Le Conseil Constitutionnel face à la Résolution « Haram aw Halal »
M. le Président, cela fait quatre mois, que le Président HABRE est emprisonné arbitrairement et illégalement. Le Sénégal, pays de l'asile est devenu le pays qui « juge » et emprisonne. C'est aussi la première fois au monde qu'un pays ayant accordé l'asile politique à un Chef d’Etat, se retourne contre lui. Triste record ! M le Président.
La France, M le Président, « pays de référence », détient le record de la présence sur son sol, d'anciens chefs d'Etat au kilomètre carré. Toutefois, l'Etat français soucieux de respecter sa signature mais aussi la parole donnée, n'a jamais rien fait contre ses hôtes, et les plaintes déposées contre certaines personnalités ont, toutes, été classées sans suite, au nom du respect de cet engagement. La personne à la tête de l'Etat ne changera jamais la donne, que l'engagement ait été pris par feu Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. L'Etat démocratique, fidèle à ses principes de continuité, honorera sa signature, il en va de sa crédibilité et de sa légitimité.
M le Président, juger un ancien chef de l'Etat est un acte politique avant tout. Donc, en prenant la décision de le juger, vous avez, avant tout, posé un acte politique, un acte qui va, dans le sens de vos intérêts politiques. Cela signifie donc, que dans la mise en œuvre de cet engagement de condamner, puisqu'il s'agit bien de cela, on constate une instrumentalisation de la justice. Mais, M le Président, la Justice doit-elle se mettre au service de la Politique ?
Et plus généralement, M le Président, les principes juridiques doivent-ils être flexibles, et malléables pour se mouler aux desiderata des hommes politiques ? C'est la quintessence même de l'affaire HH ! Que dis- je ! C'est ce que nous constatons dans cette Afrique d'aujourd'hui, en pleine régression démocratique et remilitarisation économique.
Peut-on compter, M le Président, les tripatouillages constitutionnels pour s'assurer qui, une présidence à vie, qui, un second mandat, qui, une prolongation ? A t-on oublié que des adversaires politiques peuvent aussi être écartés, en jonglant tout simplement sur leur lieu de naissance, sur la nationalité de leurs parents, etc. Le Droit est là pour traduire en lois, les angoisses électorales des hommes politiques. C’est ainsi que des citoyens perdent foi en un processus démocratique et s’engouffrent dans des voies dangereuses pour la stabilité de leur pays.
Comme cela a été le cas dans l'acharnement contre le Président HABRE, des réformes législatives ont été menées, uniquement, pour un homme et contre lui ! De même, une révision constitutionnelle a eu lieu pour permettre la rétroactivité de lois pénales. Tellement invraisemblable, qu'on évitera astucieusement de catégoriser cette révision « Hissein HABRE » de déconsolidante pour la démocratie sénégalaise.
Le pouvoir politique, fort de sa puissance, ne s'embarrasse plus de cohérences, se sachant hors d'atteinte, il a agit sans contrôle, M le Président.
Et, les regards se détourneront, si nous soulignons les contradictions de son argumentation. Ainsi, pour exécuter le contrat visant à condamner et non pas juger le Président HH, ce même groupe évoquera tantôt le mandat de l'UA, tantôt la Cour Internationale de Justice, tantôt la convention de New York. Trois positions différentes et inconciliables, mais qui en a cure !
De même, on refusera d’appliquer des décisions de justice, si elles ne vont pas dans le sens souhaité, votre position a été d’ignoré la décision de la juridiction communautaire de la CEDEAO sur l’affaire HH qui, précisément condamnait et disqualifiait le Sénégal pour violations des droits du Président HH, sans compter le rejet de toute possibilité d’un mandat de l’UA, la cour communautaire a tenu à rappeler que l’UA n’est pas une cour de justice. Peut-on faire partie d’une communauté et violer ses décisions de justice ou mieux, en avoir sa propre lecture et les imposer par la force ?
