‘’Des actes ont été posés par les juridictions américaines dans l’affaire Petrotim’’
Glecore, Petrotim, absence de réhabilitation des sites miniers, déficit de transparence, le coordonnateur de la Section sénégalaise de Transparency International, Birahime Seck, est revenu sur les silences de nature à jeter le discrédit sur l’ITIE qu’il a présenté comme une agence de communication à la disposition des compagnies. Il est revenu sur les limites de la norme ITIE. C’était hier, à l’occasion d’un panel organisé à Diamniadio, en marge de la Conférence ITIE, par le Forum civil, en partenariat avec la Coalition pour le dialogue sur l’Afrique.
Vous avez eu à interpeller les avocats africains dans le cadre de la lutte contre les flux financiers illicites. Qu’attendez-vous concrètement de ces derniers?
Nous avons interpellé l’Association panafricaine des avocats, pour les appeler à plus d’actions et moins de réactions. Les communautés africaines ont besoin d’agir et pour agir, elles ont besoin de comprendre. C’est la raison pour laquelle l’affaire Glencore est un prétexte pour que les organisations de la société civile et les médias au niveau du continent continuent à inciter les multinationales à développer des mécanismes de conformité, au lieu de courir derrière des réparations, parfois dans des contentieux longs et couteux. Il s’agira d’anticiper pour que les entreprises soient assujetties à des normes de prévention contre la corruption, non seulement en leur sein, mais aussi dans leurs relations avec les États, les OSC et les institutions internationales. C’est la raison pour laquelle nous avons fait ce plaidoyer pour amener les avocats à mieux prendre en charge cette problématique qui tient à cœur les communautés.
Quel regard jetez-vous sur la gouvernance des ressources extractives au Sénégal ?
Aujourd’hui, on nous dit que l’ITIE a une note de 93/100. C’est une bonne note, mais si l’on regarde la réalité sur le terrain, les communautés ne profitent pas des ressources. Bien au contraire, elles subissent cette exploitation avec notamment les agressions sur leur environnement. Aussi, nous assistons à un rétrécissement de l’espace civique et à un recul de l’État de droit. Je pense que ce sont des questions qu’il faut également adresser.
Rappelez-vous, nous avons également connu l’affaire Petrotim qui n’a pas connu son épilogue. À la suite du non-lieu qui a été rendu par la justice sénégalaise, Transparency International, avec le Forum civil qui le représente au Sénégal, avait initié des actions au niveau de certaines juridictions en Angleterre et aux États-Unis. Aujourd’hui, je peux vous dire qu’il y a des actions posées par les juridictions américaines. Bientôt, nous allons communiquer sur cette affaire. C’est le moment pour nous de saluer le travail de certains avocats comme le doyen Akere Muna, qui a fait un travail remarquable dans le cadre de l’affaire Glencore. Voilà aussi ce que nous attendons des avocats, être plus dans l’action, moins dans la réaction. Nous attendons la même posture de la part des journalistes et des organisations de la société civile.
Vous l’avez dit, il y a eu l’affaire Petrotim au Sénégal, Glencore dans certains pays en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Est-ce que ces problèmes sont correctement pris en charge par l’ITIE ?
D’abord, vous me permettrez de souligner que Glencore est un des sponsors de l’ITIE. Le constat est que depuis que le scandale a éclaté, nous n’avons pas entendu l’ITIE prendre position. Cela a été pour nous une surprise. Aussi, notre conviction est que le problème principal de l’Afrique est d’abord et avant tout les flux financiers illicites, la corruption, la criminalité dans les transactions dans le domaine des industries extractives, les prix de transfert… C’est la raison pour laquelle nous avons voulu reposer le débat dans un contexte où l’organisation organise pour la première fois en Afrique une conférence internationale. C’est vrai, ceci est une thématique internationale importante et l’Afrique ne peut être en reste. Mais il ne faut pas perdre de vue que le continent a également ses priorités, comme je viens de les rappeler. J’ajouterai également le déficit de transparence. On nous parle souvent de la publication des contrats. Certes, les contrats stratégiques entre l’État et les compagnies, sont publiés, mais qu’en est-il des contrats avec les sous-traitants ? Généralement, ils ne sont pas publiés. Il y a donc un déficit de transparence.
De plus, le Cospetrogaz qui est logé à la présidence ne rend pas publics ses rapports, s’il en existe. Voilà des questions qu’on a aussi voulu reposer sur la table, au lieu de ne parler que de la transition énergétique.
Le Sénégal est souvent crédité de bonnes notes, au moment où, comme vous l’avez souligné, les communautés continuent de souffrir. Qu’est-ce qui explique ce paradoxe ? N’y a-t-il pas là un problème d’adéquation entre les critères d’évaluation et les préoccupations des communautés ?
C’est juste que les Africains n’aient pas beaucoup pesé sur les normes de l’ITIE. Les Africains n’ont pas beaucoup pesé sur l’identification et la définition des normes ITIE. En réalité, nous, notre préoccupation, au-delà de la question de la transparence à travers la publication des données, c’est de travailler à la réparation des dommages causés par les entreprises aux communautés. Allez-y dans les sites miniers, les populations souffrent de l’exploitation des mines par les entreprises. Est-ce que l’ITIE se préoccupe de cette mauvaise exploitation ? Est-ce que l’ITIE se préoccupe de l’externalité négative dans ces zones ? Qu’en est-il du fonds de réhabilitation des sites miniers ? Depuis des années que ce fonds a été créé, est-ce qu’on ne devrait pas aller sur le terrain, regarder s’il y a une réhabilitation ? Ce devrait être une priorité de l’ITIE. Idem pour la disponibilité des ressources qui doivent revenir aux populations.
Aujourd’hui, il y a le Fonds de péréquation qui n’est pas opérationnel. Le Fonds d’appui au développement local, on n’en sait pas grand-chose. C’est énormément de questions qui ne sont pas correctement prises en charge. Pourtant, les fonds qui intéressent l’État sont correctement alimentés. Il en est ainsi du Fonds d’intervention des agents du ministère, du Fonds d’appui au secteur minier. Cela veut dire simplement que les entreprises exploitent, l’État profite et les populations trinquent. Voilà les questions que l’ITIE devrait prendre en compte. En ce moment-là, on comprendra que l’ITIE est là pour les populations. Sans cela, nous réitérons ce que nous avions dit : l’ITIE est une agence de communication des compagnies.
Mor Amar