La ''garde rouge'' de Macky Sall
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le président de la République, un libéral, est entouré de personnalités issues de la Gauche communiste. Troskyste, maoïste ou marxiste-léniniste, ils sont nombreux à avoir été nourris à la sève de la révolution. Si beaucoup ont gelé leurs activités ou changé de camp, ils n'en gardent pas pour autant...certains réflexes.
Aminata Touré, Premier ministre
Son ascension fulgurante au sein du pouvoir a surpris plus d’un. Le Premier ministre Aminata Touré est l’une des personnalités les plus influentes et les plus proches du président de la République. Une notoriété qu’elle doit à sa capacité à manœuvrer pour tirer profit d’une situation conjoncturelle, comme sait bien le faire tout bon militant de la gauche communiste. Rendue célèbre grâce à la traque des biens mal acquis alors qu’elle était ministre de la Justice, cette ancienne ( ?) trotskiste a su s’imposer au sein du système, mais aussi au sein de l’Alliance pour la République (APR), même si certains responsables de ce parti lui contestent son leadership.
Sans en donner l’air, celle que l’on surnomme aujourd'hui ''la dame de fer'' tisse discrètement sa toile pour se construire un destin politique. Née le 12 octobre 1962 à Dakar, Mimi Touré, cette fille d'un médecin et d'une sage-femme, a très tôt flirté avec le milieu de la Gauche. Le Bac en poche, en 1981, elle s’envole pour la France pour ses études. C’est au pays de Marianne qu’elle intègre la Ligue communiste des travailleurs (LCT) dont les excroissances sénégalaises vont donner le Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU), fondé par feu Mamadou Dia. Au bercail, Mimi Touré entra en conflit avec Bamba Ndiaye pour le contrôle de ce parti. Mais, devant le ‘’soutien’’ de Dia à son adversaire, elle va perdre la manche.
Elle quitte le MSU pour rejoindre plus tard AJ-PADS de Landing Savané dont elle sera la directrice de campagne à la présidentielle de 1993. Simple hasard, l’actuel président de la République fréquentera lui aussi cette formation, de façon éphémère avant de migrer vers le Pds, parti qu’il quittera par calcul politique ; AJ-PADS ayant très peu de chance d’accéder à l’époque au pouvoir du fait de certains paramètres certes subjectifs, mais culturellement efficients au Sénégal, le jeune Macky Sall prend ses distances au début des années 80.
Tout comme Mimi Touré, mais bien plus tard. Elle prendra ensuite une longue ‘’période sabbatique’’ pour le Fonds des Nations-Unies pour la population (FNUAP). En 2010, elle rentre au bercail et soutient la candidature de Macky Sall dont elle sera la directrice de campagne lors de la présidentielle de 2012.
Mahmout Saleh, Directeur de cabinet politique du Président
Le cordon entre Aminata Touré et Mahmout Saleh est idéologiquement très puissant. Formé à la même école que Mimi Touré, Mahmout Saleh a bien assimilé les leçons du trotskysme. Le concepteur du ''coup d’Etat rampant'' a su flairer très tôt que le règne de Me Wade était terminé, pour se ranger derrière Macky Sall sur qui il a misé, dès la première heure de la rupture.
Sa nomination au poste de directeur de cabinet politique du Président renseigne sur son influence au sein du cabinet présidentiel. Une proximité qui n’est pas appréciée par tous les responsables de l’APR. Toute la question est sans doute de savoir jusqu’où va aller son compagnonnage étroit avec Aminata Touré. C’est en effet un secret de Polichinelle que le poste de Premier ministre est un fusible presque naturel et que Saleh devra un jour choisir entre le Président et le chef du gouvernement.
Awa Marie Coll Seck
L’aile (ex) maoïste est si bien représentée dans le gouvernement que l’actuelle ministre de la Santé Awa Marie Coll Seck a des arguments à faire prévaloir. Elle a politiquement grandi sous l’aile de Marie Angélique Savané, à And Jëf-PADS. Awa Marie Coll Seck a aussi connu l’engagement syndical au sein du Sutsas, à une époque où il était difficile de séparer activités syndicales et politiques. Elle fait partie de ceux qui ont rédigé, avec Boubacar Diop et Moussa Paye, les statuts de l’Unsas. A l’époque, les partis politiques issus de l’éclatement du Parti africain de l’indépendance (Pai), la Ligue démocratique (Ld), And Jëf-Pads et le Parti de l'indépendance et du travail (Pit), se battaient pour le contrôle de cet ''instrument'' stratégique.
Amath Dansokho, ministre d’Etat
Bien qu’il n’ait pas portefeuille ministériel, Amath Dansokho n’est pas moins influent auprès du Président. Surnommé le ‘’Mandela du Sénégal’’, le président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) fait figure de gardien du Temple dont ne peut se passer le gouvernement. Ce qui expliquerait sa présence au conseil des ministres en dépit de son état de santé instable. Amath Dansokho est souvent consulté par le Président Sall qui a déclaré lors de la célébration du 5ème anniversaire de l’Alliance pour la République (APR) qu’il était sur le même tempo que ses alliés.
Mansour Sy, ministre de la Fonction publique et du Travail
Son camarade de parti Mansour Sy, ministre de la Fonction publique et du Travail, lui, occupe un poste stratégique. Cette position fait de lui un interlocuteur direct des fonctionnaires du pays ; donc des leaders syndicaux qui sont pour la plupart de la Gauche. En confiant donc ce département à quelqu’un de la gauche, Macky Sall cherche à mettre face aux syndicalistes un interlocuteur de même acabit, pour contrer les mouvements d’humeur.
Mankeur Ndiaye, ministre des Affaires étrangères
Peu de personnes le savent, mais l'actuel ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye fut un militant très actif du PIT. C'est très jeune que Mankeur Ndiaye a adhéré à ce parti. Il fut le Directeur de cabinet de Maguette Thiam, actuel Secrétaire général du PIT sous le premier gouvernement d'union nationale, au milieu des années 90. Maguette Thiam était alors ministre du Plan. Mankeur Ndiaye s'est petit à petit éloigné de son parti de jeunesse qui l'a formaté idéologiquement. Sa carrière de diplomate n'est sans doute pas sans lien avec cette prise de distance.
Aujourd'hui encore, il garde de bonnes relations avec les responsables de cette formation politique. Mankeur Ndiaye a adhéré à l'Alliance pour la République (APR) après la chute du régime de Me Abdoulaye Wade. Mais Mankeur Ndiaye qui a sans doute bien assimilé les leçons de la clandestinité, a été très actif dans la campagne initiée par l'APR pour déstabiliser le pouvoir. C'est aussi lui qui avait fait entrer l'actuel ministre du Budget, Mouhamadou Makhtar Cissé, dans le PIT, au début des années 80 ; tous les deux étant de Dagana.
On peut citer plusieurs autres personnalités comme Mary Teuw Niane, ministre de l'Enseignement supérieur qui a flirté avec le PIT. Khoudia Mbaye, ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat de la Ligue démocratique (Ld). Et même la liste des conseillers du Président Macky Sall est toute de rouge. On retrouve une foultitude de conseillers, simples ou spéciaux comme Souleymane Jules Diop qui a milité au PIT, El Hadj Hamidou Kassé, à And Jëf/Pads, le sociologue Malick Ndiaye, pour ne citer que ceux-là.
DAOUDA GBAYA