A partir du moment, M le Président où vous postulez que le Président HH n'est pas un sujet de Droit, que vous vous êtes engagé à le condamner, en faisant construire sa prison avant jugement, vous appliquez ce principe bien connu : « la fin justifie les moyens », que les arabes traduisent mieux à travers cette formule : "Haram aw Halal", on le fera !
C'est ce même postulat qui a vu la création de cette hérésie juridique qu'est le mandat de l'UA, Hissein HABRE n'étant plus un sujet de Droit, on pouvait se permettre d'organiser au sein de l'organisation judiciaire du Sénégal, un régime d'exception, des lois d'exception, un tribunal d'exception, bref une véritable Déraison d'Etat.
Vous comprenez, M le Président, que des gens s'activent pour organiser une suspension de l'Etat de Droit au Sénégal sous votre magistère, le temps de liquider le président HABRE. Est-ce juste ?
Le président HABRE n'étant plus un sujet de Droit, on pouvait accepter de faire payer ses juges par des bailleurs ennemis, partiaux, déjà mêlés aux poursuites précédentes contre lui. C'est aussi cet aspect, M le Président, qui a fini de convaincre l'opinion nationale et internationale que cette affaire dégageait un parfum de scandale, de règlements de comptes, de pétrodollars mais en aucun cas de justice.
De Justice, de Droit et de Politique, il en sera encore question, car aujourd'hui, le sort du Président HABRE n'est pas entre les mains des Chambres Africaines mais entre celui du Conseil Constitutionnel.
Oui, M le Président, à nouveau, la justice sénégalaise aura, entre ses mains, le sort du Président HABRE, et pour la première fois, le Conseil Constitutionnel devra se prononcer sur les innombrables violations et atteintes aux droits fondamentaux du président HH ! C’est un véritable coup de tonnerre qu’on tente d’étouffer.
M le Président ! Que n'a t-on pas fait pour empêcher que l'affaire HABRE n’arrive sur la table de l'institution, gardienne de la Constitution, mais aussi garante de l'Etat de Droit.
Pour éviter le Conseil Constitutionnel, le pouvoir politique a organisé la suppression de la saisine individuelle du Conseil Constitutionnel, mais aussi a esquivé, comme l’exige pourtant la loi, l'avis du Conseil Constitutionnel sur l'accord entre l'UA et le Sénégal. Autant d'aveux d'inconstitutionnalité !
Oui, M le Président, le sort du Président HABRE et celui de notre famille n'est pas, entre les mains des Chambres Africaines financées par DEBY, mais bel et bien, entre celles de la justice sénégalaise, du Conseil Constitutionnel.
M le Président, les juges sénégalais ont déjà dit le Droit dans l'affaire HABRE, et ce à six reprises. Il revenait aux autorités politiques de respecter les décisions de justice conformément aux exigences d'un système démocratique.
Vous relèverez comme moi, que, butant sur l'autorité de la chose jugée qui se rattachait à ces décisions de justice, jamais plus, les ennemis du Président HH n'ont réintroduit des plaintes devant la justice sénégalaise. Ils ont eu recours à une stratégie de contournement des décisions posées par la justice sénégalaise, contournement aussi de l'Etat de Droit !
Un État de Droit est un État qui se soumet au Droit, qui respecte les décisions de justice, assurant ainsi la sécurité juridique et la paix sociale à tous, sans distinction et sans discrimination.
Or, M le Président, l'affaire HABRE est une affaire de discrimination ! Discrimination criarde et choquante, quant elle a consisté à la mise en place d'un tribunal pour le re-juger, lui seul. Discrimination flagrante quand ces lois d'exception disparaîtront dés qu'on aura "fini avec lui".
Discrimination affligeante par la création d'un circuit parallèle,(les chambres africaines) un circuit "bison futé" attentatoire à ces droits fondamentaux dont vous et le Conseil Constitutionnel êtes pourtant garants.
