Publié le 10 Jul 2024 - 14:08
LA PONCTUALITÉ AU SÉNÉGAL

Un défi quotidien

 

Dans la société actuelle, le respect des horaires est souvent perçu comme une marque de professionnalisme et de respect mutuel. Pourtant, il est de plus en plus courant de constater des retards ou des décalages dans le programme prévu. Qu'il s’agisse de conférences, de rencontres professionnelles ou même de séminaires, les retards sont devenus une norme frustrante. Ce phénomène, bien qu'apparaissant anodin pour certains, peut avoir des répercussions significatives sur le déroulement et la perception de l'événement.

 

L’importance du respect des horaires, les défis rencontrés et les stratégies mises en place pour assurer une ponctualité exemplaire sont à explorer, car cet élément joue un rôle crucial dans la réussite de divers événements.

Lors du lancement d’une formation pour les artistes visuels à Dakar, dans une galerie, l'importance du respect des horaires a immédiatement été visible. Le démarrage de l’atelier de formation est prévu pour 9 h 30. À notre arrivée aux environs de 9 h, la salle était déjà aménagée et quelques journalistes étaient déjà présents.

À l'entrée, les participants étaient accueillis par un planning détaillé et précis. Documents et badges en main, Ousmane Sall, l’un des organisateurs de l’événement, explique : "Nous croyons fermement que le respect des horaires reflète notre professionnalisme et notre respect pour les participants. Il y en a qui viennent de Ziguinchor, de Kaolack, de Kaffrine ; vous vous imaginez ? Ils sont là depuis 8 h. Ça veut dire qu’ils ont pris toutes les dispositions pour être à l’heure. On se doit donc de tout apprêter assez tôt."

Selon lui, les horaires bien définis permettent aux participants de planifier leur journée efficacement, d'assister aux sessions qui les intéressent et de maximiser les opportunités. "Chaque minute compte dans un événement de cette envergure," ajoute-t-il. "Respecter les horaires permet de tirer le meilleur parti de chaque moment".

Non loin de lui, la journaliste Alma, micro en main, en mode "test, un, deux, un, deux", pas très loin de sa caméra, souligne que les retards fréquents des autorités sortantes avaient des effets négatifs sur la motivation des professionnels des médias. "Avec l’ancien gouvernement, c’était incroyable. Chaque fois qu'ils nous donnaient un rendez-vous à 9 h, ils se pointaient à 11 h, midi, voire plus. Cela impactait mon travail, parce que le fait d'attendre te décourage", poursuit-elle.

Elle met l’accent sur la productivité de son travail. "En fait, s’ils commencent à l’heure, moi, en tant que journaliste, je pourrais faire un bon papier ou même deux, pourquoi pas ? Mais malheureusement, ils commençaient avec énormément de retard et au lieu de faire un papier de 5 000 signes, tu te retrouves à faire un compte rendu de 3 000 signes. De plus, ça te prend toute ta journée", peste-t-elle.

Le nouveau régime pour le moment ponctuel

Néanmoins, Alma se réjouit du respect chronologique de cette formation : "C’est mieux de venir et de trouver que cela a déjà commencé. Vous voyez, actuellement, la mise en place est déjà au point et les participants sont déjà installés. Ça prouve qu’il y a un minimum de respect et de considération pour toutes les personnes présentes ici."

Elle félicite par la même occasion le nouveau gouvernement qui, selon elle, semble rigoureux dans le respect des horaires : "Depuis qu'il est là, j'ai couvert trois ministres dans leurs activités et à chaque rencontre, ça commence à l’heure. Je ne sais pas s’ils vont changer ou pas, mais pour le moment, ils sont ponctuels."

Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.

En effet, le respect des horaires est presque devenu une exception dans ce pays. Dernièrement, lors d'une conférence de presse tenue au Grand Théâtre de Dakar, les organisateurs en ont vu de toutes les couleurs. Lançant des appels téléphoniques toutes les cinq minutes : "Allô ? Vous êtes à quel niveau ?", l’un des organisateurs a peiné pour coordonner l’événement. Même agitation chez d’autres personnes présentes dans la salle. Elles n’ont de cesse de faire des allers-retours pour voir si les autorités attendues étaient arrivées.

Fatou, faisant partie de l’équipe d'organisation, montrait des signes d'agitation. Elle s’adossait au mur, se retirait ; on la voyait trépigner. Elle secouait la tête comme pour dire : ce n’est pas possible !

