Publié le 12 Feb 2025 - 16:23
La fin des présidents-gouverneurs du Sénéga

Pourquoi refondre totalement et rapidement le système éducatif ?

 

Si la science, devant laquelle je suis habitué à m´incliner, me dévoile enfin le mot cabalistique ou le fil caché qu´il faut avoir pour forcer la nature à parler, alors même que ma conviction devrait faire place aux pénibles désillusions, j´écouterai, déconcerté mais résigné. Mais, si malgré la meilleure volonté, il est impossible de pénétrer ces arcanes  de l´anthropologie ; si, telle qu´une courtisane capricieuse, elle a caché toutes ses faveurs, pour en faire comme une auréole autour du front illuminé des Morton, des Renan, des Broca, des Carus, des de Quatrefages, des Büchner, des de Gobineau, toute la phalange fière et orgueilleuse qui proclame que l´homme noir est destiné à servir de marchepied à la  puissance de l´homme blanc, j´aurai droit de lui dire, à cette anthropologie mensongère : « Non, tu n´es pas une science ! » Anténor Firmin (2003, 139).

  Le grand intellectuel haïtien Anténor Firmin a publié en 1885 à Paris l´un de la nouvelle historiographie africaine de ses plus marquants livres : De l´égalité des races humaines (Anthropologie positive). Tout au long de sa réflexion, Firmin pointe analytiquement les dangers de l´usage ethnico-racial de la science. Les camps de concentration de la Seconde Guerre Mondiale lui donnèrent raison. Pourtant, ce livre a été publié cinquante-cinq ans (55) ans avant le début de la guerre. Les effets néfastes de la croyance pseudo-scientifique scientifisée de l´existence des races et leurs hiérarchisations faisant du Blanc l´unique être humain, sont les piliers de l´insanité socio-politique de plusieurs états-nations dans le monde. Le non blanc et, surtout, la personne noire ne pèse presque rien. Mais comment l´humanité est-elle arrivée à ce stade d’ignorance si déshumanisante ? Est-il possible appréhender scientifiquement les  mouvements d´extrême droite actuels en Europe et dans les Amériques sans prendre en compte ces croyances et l´utilisation malsaine de ces sciences ?

Avec la révolution industrielle, les sciences ont pris le pas sur la religion chrétienne. Les sciences sociales et humaines qui se formaient et se consolidaient,  étaient utilisées pour créer, tester et utiliser des concepts, des théories racistes… pour prouver « scientifiquement » la non- humanité des non-blancs et non-blanches et la supériorité divine et sacrée des blanc-h-e-s. Mais en même temps, elles ont servi à faire de l´Europe Occidentale le berceau divinisé de la rationalité, de la spiritualité, de la culture, de l´esthétique, des droits de l´homme, de l´éthique, de la moralité de la beauté physique… en résumé la région de la perfection divine.  Ces sciences ont été créées et utilisées pour seulement confirmer et légitimer que la personne blanche chrétienne était et continue d´être la matérialisation et la représentation de la Sainte  Famille sur terre : Joseph, La Vierge Marie et le fils Jésus sont tous blancs sur les photos que nous collons  orgueilleusement dans nos salons ou dans les chambres à coucher. Ne sommes-nous pas amenés à imaginer aussi que Dieu pourrait être un blanc ?

Pendant des décennies, des intellectuels/les et des universitaires originaires des (ex)colonies ont été formé-e-s dans les universités métropolitaines pour n´être que des reproducteurs/trices de ces genres de sciences. Au lieu que le système éducationnel de ces pays  soit libérateur, il a été au contraire un brutal, sophistiqué et invisible moyen d´enchainement psychologique, émotionnel, culturel, linguistique, spirituel, social, humain et psychique. Tout-e étudiant-e en  sciences sociales en Afrique a étudié les écrits de Gobineau. Mais paradoxalement, difficilement le nom d´Anténor Firmin qui devrait être un des classiques sur ce continent n´est jamais mentionné. Pourquoi est-il encore si méconnu, même aujourd’hui ? La formation en sciences sociales et humaines inter-générationnelles ne vise qu’à former des maillons de la séculaire chaîne d’auto-esclavagisé-e-s souffrant de complexe d´infériorité. Dès lors,  comment ne pas croire aux vérités « scientifiques » transmises aux élèves, aux étudiant-e-s par l´Ange-professeur ou le Professeur-ange ?  Le succès des luttes pour un Sénégal souverain ne passerait que par la synergie du triptyque : universitaires, autorités religieuses chrétiennes et musulmanes pour lancer les bases du processus douloureux et complexe de désintoxication.