En 2000, au début de l'affaire, le juge Demba Kendji avait posé (en violation totale des droits du Président HABRE) dans son ordonnance de résidence surveillée : "Vous n'avez pas le droit de parler des faits qui vous sont reprochés à la presse.". Aujourd'hui, l'emprisonnement arbitraire du président a, pour objectif, de le réduire au silence, on constate bien, du début à la fin, de cette opération de liquidation que les intentions sont les mêmes bien que, les exécutants appartiennent à des régimes différents qui ont chacun, curieusement estimé, que le président HH n'avait que le droit de se taire !
M le Président, qu'avons nous constaté, une fois, qu'on a fait taire le Président par des méthodes illégales ?
Nos Avocats sont menacés, qui de sanctions disciplinaires, qui de plainte devant le bâtonnier, qui subit de multiples tracasseries. Est-ce normal et conforme à l'Etat de Droit dont vous êtes garant ?
Pour vous avoir écrit deux lettres, je fais l'objet de menaces directes, d'insultes, et des messages indirects me sont envoyés, par rapport à mon engagement à défendre mon époux. Est-ce acceptable ?
M le Président, l'affaire HH n'est pas une distraction médiatico-politique. C’est une lutte menée par des gens féroces et sans scrupules qui ont déjà réussi à priver le Président HH de sa liberté.
Face à cette adversité multiple et puissante, nous nous sommes battus à armes inégales, en ayant foi dans un processus démocratique. Nous avons mené cette guerre pour notre liberté, pour la défense de nos droits et pour l'avenir de nos enfants.
Aujourd'hui, à nouveau, la justice sénégalaise à travers le Conseil Constitutionnel devra se prononcer sur les questions juridiques que pose la traque politique du Président Habré.
Nous gardons foi en elle, qu'elle dise tout simplement le Droit.
La tâche ne sera pas facile, car la stratégie a été de courir, de kidnapper, de poser des actes. Se sachant hors la loi, ils veulent imposer leur loi; la loi du fait accompli, et faire pression sur les juges pour que tout ne soit pas remis en cause.
L'histoire retiendra, M le Président, que ce ne sont ni le peuple tchadien, ni le peuple sénégalais qui auront condamné le Président HH. C’est inestimable pour moi.
Pour terminer, M le Président, sommes-nous seuls dans cette lutte que nous menons ?
Non, je ne le pense pas. De nombreuses personnes, avec cœur et au nom du Droit, nous soutiennent et sont à nos cotés.
D’autres encore, impuissantes, prient et sont entrés en guerre mystique conformément, à nos réalités africaines qu'elles soient au Tchad, au Nigeria, en Arabie Saoudite, au Sénégal ou ailleurs.
M le Président, la guerre que nous menons, n'a rien à voir avec le bruit
(médiatique) mais plutôt avec le silence, le silence face au complot, face à l'injustice, face à l'affaissement de l'Etat de Droit au Sénégal, comme le démontre la traque politique du président HABRE.
Le Président HH a déjà perdu sa liberté, et ce avant la moindre enquête, preuve de la férocité de nos ennemis.
Aussi, M le Président, dans la nuit noire du complot, je garde l'espoir qu'il y ait des Juges dans ce pays qui diront le Droit, à l'instar de ceux de la Cour de Cassation, de la Chambre d'Accusation parce qu'ils sont un des piliers de la démocratie sénégalaise, garants des droits fondamentaux de tous, mais aussi, gardiens de la Constitution.
Je garde espoir que le sort d'un homme ne fasse, sans cesse, l'objet de marchandages à coups de pétrodollars et de soutiens politiques. Je garde espoir, que la Justice ne devienne une arme de destruction politique.
Un espoir ; a candle in the night !
«Haram aw Halal» (La fin justifie les moyens)
Mme Fatimé Raymonne HABRE