En effet, elle semblait fort agacée et changeait fréquemment de position. "C’est intolérable !", s’exclamait-elle. "Nous étions censés commencer à 10 h et il est presque 13 h. Toute la presse et les techniciens sont là. C’est vraiment déplorable. Ça nous fait perdre du temps. Comment peut-on ne pas adopter la culture de la ponctualité dans ce pays ?", fulminait-elle.

Finalement, un des membres de l’organisation se présenta devant le public, pour essayer d’expliquer le retard : "Avant toute chose, nous tenons à nous excuser pour le retard. C’est dû à des raisons professionnelles." Expliquant que c’est indépendant de leur volonté : "Nous avons dû faire face à plusieurs imprévus. Non seulement il y avait des problèmes techniques, mais apparemment, il y a des embouteillages énormes, selon ce qu’on nous dit. Cela a retardé le début de cette conférence et perturbé notre planning. Mais nous commençons dans cinq minutes." Il termina en remerciant le public pour sa compréhension.

À l’occasion, nous avions rencontré divers professionnels pour recueillir leurs témoignages.

Les retards peuvent entraîner des perturbations significatives pour les personnes ayant un emploi du temps chargé et peuvent même entraîner un manque de crédibilité. Christian Mba, un consultant en gestion de projet, explique : "Lorsqu'une réunion commence en retard, tout notre planning de la journée est affecté. Je me souviens qu’un jour, j’avais un entretien et juste après, je devais avoir une obligation familiale. L’entretien était prévu pour 10 h. Sans aucun respect, les personnes qui étaient censées me faire passer l’entretien sont venues à 12 h. Et le pire, c’est que je n’ai même pas passé cet entretien à cette heure-là. À un moment, j’ai douté de la crédibilité de cette entreprise. Et en plus, je n’ai pas pu respecter l’engagement que j’avais envers ma famille ce jour-là."

Pour lui, un autre aspect crucial est le fait qu’il n’y ait pas de sanction pour ces personnes. "On doit sévir depuis la tête. On doit se faire violence pour être ponctuel, peu importe l’événement", a-t-il préconisé.

D'un autre côté, le secrétaire général de l’Association des élèves et étudiants gabonais au Sénégal, Fortune Seh-Ba, parle du nombre de fois insoutenables où il s’est retrouvé dans cette situation, étant donné la fonction qu’il occupe. "J’en ai subi et j’en ai occasionné également. C’est souvent la phase où il faut attendre l’arrivée des officiels qui cause problème. Parfois, l’organisation est prête à temps, mais les événements ne peuvent commencer à l'heure prévue en raison de l'attente des invités d'honneur ou des officiels. Leur arrivée tardive peut être due à des engagements préalables, des problèmes de transport ou une mauvaise gestion de leur emploi du temps".

Il suggère une gestion en amont des invités phares : "On peut travailler en amont avec les officiels pour qu'ils arrivent à l'heure. Peut-être organiser des rappels ou assigner quelqu'un pour les coordonner." Il souligne que le déroulement des activités précédentes est aussi à l’origine du retard. "Je dois souvent assister à plusieurs rencontres la même journée et vous voyez que si l'une d'elles prend plus de temps que prévu, cela va me forcer à choisir entre rester jusqu'à la fin ou partir pour assister à un autre engagement. Néanmoins, si je décide d’y aller après que la première cérémonie a pris du retard, je serai forcément en retard à l’autre événement et imaginez-vous, si j’y vais en tant que panéliste ou maître de cérémonie...".

C’est ainsi que les événements qui s'enchaînent rapidement peuvent entraîner des décalages, relate le SG. Suggérant par la même occasion une gestion stricte des horaires, il déclare : "On pourrait fixer des horaires stricts pour le début et la fin de chaque segment de l'événement et surtout être rigoureux. Une marge de retard de 15 à 30 minutes peut être acceptée, mais pas au-delà. Et si, malgré tout, il y a toujours des personnes en retard qui impactent le déroulement de la rencontre, on encourage les présents arrivés à l'heure en démarrant l'événement avec eux. Cela enverra un message clair aux retardataires. Bien que cette approche puisse être difficile à appliquer, elle est nécessaire pour instaurer une culture de la ponctualité", conclut-il.

Ainsi, le respect des horaires est un élément clé pour le succès des manifestations ou des rencontres. En prenant des mesures pour améliorer l'organisation, sensibiliser les participants et anticiper les problèmes techniques, il serait possible de limiter les retards et d'assurer un déroulement fluide et professionnel des événements.

À bon entendeur, salut. C’est une responsabilité pour tous.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE (STAGIAIRE)

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