 

  1. Au sénégal, très tôt la famille chrétienne formate l´enfant à croire et intérioriser que ce sont les Français qui ont apporté le Christ et la religion. De ce fait, tout-e catholique sénégalais-e est convaincu-e d’être inférieur-e à n´importe quel-le personne blanche pratiquante de la même religion.

Or, il se trouve que c´est en Egypte Pharaonique que les pratiques monothéistes ont commencé avec Akhénaton. C´est à un égyptien/africain que Dieu a transmis les Dix Commandements : Moise dont la femme était éthiopienne (Zipora). La Bible a eu comme référence « Le Livre des Morts ». Ce dernier a été traduit en grec par les chrétiens coptes égyptiens et de cette langue au Latin par le groupe de Tertullien à Carthage. C´est cette bible latinisée par les chrétiens africains qui a été introduite en Europe via le Monde Ibérique. C´est à partir de ce moment que ces deux langues sont devenues sacrées, parce qu’utilisées pour transmettre et propager la parole de Dieu. Il est important de mentionner que les premiers martyrs chrétien-ne-s tué-e-s par les romains non encore convertis au christianisme à Carthage au troisième siècle étaient des africain-e-s : Revocatus, Felicitas, Vibia, Perpetua, Saturninus, Secundulus et Saturus sans compter saint Maurice dont beaucoup de sénégalais catholiques portent ce prénom. Alors qui a évangélisé qui ? Tant que le/la sénégalais-e chrétien-ne continue de croire que c’est le blanc français qui l’a civilisé-e chrétiennement, notre nouveau Sénégal n’atteindra pas sa souveraineté. Il faudra au niveau des séminaires entreprendre une profonde et une vaste reformulation des programmes pour que les futurs prêtres et les religieuses ne soient plus jamais des maillons d´une séculaire chaîne d´esclavagisation psychique, psychologique, spirituelle… Durant les septs premiers siècles du cristianisme l´Afrique avait plus d´évêques que l´Occident chrétien. Tant qu´on voudra être des un-e chrétien-nes français-es nous ne pourrons jamais prendre notre destin spirituel, politique, culturel, technique, technologique, artistique, philosophique… en main.  

  1. Au Sénégal, très tôt la famille musulmane formate aussi l´enfant pour qu´il croit et intériorise que ce sont les Arabes qui ont apporté l´Islam. De ce fait, tout/e musulman-e est convaincu-e psychologiquement, culturellement et spirituellement inférieur-e à n´importe quelle personne arabe ou musulmane ayant la peau plus claire et parlant arabe. Il se trouve qu´au IXème siècle, l´érudit afro arabe Al-Jahiz (776-869) avait déjà publié une réflexion sur la thématique intitulée : Le noir, la couleur officielle des Abbassides.

Or, la mère de Ismaël, épouse d’Abraham, son père, qui est hébreu, est égyptienne. Il se trouve que le prophète Mohammad (PSL) et sa lignée se réclame d’être de la même lignée divine qu´Ismaël dont la mère et la femme sont égyptiennes. Il est important de rappeler que lors de son dernier serment, le Prophète (PSL) a dit que l´arabe n´est pas meilleur que le noir et vice versa. Ainsi comme le rappelle la sourate 49 v 13 sur la hiérarchisation : « le meilleur d´entre vous est le plus pieux ».  Quelle conclusion tirer ? L’Islam est une religion de matrice africaine comme l´est le Judaïsme et le Christianisme. Pourquoi les historien-ne-s, les spécialistes de l´histoire des cartes géographiques des religions monothéistes et les grands érudits disent-ils que l´Islam a été introduit à partir du VIIème siècle en Afrique du nord et entre le VIIIème et IXème siècle en Afrique Occidentale ?

