La prison à perpétuité pour l’écrivain et journaliste René Capain Bassène bouscule nos consciences citoyennes panafricaines !

Le 13 juin 2022, sont condamnés en première instance trois accusés des tueries de Boffa Bayotte à la réclusion criminelle à perpétuité : René Capain Bassène écrivain journaliste, Oumar Ampoï Bodian, un agent de la Poste, qualifié de membre du MFDC et le chef rebelle César Atoute Badiate condamné par contumace.
Appel est interjeté et le 29 août 2024, la Cour d’Appel confirme la peine de prison à vie prononcée contre René Capain Bassène, acquitte Oumar Ampoï Bodian et Atoute Badiate est légalement considéré toujours en fuite. Appel est de nouveau en cassation.
Les citations qui suivent sont tirées d’articles de « Moussa Ngom du Comité pour la Protection des Journalistes en 2023 en tant que correspondant couvrant l’Afrique francophone. Il a été nommé représentant pour l’Afrique francophone en janvier 2025. Depuis 2019, Moussa Ngom coordonne le média collaboratif d’investigation indépendant, primé et financé par le public, La Maison Des Reporters. Il est également formateur en fact-checking à l’institut universitaire de journalisme de Dakar, le CESTI (Centre d’étude des sciences et techniques de l’information) ».
Le 02 mai 2025, « la Cour suprême (formation de cassation) a rendu sa décision finale dans l’affaire. Elle a rejeté le pourvoi formé par René Capain Bassène contre l’arrêt d’appel de Ziguinchor… le rejet du pourvoi de René Capain Bassène par la Cour de cassation a pour effet de rendre définitive sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette décision de la plus haute juridiction clôt l’affaire dans l’ordre judiciaire sénégalais : plus aucun recours ordinaire n’est possible contre le verdict. En d’autres termes, Bassène a épuisé toutes les voies de recours internes (premier jugement, appel, cassation) la peine prononcée est désormais définitive et exécutoire ».
Mais comme une presse s’en fait l’écho « Bassène reste incarcéré à perpétuité – une issue que lui-même a qualifiée d’inacceptable s’il est innocent. Dans une lettre de protestation, il a dénoncé sa « détention arbitraire » et déclaré « Plutôt mourir que de se déshonorer. Trop, c’est trop », exprimant son refus d’être emprisonné pour autre chose que son travail de journaliste ».
Les voies de recours s’amenuisent pour ne pas dire s’épuisent bien que « Théoriquement, il pourrait solliciter un recours en grâce présidentielle ou une mesure de clémence, bien que sa famille refuse l’idée d’une grâce qui impliquerait une culpabilité acceptée. Une autre voie serait de tenter une révision du procès si des éléments nouveaux et probants apparaissent, ou de porter l’affaire devant des instances internationales (par exemple la Cour de Justice de la CEDEAO ou le Comité des droits de l’homme de l’ONU) pour contester d’éventuelles violations de ses droits lors de la procédure ».
Les questionnements commencent à filtrer dans une certaine presse : « Que reproche-t-on à René Capain Bassène ? Les faits, les doutes, les réactions... » et fait état des « incohérences de l’enquête et l’absence de preuves accablent la gendarmerie… Après l'affaire des e-mails truqués et des cas de torture, de nouvelles incohérences émergent dans le dossier de l'affaire Boffa Bayotte. Sur les 30 personnes arrêtées, seulement deux ont été condamnées, tandis que d'autres ont été acquittées en raison de l'absence de preuves malgré les charges qui pesaient sur elles ».
Troublants en effet de lire que « ses avocats y soulèvent plusieurs griefs, dénonçant des irrégularités qui auraient entaché la procédure et le verdict : ils pointent par exemple des témoignages obtenus sous la contrainte (certains coaccusés affirment avoir été “violemment interrogés” et poussés à incriminer Bassène sous la menace) ou encore le refus du juge d’instruction d’ordonner certaines expertises techniques pourtant demandées par la défense. Me Ciré Clédor Ly a notamment expliqué qu’un des éléments à charge – un email supposé envoyé par Bassène n’a pu être authentifié par un expert indépendant, le tribunal ayant refusé la contre-expertise alors que Bassène avait contesté être l’auteur de ce message ».
La défense de l’écrivain et journaliste René Capain dont « Me Ciré Clédor Ly et ses collègues dénoncent depuis le début une injustice. Ils soulignent l’absence de preuves matérielles solides contre leur client et des violations de ses droits au cours de l’enquête (allégations de torture, refus d’enquête technique, etc.). Selon eux, la justice n’a pas réellement élucidé qui sont les vrais responsables du massacre, et Bassène servirait de « bouc émissaire ». Me Ly a critiqué une « injustice criarde » et le fait que le juge ait écarté tous les témoignages à décharge et des expertises indépendantes qui auraient pu innocenter les accusés ».
Plusieurs organisations de la société civile commencent à tirer la sonnette d’alarme comme on peut le lire dans la presse : « L’Organisation Nationale d’Assistance Juridique et Judiciaire (ONA2J) – un organisme public d’aide juridique – s’est publiquement émue de la situation après l’arrêt de la Cour d’appel. Lorsque René Bassène a entamé une grève de la faim pour protester, fin août 2024, l’ONA2J a diffusé un communiqué exhortant le détenu à préserver sa santé et à « attendre le résultat du pourvoi en cassation » plutôt que de mettre sa vie en danger. L’ONA2J a ainsi interpellé les autorités compétentes sur le cas Bassène, signe que même au sein des institutions, le malaise était perceptible quant à ce dénouement ».
