Le Septennat en question
En Afrique comme sous tous les cieux du suffrage universel, certains discours faits. Pour charmer l’électorat sont considérés comme du «autant en emporte le vent». L’on dit même qu’une campagne sans démagogie, c’est comme du pain sans levain. A travers le monde, aux niveaux local et national de la compétition électorale, des candidats ont eu à faire des promesses qu’ils n’ont jamais honorées après leur accès au pouvoir. C’est plutôt par des chimères, des illusions et des éléphants blancs que des politiciens abusent des populations. Pour eux, la politique sert à agiter le peuple avant de l’exploiter. Ainsi, selon Georges Clémenceau; «on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse». L’on dirait même que partout, les palinodies des hommes politiques sont acceptées comme partie intégrante de leur statut. L’exemple de Winston Churchill est là, édifiant : Conservateur accusé de vouloir changer de camp, il répond : «je suis tory et tory je resterai». Moins de 40 jours plus tard, précisément en Octobre 1903, il déclare : «je suis un libéral ; je déteste le parti tory, ses hommes, son discours, ses méthodes…».
Ostracisé par ses anciens camarades, il leur lance : «certains changent de convictions pour l’amour de leur parti, moi je change de parti pour l’amour de mes convictions». Sur un autre registre, rappelons que le citoyen de l’Ohio, Thomas Edisson avait annoncé qu’il rendrait l’électricité «si bon marché que seuls les riches pourraient se payer le luxe d’utiliser des bougies». Cela était un vœu non réalisé d’un inventeur. Le Coran nous interdit de se proposer une chose sans la lier à la volonté de Dieu, par la formule In Chaa Allah, formule sans laquelle, un vœu risque de ne peut pas se réaliser. Revenons à la politique pour noter que chez nous, en 2012 le candidat Macky Sall avait dit qu’il réduirait le mandat présidentiel de 7 ans constitutionnels à 5 ans.
Le leader de l’A.P.R étant élu au 2e tour avec une large majorité de 65% ; des voix n’ont pas tardé à s’élever pour demander au Président Sall de mutiler sa magistrature de 24 mois. Face à ceux-là, d’autres citoyens soutiennent qu’une parole liée à la pêche de bulletins de vote d’un candidat ne saurait avoir force d’abrogation d’une disposition de la Loi fondamentale de la République. Cette Loi à la fidélité de laquelle, le Chef de l’Etat a solennellement prêté serment devant Dieu et devant le peuple sénégalais. Cette opinion anti-réduction, souligne que si le candidat Sall avait dit «qu’il porterait le mandat à 10 ans, personne, après son élection ne lui aurait demandé de promouvoir la durée décennale. Par conséquent, le slogan Touche pas à ma Constitution devrait concerner deux sens : «Ne point augmenter / Ne point réduire». Nous voilà donc devant une thèse et son anti-thèse avec obligation de leur trouver une synthèse.
La thèse :
Une promesse est une dette
L’anti-thèse :
La promesse de la chenille n’engage pas le papillon. Potaches, à vos plumes, politiques à vos pensées. En tous cas, la solution ne se trouve ni dans la violence verbale, ni dans le dogmatisme. La seule Vérité étant celle de Dieu, les dogmes portent la marque de l’infirmité des hommes. Mao Zédong a jugé «la bouse de vache plus utile que les dogmes, car on peut en faire de l’engrais». Ceux qui sont pour le quinquennat invoquent la morale pour conférer un caractère sacré à la parole donnée. Quant à nos compatriotes qui plaident pour le septennat, outre l’argumentaire Constitutionnel, ils font remarquer que le quinquennat ne convient pas aux pays africains largement tributaires de l’assistance bilatérale ou multilatérale pour réaliser leurs grands projets de développement.
Or, à leurs yeux, de l’idée d’un grand projet à l’ouverture de son chantier, en passant par les études, les paramètres de faisabilité et son financement, il faut au moins 5 ans. L’on avance d’autres raisons en faveur de la fonction septennale, notamment le coût onéreux d’un scrutin référendaire auquel s’ajouterait celui de deux élections législative et présidentielle. S’agissant de la voie parlementaire, elle serait un viol de la Constitution, d’après les propos du professeur et célèbre constitutionnaliste Babacar Guèye, propos rapportés par le quotidien l’Enquête n°1343 du jeudi 10 Décembre 2015 P.3.
En tous cas, la révision de la Constitution par l’Assemblée Nationale semble exclue pour une grande frange de la classe politique qui la juge moins démocratique que la consultation directe du peuple. L’on pourrait soupçonner dans cette position, la crainte de voir la majorité du Parlement rejeter la révision. En effet, l’A.P.R qui constitue l’ossature de la dite majorité, ne cache pas son opposition à la réduction du mandat présidentiel. Le Professeur Madior Diouf Secrétaire Général du Rassemblement National Démocratique (R.N.D) soutient que «les 7 ans s’imposent». Il appelle le Président Macky Sall «à respecter la Constitution en faisant 7 ans avant de faire réduire le mandat à 5 ans». (voir le quotidien Le Populaire n°4810 du Mercredi 09 Décembre 2015, page 3).
Le débat d’idées vivifie la démocratie, tandis que la polémique, par définition stérile, lui est corrosive. Réduction ou pas. Quelle solution ? Un responsable A.P.R contacté, nous a livré la déclaration suivante : « Ceux qui cherchent à faire pression sur le Président de la République, se trompent d’adresse. Le candidat Macky était sincère dans son propos de campagne, mais faut-il-que son vœu soit conforme aux dispositions de la Loi. Dans son adresse à la Nation à l’occasion du nouvel an, le Chef de l’Etat s’est prononcé sur la question. Selon plusieurs observateurs, le Président Sall «attaché au devoir de vertus, est tiraillé entre l’esthétique de l’éthique et la force souveraine de la Loi qui personnifie la volonté populaire.
Or, dura lex, sed lex, la loi est dure mais c’est la loi». Outre les vrais constitutionnalistes dont les vues sur le sujet sont contradictoires, des « experts » de tout poil squattant les studios de l’audiovisuel et les rédactions des tabloïds, y vont péremptoirement de leur « spécialité ». Il est temps que ses gens presque analphabètes, cessent leurs nuisances médiatiques. A chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Le vrai débat public doit se poursuivre en toute sérénité et en toute objectivité. Malheureusement, certains n’hésitent pas à prendre des libertés avec cet impératif démocratique.
C’est ainsi que «leaders» de machins qui n’existent que de nom et «experts» autoproclamés se mettent à distribuer des «mises en garde» ou à exiger que leurs vues prévalent sans frais sur celles des autres. Au demeurant, qui sont ces «shérifs?» De qui tiennent-ils leur légitimité ? Avouons que l’abus de la liberté d’expression porte des germes liberticides du droit d’opinion. La démocratie n’est ni un jeu d’apparences trompeuses, ni une foire de déclamations mythomanes ou une partie d’attaques ad hominem. Si toute opinion peut être respectable, ce ne sont pas tous les discours qui sont acceptables .En tout cas, dans un échange de jets, les protagonistes ont intérêt à choisir des cailloux de petite taille.
Ahmed Bachir Kounta (Journaliste)