Autre perspective paradigmatique montrant et prouvant que l´Islam était en Afrique avant même n’importe quel pays dit arabe de nos jours est, l´exil conseillé par le prophète (PSL), à ses proches disciples d´aller se réfugier en Éthiopie à la cinquième année de l´existence de la troisième religion monothéiste. Si on part analytiquement de ce fait, l´Islam est aussi arrivé en Afrique du vivant du Prophète. Pourquoi nos professeurs ne nous le disent pas et laissent  croire que l´Islam a été introduit par les arabes en Afrique si c´est une religion de matrices africaines ?

  1. Pour devenir la république du Sénégal depuis mars de 2024, beaucoup de sénégalais-e-s ont perdu la vie, la famille, le travail, une partie du corps. Certain-e-s ne seront jamais guéris des traumatismes. Nos brillant-e-s professeurs-chercheurs des sciences sociales et humaines devraient puiser du fond d´eux du courage jamais imaginé pour une profonde reformulation du système éducatif. Pour les professeurs, ce travail sera beaucoup plus exigeant aux plans émotionnels, culturels, académiques, psychologiques… parce que la personne va devoir inaugurer de douloureux et complexes processus d´auto- désintoxication académique. Comment une université qui porte le nom de Cheikh Anta Diop, a devant la faculté de médecine le portrait de Hippocrate comme étant le père de la médecine et non celui d´Imotepe ? Le jour de la soutenance, le nouveau et la nouvelle médecin doit, avec ses professeurs, réciter avec fierté d´esclavagisé-e inconscient-e le Serment du Père de la médicine : Hippocrate. Pourtant la  médicine est née en Egypte Pharaonique. Les grecs y allaient pour parfaire les études dans plusieurs domaines : philosophie, géométrie, astronomie, mathématique, médecine, littérature, droit, etc …

C´est ce nouveau système éducatif éducatif qui sera le plus solide et la plus sûre base d´appui pour inaugurer la lutte pour nous débarrasser de nos complexes d´infériorité ; d´être capables d´allier les pratiques spirituelles de nos sociétés avec celles dites des religions monothéistes. Sans cela, nous ne pourrons jamais créer nos propres chemins pour nos développements humains, académiques innovateurs, scientifiques, industriels, capitalistes, médicaux, sanitaires… Notre Sénégal souverain ne sera possible qu´après le total changement de mentalités, d´actes, de gestes, de langage, d´attitudes, d´esthétiques, de comportements … de complexé-e-s et d´assimilé-s-s. Il est important de mentionner que cette réflexion se trouve dans Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop.  

L´usage de l´aliénation culturelle comme arme de domination est vieux comme le monde. ; chaque fois qu´un peuple en a conquis un autre, il l´a utilisée. Il est édifiant de souligner que ce sont les descendants des Gaulois contre qui César s´était servi de cette arme, qui aujourd´hui, l´emploient contre nous. (Cheikh Anta Diop, 2003, 14).  

Les preuves de nos différentes formes d´aliénations se matérialisent dans nos incapacités de donner des cours sur l´Egypte Pharaonique comme le berceau de la philosophie, de l´architecture, de la géométrie, de la médicine, de l´Etat et des religions monothéistes… Comme aussi c´est à un africain que Dieu a transmis les Dix Commandements. C´est ce même Moise qui a transmis aux hébreux ses propres pratiques monothéistes mais aussi la circoncision qu´ils méconnaissaient.

Nous sommes des grand-e-s spécialistes des trafics et des esclavages pour les Amériques mais incapables de traiter scientifiquement les traites et les esclavages des français, des portugais, des espagnols, des italiens et des anglais par les africains pendant presque dix siècles. La colonisation territoriale de l´Algérie par la France en 1830 avait comme acte principal la lutte contre l´esclavage des blancs par les africains du nord. Il faudra que les penseurs tels que Anténor, Firmin, Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga… fassent parte du système éducatif sénégalais. De même, les autorités religieuses et gouvernementales doivent approfondir et intégrer le système de formation religieux le plus approprié pour le bien-être de la nation.  

Alain Pascal Kaly

Dr. en sociologie. Prof. associé au Département d’Histoire de

da Universidade Federal do Rio de Janeiro – UFRRJ.

Section: 
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