font écho à ceux du responsable des commerçants de friperie, Sidy Diakhaté. Il piaffe d’impatience d’entrer dans le marché. ‘’Nous avons investi des millions dans ce marché. On est là et on respecte les décisions. Mais ils auraient dû nous permettre de constater les dégâts, car nous sommes tous là pour le même objectif : sauver nos biens’’, lâche-t-il. Avant de dénoncer l’indiscipline qui règne dans ce marché. ‘’Nous avons essayé de sensibiliser les commerçants, en leur proposant de laisser les branchements anarchiques et s’abonner à Woyofal de la Senelec. Nous étions sur cette lancée. Certains ont adhéré, d’autres non’’, fulmine-t-il.
Ainsi, il dit ne pas être surpris par cet énième incendie. ‘’L’incendie a été causé par un court-circuit, à ce que je sache. Je ne suis pas surpris, car dans ce marché, beaucoup de commerçants font des branchements anarchiques. Ils le font entre eux. Ils ne font pas appel aux agents de la Senelec pour des branchements normaux’’, poursuit Sidy Diakhaté.
Pape, un autre jeune commerçant, est lui sûr d’avoir perdu sa marchandise et l’importante somme d’argent qu’il avait gardée dans sa cantine. Sa voisine, poursuit-il, est dans la même situation. A côté de lui, Maguette Ndiaye, petite de taille, dans son pantalon noir et son haut rose, fixe la porte d’entrée du marché. Elle ne cesse de passer des coups de fil. ‘’Je tiens un salon de pose cils et ongles. J’ai comme matériel des fauteuils neufs que j’ai commandés lors des fêtes, des miroirs et autres. Je ne pense pas que ma cantine ait échappé aux flammes. J’ai su l’incendie à 9. Oh mon Dieu !’’, lâche-t-elle désemparée. Comme les autres, elle attend un accompagnement des autorités.
‘’Le marché a besoin d’une réorganisation’’
Le vieux Nancy Seck est venu voir ses ex-collègues. ‘’J’ai travaillé dans ce marché pendant longtemps. Nous avons toujours déploré l’état du marché. Chaque année, on assiste à un ou plusieurs incendies. Il est temps que les autorités, les personnes de bonne volonté s’y mettent pour refaire le marché’’. Lui qui en a vu des incendies dans ce marché, reconnait que l’ampleur de celui-ci dépasse tous les autres.
Des propos corroborés par le commandant de brigade de la 31e compagnie d’incendie et de secours n°3. Martial Ndione explique que les sapeurs-pompiers ont éprouvé d’énormes difficultés pour maitriser le feu. ‘’Nous avons fait 20 km pour nous alimenter en eau à Lyndiane. Nous avons été renforcés par les sous-brigades de Gossas, Fatick, Kaffrine et Nioro. Il a fallu cinq heures pour maitriser le feu’’, dit-il.
Le préfet du département de Kaolack, Cheikh Ahmet Tidiane Thiaw, est venu s’enquérir de la situation. De même que le président de la Chambre de commerce de Kaolack, Serigne Mboup, à qui le délégué du marché central de Kaolack, Pape Fall, au nom de ses collègues, a demandé son appui. ‘’Le marché central de Kaolack a besoin de réorganisation’’, a répondu M. Mboup. Qui souhaite que les autorités, la mairie, la chambre de commerce et les commerçants se réunissent autour d’une table et trouvent une solution définitive.
Par contre, Serigne Mboup est contre la délocalisation du marché à Sing-Sing. Il souhaite qu’un site proche du marché accueille les commerçants, le temps de revoir les choses.
AIDA DIENE