Quel combat pour le peuple ?
Le peuple sénégalais est septique. Il a le sentiment d’être tenu a l’écart, de ne pouvoir se faire entendre qu’une fois tous les cinq ou sept ans. Il faut réhabiliter la politique. Une politique basée sur une éducation, sur des convictions et des valeurs. Sur une formation citoyenne des populations pour qu’elles puissent participer a la vie politique du Pays, en tout cas de s’y intéresser et de la comprendre.
Pour un citoyen doué moyennement de bon sens, le jeu politique actuel, avec ses éclats artificiels, ses représentations aseptisées, et ses ambiguïtés, est strictement réservé à quelques professionnels du machiavélisme. Les citoyens sénégalais ne peuvent plus effectuer le juste partage entre les mythes et le quotidien, le réel et l’imaginaire, le présent et le futur. Ils sont nourris de fantasmes grâce auxquels leurs dirigeants pensent agrémenter leur politique spectacle.
Au deuxième tour de l’élection présidentielle, nous savions parfaitement que le peuple ne pouvait se soustraire à l’épreuve du choix cornélien en optant de porter au pouvoir une partie d’une même famille politique. En l’an 2000, le peuple a vécu avec amertume, regrets et désolations le «TOUS CONTRE DIOUF» qui nous a produit «WADE». Douze ans après, «LE TOUS CONTRE WADE» avec les mêmes animateurs, les mêmes acteurs, et le même discours, ne peut que nous produire une situation parfaitement similaire. Sinon pire.
L’opinion publique est convaincue que «l’alternance prolongée» ne changera pas fondamentalement et positivement sa vie. Comme on le sait, le changement que l’on nous promet représente le type de ces ambiguïtés avec lesquelles le peuple est plongé dans la confusion. Le mot figure comme un leitmotiv obligé dans tous les discours. Sa musique est harmonieuse, mais son contenu effrayant. Il a beaucoup servi. Mais chacun peut deviner aisément que le changement n’est pas synonyme de progrès et de développement. Il peut signifier parfois échec ou déclin.
Pendant que le peuple aspire à un changement radical de sa condition d’existence, les dirigeants ne lui servent qu’un changement d’équipe et d’hommes qui ont tous la même vision, la philosophie, les mêmes manières de faire... Depuis quelque temps, le peuple est soumis à un mouvement tourbillonnant d’alliances et d’hostilités, d’obsessions et de séductions. Mouvement d’autant plus déstabilisateur que ce peuple est totalement noyé dans une marre d’anti valeurs sociales, et envahi par les pourritures politiques appelées souvent transhumants. Cette race, qui constitue cette «Camorra» sénégalaise, a géré notre pays pendant douze ans avec une rapacité et une boulimie hors du commun. Cette forme de gouvernance et d’exercice de pouvoir persiste encore. Gouvernance affairiste, accapareur de tous nos biens, de nos terres et pillards de toutes nos ressources du sol, du sous sol, et de notre Trésor public
Il appartient donc au peuple d’être vigilant. Il ne doit pas se laisser divertir par la présente traque des prédateurs de la République, cette traque qui occupe toujours et sans concession les devants de l’actualité. Elle ne laisse aucun espace à un débat ou à une cogitation intelligente portant sur les urgences et les préoccupations fondamentales et populaires. Cette situation commence à confisquer l’oxygène de l’air et à étouffer le peuple. Cette traque n’est point une demande sociale comme tentent de le justifier les nouveaux gouvernants. Le brave peuple sénégalais attend toujours stoïquement, mais fermement, le respect des engagements et promesses électorales. Le peuple attend chaque jour la réduction du coût de la vie, l’accès facile aux denrées de première nécessité qui commencent à être hors de portée pour l’écrasante majorité du peuple, la renaissance du civisme et de la citoyenneté, la restauration des valeurs de dignité, le nettoyage des mœurs politiques... Le peuple sénégalais aspire aussi à vivre une répartition plus juste et plus équitable des richesses nationales et le recul voire même l’éradication conséquente de la pauvreté.
Ne perdons pas de vue que ces vertueux de la République étaient tous là, pendant ces douze années cauchemardesques, au moment ou ceux-là qu’ils traquent aujourd’hui se sont livrés au pillage systématique de nos richesses nationales. Ils ont même applaudi au moment ou fut déclenché le processus d’accaparement de toutes nos richesses dont le coup de starter a retenti quand la célèbre phrase : «Nos soucis d'argent sont terminés» fut prononcée. Ils ont tous, sans exception, chanté la vision maléfique du prince qui, avec sa progéniture et sa cour, avala tout le produit des résultats éminemment positifs des années de sacrifice, d’ajustement structurel, et de dévaluation.
Tous les Sénégalais conscients, patriotes et soucieux du devenir du pays sont d’accord à ce que l’on inflige à tous ces mis en cause des sanctions à la dimension de leurs actes, s’ils sont réellement fautifs. Ces prédateurs ne méritent ni respect, ni considération. Mais il appartient aussi au peuple d’apprécier l’action de ceux qui gouvernent présentement, pour qu’il n’ait pas le sentiment de vivre une justice de vainqueur et s’assurer qu’on n’a pas in vitro le fœtus d’un futur Etat policier, revanchard, masquant habilement ses incapacités et ses inaptitudes à résoudre les urgences que le peuple attend depuis un an déjà. Le combat «pour la patrie» qui se déroule présentement sous nos yeux, oppose deux factions d’une même famille politique, et quelle que soit la nature, la profondeur et la durée des contradictions, elles finiront, dans un avenir pas très lointain, par se retrouver.
C’est pourquoi le peuple doit combattre la «COMEDIE» politique. Si on se donne le droit de conduire un pays et des hommes, on doit se créer le devoir impératif de mener de front l’immédiat, le conjoncturel, les lendemains et l’avenir.
Abdoulaye DIAGNE
Citoyen sénégalais