Les éleveurs haussent le ton
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Des violences récurrentes sont notées entre éleveurs et agriculteurs, dans la région de Kaffrine. Et pour cause ! Les deux communautés ne partagent pas les mêmes avis au sujet des parcours du bétail. Des blessés sont dénombrés dans les deux camps et parfois même des morts. En six mois seulement, cinq éleveurs ont trouvé la mort dans des bagarres.
Dans la zone de Kaffrine, les tensions qui sévissent entre éleveurs et agriculteurs sont l’un des fléaux les plus redoutés. Des bagarres répétées et violentes éclatent entre ces deux communautés qui partagent les mêmes terres. À l’origine des querelles, les paysans accusent leurs voisins bergers de laisser leurs troupeaux pâturer dans les champs, détruisant tout sur leur passage, alors que pour les propriétaires de troupeaux, la vérité est tout autre.
En effet, selon les éleveurs, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui ne supportent pas leurs bêtes, les dévient de leurs parcours, les empêchant de brouter. Ce sont ces positions antagonistes qui créent des frictions. Des heurts sont régulièrement notés entre ces deux groupes qui font recours à l’arme blanche pour régler leurs comptes. Des blessés et souvent des morts sont enregistrés, malgré l’implication des gendarmes dans le processus de réconciliation et de cohabitation pacifique des deux parties.
C'est pour mettre un terme à ces violences que l’association Hoderé Aynabé (l'Étoile des bergers) a tenu une conférence de presse à Kaffrine, à la place de la marche pacifique interdite par l’autorité préfectorale.
Selon Aliou Sow, le secrétaire général ‘’l’objectif de cette marche était d’alerter sur ces scènes de violences qui causent d’énormes dégâts. En six mois, cinq éleveurs ont perdu la vie dans des bagarres. Ce que est anormal dans un pays régi par des lois’’. Et la marche devrait contribuer à l’apaisement des tensions entre les deux camps. Qu’à cela ne tienne, les éleveurs ont haussé le ton pour condamner l'attitude du préfet et, dans la foulée, déplorer les morts enregistrés au sein de leur communauté.
Ils ont ainsi décidé de boycotter la Journée nationale de l’élevage prévue le 22 février, si le préfet ne revient pas sur sa décision.
Abordant la série de violences, le SG de l’association des éleveurs a plaidé pour l’application du code pastoral dont les décrets d'application n'ont toujours pas été signés. Pour M. Sow, ce code est le seul moyen pour résoudre les conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs.
‘’Six morts enregistrées dans les rangs des agriculteurs’’
Mais Aliou Diaw, le président du Réseau national des coopératives de producteurs d’arachides (RNCPA), prend le contrepied des allégations des éleveurs. Pour lui, les agriculteurs paient le plus lourd tribut de ces accrochages. "Six agriculteurs ont été tués lors des altercations avec des bergers", souligne-t-il. Tous ces paysans ont été tués dans leurs propres champs à Koungheul, à Malem Hodar, à Kaffrine et à Mbirkilane". De 2021 à 2024, des agriculteurs sont massacrés par des bergers qui ont à peine 20 ans". Et ce qu’il trouve déplorable, c'est la légèreté des peines infligées aux auteurs des meurtres qui, ‘’au bout de deux ans, recouvrent la liberté’’.
Ainsi, M. Diaw invite les autorités à plus de rigueur, dans la lutte contre ce phénomène. Il appelle à corser les peins pour dissuader les récidives. Il préconise aussi l’implication de la société civile pour mener une campagne de sensibilisation pour minorer les tensions entre éleveurs et agriculteurs.
Le manque de volonté politique indexé
D’autres solutions sont préconisées par El Hadj Babou Dieng, président de la Coopérative des producteurs d’arachides de Ndiognik, affiliée au Réseau national de producteurs d'arachides. Sa conviction est que résoudre ces difficultés entre les deux communautés ne devrait pas nécessiter autant de temps et d'énergie. Il suffit, selon ses explications, "d'appliquer les dispositions du code pastoral, notamment la délimitation avec des jalons et l'élargissement de 100 m des parcours du bétail’’. Ce qui va permettre de contenir les troupeaux, les empêchant de transformer les champs en pâturage.
Il ajoute que l’aménagement de la forêt classée qui se situe entre le Saloum et la zone Nord (entre Koumpentoum et Koungheul, 50 km 2) sera d'une grande utilité, si l’on veut éviter les problèmes. Ces espaces verts bien garnis en herbes, dit-il, une fois que les autorités y installent des abreuvoirs, vont contenir les troupeaux, parce qu’à partir du mois d'octobre, les points d’eau tarissent.
Ainsi, avec ces aménagements, le bétail y sera cantonné jusqu'à au début du mois de janvier, coïncidant avec la fin des récoltes. Cette proposition a été, selon lui, introduite lors d’une récente réunion au niveau du Conseil départemental de Kaffrine, portant sur le code pastoral.
Rappelons que par la loi n°2023-19 du 27 décembre 2023 portant code pastoral, le Sénégal s’est doté d’un texte qui constitue une vieille doléance pour tous les acteurs du secteur. Un code qui renforce le décret n°80-268 du 10 mars 1980 portant organisation des parcours du bétail et fixant les conditions d’utilisation du pâturage.
ALIOUNE BADARA DIALLO KANE