Cette touche féminine, si bienvenue...
Alors que la campagne électorale touche à sa fin, retour sur l’implication des femmes et le regain d’intérêt qu’elles portent à un exercice historiquement macho.
La parité leur offre-t-elle le rééquilibrage qu’elles cherchent tant à imposer à la masculinité du paysage politique sénégalais ? La période de dépôt des parrainages a déjà donné une esquisse de réponse, lorsqu’en voulant éviter d’investir des femmes, beaucoup de listes se sont sabordées elles-mêmes. Bien fait !, diraient les femmes aux leaders dont les calculs machistes se sont retournés contre eux.
Maintenant que la campagne électorale des élections législatives du 31 juillet 2022 bat son plein, plusieurs leaders féminins montrent qu’elles n’ont pas grand-chose à envier aux hommes et apportent une touche remarquée à une campagne qui en avait bien besoin.
Une parmi tant d’autres est la tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar dans le département de Ziguinchor. Depuis hier, Victorine Ndèye symbolise une nouvelle approche dans la campagne électorale. Chose qu’elle partage avec son principal rival Guy Marius Sagna, candidat de la coalition opposante Yewwi Askan Wi de la même localité. Les deux ont partagé le plateau d’un média local pour débattre sur les programmes respectifs de leurs formations politiques et leurs ambitions pour le département de Ziguinchor. Un exercice assez rare dans le paysage politique, en période de campagne, pour être magnifié par beaucoup de Sénégalais. Mais surtout, pratiqué dans une atmosphère d’adversité qui a laissé derrière elle la violence, l’insolence, la violence et tous les maux décriés, depuis le début de la campagne électorale.
Victorine Ndèye ose le débat devant Guy Marius Sagna
Entre la mairesse de Niaguis et un des plus fervents opposants au pouvoir, le débat d’idées a été fécond. Rien qu’en se présentant comme le candidat idéal pour porter à l’hémicycle les besoins des Ziguinchorois, chacun s’est démarqué. Pour Victorine Ndèye : ‘’Je connais le rôle d’une Assemblée nationale. J’ai déjà assisté à des sessions budgétaires. J’ai travaillé dans le bureau Opération du suivi du Plan Sénégal émergent (PSE). Assez pour me faire une petite expérience des politiques publiques exécutées au Sénégal. Le rôle d’un député sera de demander à chaque ministre, lors de leur passage en session budgétaire, ce que leur politique réserve au département de Ziguinchor. Nos vallées agricoles qui attendent des aménagements. La défense de toutes les politiques de développement que je défends à Niaguis et qui font que cette localité est connue maintenant partout au Sénégal, c’est ce que je compte reproduire pour Ziguinchor, une fois à l’Assemblée nationale.’’
L’activiste a été plus agressif dans sa logique d’étaler les raisons qui devraient pousser ses compatriotes à voter pour lui dimanche prochain. ‘’De tous les candidats, y compris celle qui me fait face, je suis le seul que les populations de Ziguinchor appellent lorsque leurs terres sont spoliées ou qu’elles sont victimes d’injustice. Et c’est le travail d’un député. L’Assemblée nationale a pour vocation de voter des lois, de contrôler l’action du gouvernement et de représenter les populations. Sur ce dernier point, au-delà de Ziguinchor même, personne n’a été plus appelé que moi pour assister les Sénégalais, chaque fois que leurs droits ont été bafoués. Je suis sûr que mon adversaire est une bonne personne, mais les difficultés que vivent les populations de Ziguinchor sont de la responsabilité des personnes avec qui elle travaille’’, assure Guy Marius Sagna.
Mimi Touré, comme on ne l’avait jamais vue…
Si chacun se fait son opinion de qui a gagné ce débat, l’important aura été de constater que nos acteurs politiques peuvent discuter en toute sérénité et sans animosité. Et l’implication des femmes au premier plan de cette campagne électorale y joue un grand rôle.
D’ailleurs, cette idée de débat aurait pu opposer deux autres personnalités des mêmes formations politiques avec des responsabilités plus importantes. Il s’agit du leader de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko et de la tête de liste nationale de la coalition au pouvoir, Aminata Touré.
S’il n’est peut-être pas trop tard pour assister à ce débat, l’ex-ministre de la Justice mène tambour battant sa campagne électorale pour obtenir une nouvelle majorité législative pour le président de la République. Depuis le 10 juillet dernier, Mimi Touré fait le tour du Sénégal et affiche un visage que l’on ne lui connaissait pas forcément. Légère, joyeuse, festive, accessible, elle apporte un vrai cachet populaire à la campagne de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Faisant même débat tantôt sur les réseaux sociaux, suite à ses pas de danse. Mimi, selon ce spécialiste de la politique sénégalaise, ‘’a su emmener la coalition Benno Bokk Yaakaar à un niveau qu’aucun homme n’aurait pu atteindre. C’est un très bon choix de l’avoir placée tête de liste nationale’’.
Débutant par des visites chez les chefs religieux, les caravanes et les visites de proximité rythment le quotidien de la seule femme tête de liste nationale des huit coalitions en compétition. Les réalisations du président de la République leur sont exposées. Entre le TER, le BRT en cours, les routes, les programmes sociaux, rien n’est de trop pour garder la majorité Benno Bokk Yaakaar à l’Assemblée nationale.
Toutefois, l’enjeu est de taille pour l’ex-Première ministre qui, avec de telles responsabilités, avait déjà été lourdement battue en 2014, alors qu’elle briguait la mairie de Grand-Yoff. Elle avait été sanctionnée alors par le président de la République, par son limogeage du gouvernement.
Maïmouna Bousso, la belle attraction de Yewwi
Certaines qui pourraient lui valoir de tels déboires sont les lionnes de l’intercoalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal Aïda Mbodj et Maïmouna Bousso. Si la première nommée n’est plus à présenter dans le paysage politique sénégalais (députée sortante, ex-mairesse de Bambey, etc.) la présidente du mouvement Forces citoyennes apporte une véritable touche féminine à la campagne de la coalition Yewwi Askan Wi. À l’image de beaucoup de leaders présentement sur le terrain, elle n’est pas candidate. Mais son expérience aux côtés de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade n’est certainement pas de trop. D’autant plus que l’ex-mannequin n’a pas que la plastique bien faite.
Ses interventions témoignent de son parcours politique et de sa maîtrise dans ce domaine encore très macho. En atteste, lorsqu’elle remet à sa place le Dr Babacar Diop, après l’incident de la coalition Yewwi Askan Wi pour lequel il avait déposé plainte avant de la retirer : ‘’Tout le monde est au même niveau au sein de notre coalition. Que ce soit les fondateurs et les derniers arrivés. Nous travaillons tous pour répondre à une demande sociale. Que chacun mesure tout acte qu’il pose, parce qu’il le fait au peuple sénégalais.’’
À l’image de beaucoup d’autres, la mise au-devant de la scène politique des femmes montre qu’au-delà de l’adversité, le débat d’idées et l’exhibition des programmes sont plus intéressants que les invectives et la violence entre différents adversaires politiques. Car une chose est sûre avec les femmes : à la fin, les hommes rentrent toujours à la maison.
Lamine Diouf