Publié le 3 May 2024 - 10:33

LE FINANCEMENT DE L’AGRICULTURE : UN MAILLON IMPORTANT POUR ATTEINDRE LA SECURITE ALIMENTAIRE ET CONTRIBUER A LA CREATION D’EMPLOI A TRAVERS L’ENTREPRENARIAT

 

De nos jours, le financement constitue un véritable casse -tête pour les acteurs des chaines de valeurs agricoles et agroalimentaires. La disponibilité insuffisante ou l’absence des ressources financières combinées aux échecs de nos politiques de crédit dans le secteur de l’agriculture impactent négativement sur les performances du secteur et par ricochet sur notre économie.

A cela s’ajoutent la faiblesse de la productivité agricole, l’instabilité de la pluviométrie, le manque de structuration des chaines de valeurs agricoles et agroalimentaires dans certaines zones agroécologiques, l’absence de modèles de financement intégrés, l’absence de garantie etc. Malgré l’existence de certains instruments de garantie tels que le FONSIS et le FONGIP et d’autres mécanismes mis en place par l’Etat et le secteur privé sous forme de fonds de garantie, le déficit des crédits bancaires dans le secteur demeure une préoccupation pour les acteurs. Parallèlement, la COVID 19 et ses corollaires ont impacté négativement sur la qualité du portefeuille des institutions financières qui ont comme cibles le monde rural. Les producteurs à la base enregistrent une ardoise d’impayés dans certaines institutions financières de la place et occasionnent une rupture de relation et/ou un déclenchement de processus de recouvrement aux contentieux conformément aux principes qui réglementent l’activité bancaire.

Fort de tous ces constats, pour relancer le secteur de l’agriculture l’Etat, devra impérativement trouver avec les parties prenantes des moyens pour renforcer les mécanismes de financement des banques parapubliques et trouver une solution aux impayés comptabilisés par les producteurs grâce à l’impact de la COVID 19 et de la baisse de la productivité agricole. A cela s’ajoute aussi son lobligation de régler sans délais les montants dus aux opérateurs privés stockeurs afin de préparer la prochaine campagne de l’hivernage.

Sous ce rapport et dans une perspective d'amélioration de l'efficacité des filières agricoles et agroalimentaires, il devient nécessaire et urgent de revoir le système de la politique de financement dans notre pays. Ledit système devra être corrélé avec les objectifs de production agricole et agroalimentaire tout en intégrant la contribution du secteur privé.

Si nous nous référons aux premières sorties du ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté Alimentaire et de l’élevage, force est de constater que les autorités se sont à nouveau engagées à faire du développement de l’agriculture et de l’agro-industrie une priorité. La finalité de cet objectif est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de mettre fin à la dépendance du pays aux importations, notamment en riz et à certains produits horticoles pendant une certaine période de l’année. Parallèlement certaines industries comme la SONACOS, les agroindustriels dans les chaines de valeur riz et arachide en particulier, la SODEFITEX etc. ne parviennent plus à atteindre leurs besoins en collecte et de relèvement du niveau de leur plateau technique. Toutes ces faiblesses expliquent l’absence de performances dans le secteur agricole et par ricochet des difficultés pour assurer un retour sur investissement par les entrepreneurs agricoles.

Pour atteindre la souveraineté alimentaire et contribuer à résoudre la problématique de l’emploi des jeunes à travers le secteur primaire, l’Etat du Sénégal, à défaut de procéder à des réformes qui les regrouperont  en un seul instrument fort et performant, doit impérativement promouvoir la mise en valeur du potentiel agricole en appuyant les institutions financières comme la Banque Agricole (LBA), la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDE), la DER-FJ et les autres instruments de financement. Cet accompagnement devra aboutir à la mise en place d’offres spécifiques de crédits à l’investissement pour accompagner le développement d’une agriculture plus performante sur les plans agronomique, économique écologique, commercial et plus résiliente face aux aléas, notamment climatique. En sus, pour minimiser les risques intrinsèques à l’activité agricole, la Compagnie Nationale d’Assurance Agricole doit être accompagnée afin de rendre notre agriculture résiliente et d’inciter les institutions de financement à injecter leurs ressources dans le secteur. Le développement de partenariats publics privés à travers des fonds de garantie, des lignes de crédit à des taux concessionnels, une organisation des acteurs à la base seraient aussi une excellente opportunité pour minimiser les risques.

