Publié le 22 Feb 2022 - 20:48
LA RÉCOLTE D’HUÎTRES DANS LES ILES DU SALOUM

Une activité économique éprouvante pour les femmes

 

Dans les îles du Saloum (région de Fatick), le travail en milieu marin constitue l'une des principales activités économiques. Comme la pêche aux poissons, la récolte des fruits marins permet de gagner tant bien que mal sa vie. Ainsi, des femmes s'investissent dans ce domaine, non sans difficulté. Précisément, elles sont dans la cueillette d’huîtres.

 

Sur une plage du village, la fumée se lève et envahit l'espace. Ici, des femmes sont à la manœuvre. Deux d'entre elles se tiennent devant une grosse marmite remplie d'huîtres, sous laquelle s'active un feu. Pendant que les dames s'occupent de la préparation des mollusques, d'autres, assises à l'écart, enlèvent la coquille de ceux qui sont déjà cuits pour retirer la chair. Un travail minutieux, voire esthétique. À l'aide d'un couteau, elles éclatent la carapace de l'huître, épingle la chair molle avant de la saisir. C'est la partie comestible. À deux doigts de la marmite, on retrouve un tas de d’huitres vidées.

Les huîtres sont des fruits de mer qui vivent dans les mangroves (palétuviers). Elles se collent sur les racines et apparaissent à la surface en période de marée basse. Elles sont des aliments très prisés par les riverains. Aussi, les huitres constituent une grande valeur marchande.

Toutefois, leur récolte est une descente aux enfers. Gnima Thior est l'une des femmes qui récoltent des huîtres. Son travail la tient à cœur, malgré les difficultés. "C'est un travail dur, en témoignent les égratignures sur nos mains. Parfois, la coquille nous blesse parce que nous sommes en contact avec elle. Et si, par inadvertance, nous la saisissons mal, elle nous blesse. Il n'empêche, je suis fière de pratiquer ce métier".

Il n'y a pas de sot métier, dit l'adage. Cela, les femmes l'ont bien compris. En dépit des nombreux obstacles dus parfois à un environnement non adapté, elles bravent les difficultés pour subvenir aux besoins de la famille. Ainsi, Mme Thior trouve leur activité comme un mal nécessaire. "On ne trouve pas mieux. C'est pourquoi on fait ce travail. Nous sommes des mères de famille et les besoins quotidiens sont nombreux. Et comme le veut la sagesse, je ne dois pas rester les bras croisés face aux exigences du moment", dit la sexagénaire.

Une activité où il faut maîtriser les aléas de la mer

Pour la cueillette de ces mollusques, les femmes cherchent le moment opportun. Avant de s'y lancer, on s'intéresse d'abord à la marée. Pour retrouver les huîtres, elles attendent la marée basse pour prendre la pirogue, moyen de navigation de la localité. Elles se lèvent tôt le matin pendant que l'eau commence à baisser. Cela permet d'être en contact avec les fruits de mer, une fois sur les lieux.

Les explications d'Olimata Sarr, à ce sujet, sont plus qu’édifiantes. "Quand vous débarquez en période de marée haute, vous ne pouvez pas trouver les huîtres. Les racines des palétuviers qui les abritent sont englouties en ce moment par les eaux. Donc, elles n'apparaissent pas. C'est pourquoi on attend la marée basse".

Dans le même sillage, Amsa Sarr explique que les conditions météorologiques du départ prennent le contre-pied de celles du retour. S'il faut partir suivant le retrait de la mer, le retour est prévu à la montée des eaux. Ainsi, elles peuvent prendre la route du retour aux environs de 18 h ou au crépuscule. Tout ça demande une connaissance des prévisions des marées.

Elles parcourent de longues distances à bord de pirogues à pagaie. Cependant, ces femmes ont des fois la petite chance d'embarquer à bord d’une pirogue motorisée. Cette dernière les amène jusqu'au lieu de récolte pour les laisser continuer au fond de la mangrove. Cette tâche est assurée par Mamadou Thior, propriétaire d'une pirogue à moteur. Faisant partie du groupe des travailleurs, il récolte aussi comme les dames. Mais son principal rôle est de les transporter avec sa pirogue. Et cela à tout son sens. "Mon travail consiste à leur prêter main-forte. Comme la navigation à pagaie est très épuisante, c'est une bonne idée. Toutefois, la mienne, plus grande, ne peut pas pénétrer dans certains lieux. Arrivé au bolong (estuaire) plus étroit, la petite embarcation continue au fond pour atteindre les huîtres".

Un travail minutieux

À leur retour sur la terre ferme, les femmes passent à l'étape de la préparation ; une activité cruciale. Ce travail consiste à cuire les huîtres avec l'eau de mer. Après, elles les lavent avec l'eau douce du robinet. Finie cette étape, elles passent au séchage. Pour ce faire, les femmes exposent au soleil les huîtres déjà cuites. Sur des étals établis sur la plage, elles les éparpillent.

Les huîtres doivent y passer quelques jours. Après, elles les ramassent pour les mettre dans des sacs. Ce, pour les stocker en attendant les éventuels clients. Mais, pour cette campagne, la récolte n'est pas fameuse. "Pour le moment, nous avons rempli un sac. Avec les huîtres, il est difficile d'avoir une grande quantité. Nous espérons toutefois en avoir beaucoup plus, lors de nos prochaines sorties", explique Gnima.

Le séchage des huîtres n'est pas sans difficulté. Même si elles sont séchées sur des étals dressés, les animaux arrivent des fois à les manger. Olimata Sarr en parle : "Souvent, nos produits sont dévorés par les animaux domestiques. Ils mangent les huîtres, si jamais on ne les voit pas. C'est pourquoi la surveillance est accrue ici, sinon nous allons en pâtir."

La commercialisation du produit reste problématique

Comme si cela ne suffisait pas, écouler les fruits de mer est difficile. D'ailleurs, c'est le véritable problème des dames. Elles sont confrontées à une absence de clients. Après le stockage, le produit peut durer dans leur réserve, en attendant que des acheteurs arrivent. Ce qui n'est pas évident. Les femmes sont parfois obligées de liquider leurs marchandises.

Alors que le prix normal du kilogramme tourne autour de 6 000 F CFA, elles se trouvent parfois dans l'obligation de céder le produit à 4 000 F CFA. Gnima explique : "Notre véritable souci reste la commercialisation. Puisque nous n'avons pas ce que nous voulons, nous nous contentons de ce qui est là. Par conséquent, pour écouler notre produit, nous faisons ce qui, en réalité, ne nous arrange pas."

Sinon, elles se rabattent sur les vendeuses de sauce à base d'huitres. Celles-ci viennent acheter les mollusques, mais en petites quantités. "Nous souhaitons vraiment que les gens découvrent nos produits. Cela permettra de mieux vendre, surtout au-delà du village", laisse entendre Olimata.

Pendant leurs déplacements, les voyageurs peuvent aussi acheter des huîtres en guise d’étrennes. "Quelqu'un qui quitte le village pour se rendre en ville, par exemple, part avec des objets ou des aliments. C'est une habitude ici. C'est dans l'esprit du partage. C'est pourquoi ils achètent parfois des fruits de mer séchés pour donner ça en cadeau", renseigne une cliente.

El hadji Fodé Sarr (Stagiaire)

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