Sans oublier que « de son côté, l’Église s’est impliquée sur le plan humanitaire : l’évêque de Ziguinchor, Mgr Jean-Baptiste Manga, a rendu visite à René Bassène en prison en avril 2025 pour le convaincre de cesser une seconde grève de la faim entamée après la décision de la Cour suprême. Grâce à cette médiation, Bassène a suspendu son jeûne de protestation, évitant une issue dramatique tout en réaffirmant qu’il se considérait victime d’une injustice ».
Peut-on vraiment croire et accepter que la justice de notre pays condamne pour faire taire un journaliste gênant sur lequel on apprend que « Bassène avait consacré l’essentiel de ses 20 ans de carrière à couvrir le conflit entre le gouvernement sénégalais et le MFDC, qui cherche à obtenir un territoire indépendant en Casamance depuis 1982. Son intérêt est né lors de ses études supérieures, lorsqu’il a rédigé son mémoire sur les personnes déplacées par les combats. Il a publié son premier livre en 2013 sur le défunt chef rebelle l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Bassène avait prévu d’intituler son quatrième livre « Un conflit qui nourrit plus qu’il ne tue », dans lequel il aurait détaillé la manière dont certaines personnes ont tiré profit du conflit, y compris des dirigeants locaux, des ONG impliquées dans la négociation de la paix et les trafiquants de bois illégal. Bassène avait la réputation d’avoir un style journalistique opiniâtre qui couvrait tous les aspects du conflit, et de se rendre dans les zones tenues par les rebelles pour effectuer ses recherches. ‘’Mon principe a toujours été d’aller chercher des informations à la source’’, a-t-il déclaré au CPJ lors de l’un de nombreux entretiens téléphoniques depuis la prison entre septembre et décembre 2024. ‘’C’était un livre assez explosif dans lequel il mentionnait les organisations par leur nom et évoquait le problème de la coupe du bois’’, a déclaré au CPJ Xavier Diatta, un ami de Bassène ».
Devant autant d’éléments déconcertants, la décision de la Cour de Cassation pose question et suscite des interrogations légitimes, lesquelles sont de savoir si dans ces jugements successifs il n’y a pas amalgame entre considération politique et vérité judiciaire ?
Comment ne pas se poser cette question quand on constate ensuite que :
Le 4 août 2022, le journal Atlanticactu.com avec une photo du président Emballo au centre et l’amiral Farba Sarr serrant la main de Atoute Badiate titre son article « Sénégal : Malgré un mandat d’arrêt décerné contre lui, César Attoute Badiate signe un accord de paix avec le Sénégal ».
Le 22 février 2025, la presse fait état d’un « nouvel accord de paix avec l’aile du Mfdc dirigée par César Atoute Badiate par le Premier ministre Ousmane Sonko en Guinée-Bissau pour finaliser cet engagement avec César Atoute Badiate » sous l’égide du même Emballo, lequel en profitait pour faire son coup d’état constitutionnel en renvoyant illégalement et autocratiquement le calendrier électoral présidentiel en Guinée Bissau.
Il apparaît objectivement que le doute est permis sur ces jugements qui condamnent à perpétuité un seul de la trentaine de justiciables Casamançais d’un crime à élucider et sur des négociations et accords avec un condamné à perpétuité par contumace réfugié en Guinée Bissau.
Dans mon article intitulé « CRISE CASAMANCAISE : POUR UNE SOLUTION POLITIQUE, DEMOCRATIQUE DANS UNE OPTION PANAFRICAINE ANTI-IMPERIALISTE », je rappelai que « le MFDC originel après le congrès de Bamako du RDA est né sur une orientation panafricaine. Notre nouveau pouvoir souverainiste proclame aussi son option panafricaine. Tenant compte du lien historique, démographique, culturel entre les populations de la Casamance, de la Guinée Bissau et de la Gambie, il y a donc là une opportunité pour opérer une démarche vers l’État fédéral africain par cercle concentrique de proximité à laquelle notre État souverainiste peut et doit associer le MFDC. Dans cette optique, nous proposons : - l’annulation de tous les mandats d’arrêts visant les dirigeants politico-militaires du MFDC; - la libération de tous les prisonniers politiques membres ou non du MFDC; - l’enseignement dans nos programmes scolaires de l’histoire résistante anti-colonialiste de la Casamance et de ses héros, notamment l’héroïne Aline Sitowe Diatta; - l’ouverture d’un dialogue participatif démocratique avec le MFDC dans cette optique panafricaine; - ce dialogue avec le MFDC doit être un premier pas suivi du dialogue commun avec la Gambie et la Guinée Bissau et ensuite avec l’AES, étapes dans la longue marche vers l’État Fédéral Démocratique Africain ».
Lever les doutes de ces jugements devant déboucher sur la libération de René Capain Bassène peut et doit être un premier pas vers la solution démocratique panafricaine à ce douloureux conflit fratricide qui perdure depuis 1982.
Diagne Fodé Roland
08/05/25