Si nous faisons un diagnostic du financement de l’agriculture, nous comprendrons que les crédits de court terme au profit des acteurs des chaines de valeur ont montré leurs limites et pas performants face aux nombreux aléas dont le secteur fait face. En d’autres termes, toutes organisations de producteurs et d’entrepreneurs agricoles qui ratent une campagne agricole a moins de chance pour cheminer avec les institutions financières ; Certes des mécanismes existent mais pas performants, sans impacts et non pérennes.

A date quel est le niveau d’endettement des producteurs et des autres acteurs du secteur agricole ? Quel est leur niveau d’impayés dans les portefeuilles des institutions financières locales ? Quelle stratégie pour une reprise de relation entre certains agri-entrepreneurs et les institutions financières de la place ? Quel mécanisme innovant pour toucher tous les acteurs des chaines de valeur ? A amont du financement, pour assurer un retour sur investissement, quelle stratégie pour rentabiliser la production agricole ? Voilà tant d’interrogations qui méritent une réponse si nous envisageons de développer les chaines de valeur agricoles et agroalimentaires à travers l’échiquier national.

QUELQUES ALTERNATIVES POUR UN FINANCEMENT DURABLE DU MONDE RURAL                                                                                                                                                                          

Pour palier toutes ces contraintes relatives à l’accès au financement plusieurs leviers doivent être actionnés : amélioration de la productivité et de la production agricole, structuration des chaines de valeur, démocratisation du financement avec des taux concessionnels, financement des jeunes entrepreneurs agricoles, gestion des risques de crédits.

  1. DES JEUNES ENTREPRENEURS AGRICOLES

Pour améliorer la qualité des ressources humaines porteuses de projet de développement dans le secteur primaire et régler partiellement la problématique de l’emploi des jeunes, les sortants des écoles de formation comme l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture de Thiès (ENSA), l’UFR S2ATTA de Saint Louis, du master en Développement Rural et Coopération de l’UGB, l’UFR agro de Ziguinchor, les ISEP entre autres doivent être incubés pendant quelques mois juste avant ou après leur formation. Des passerelles et des canaux de communication doivent être établis entre ces instituts de formation agricole, le secteur privé et les institutions financières pour préparer les diplômés à l’activité entrepreneuriale. Bien entendu, ils devront au préalable être sensibilisés et motivés pour avoir le goût du métier. Plusieurs métiers, depuis la fourniture des intrants jusqu’aux activités post récoltes peuvent être crées pour permettre à la jeunesse de régler la problématique de l’employabilité et de l’emploi.

Des mécanismes devraient aussi être mis en place pour assurer leur insertion dans la vie professionnelle à travers l’entreprenariat agricole et la mise à disposition de produits et services financiers à leur profit. La Technologie de l’Information et de la Communication (TIC) constitue aussi une excellente niche à explorer. Cette niche permet de maitriser l’information agricole et joue un rôle important dans la mise en place de systèmes de marché, de cartographie des parcelles de production etc. Si tous les préalables sont établis, les institutions financières mettront à leurs dispositions des produits et services taillés sur mesure.

Le Système de Financement Décentralisé (SFD) doit s’impliquer plus activement dans l’accompagnement des petits entrepreneurs agricoles. Cela peut être soutenu par la mise en place de ressources affectées par des structures comme la FONAMIF entre autres. Les Banques quant à elles devront déployer des ressources pour accompagner les PME et PMI afin de tirer les petits exploitants à travers des schémas intégrant les producteurs, les agrégateurs, les agroindustriels etc…

Enfin, la Banque Agricole, instrument incontournable dans le financement de l’agriculture, doit être fortement renforcée et appuyée pour porter dans ses livres toutes les lignes de crédit et fonds venant des partenaires financiers et le secteur privé et destinées au secteur agricole.

Si nous voulons intensifier notre agriculture incontestablement, des mécanismes de financement innovant doivent être mis en place pour permettre aux associations de coopératives d’acquérir de gros investissement comme les tracteurs, les moissonneuses batteuses, des infrastructures de stockage et de conditionnement, la réhabilitation et l’extension des périmètres irrigués dans certaines zones agroécologiques du pays.

Enfin, pour accéder aux petits matériels agricoles et faire de gros investissements, les institutions financières doivent être appuyés pour booster leurs portefeuilles de crédit-bail et de micro-leasing à travers des modèles de financements intégrés.

A suivre

 

M. Djibril BA

Ingénieur Agroéconomiste

Ingénieur Financier

MBA en Finance et Management

Ancien Cadre de Banque

Enseignant Vacataire

Doctorant en sciences économiques et Gestion

Responsable du Parti Fepp Tawfekh à Thies

SG National chargé de la formation et de l’académie du Parti Fepp Tawfekh

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