L’intervention en Centrafrique, fille de la décadence française
Au moins 144 fois par jour, au moins toutes les 30 minutes, un média mensonge comme France 24 martèle, en français, en anglais et en arable, le même message. Il en restera nécessairement quelque chose. La France - la civilisatrice, la capitale des droits de l’homme, la patrie des lumières – est en Centrafrique pour empêcher un pogrom pouvant résulter des affrontements confessionnels entre barbares africains de Centrafrique. A grand renfort de scènes de chaos, d’images de situations tragiques et traumatisantes, de discours culturalistes et racistes la France, gendarme d’Afrique, est présentée comme le pompier allé éteindre un incendie qu’elle a participé à allumer. Comment ne pas, avec Aragon, conchier la France marionnettiste et ses alliés locaux marionnettes ?
15 PROPOSITIONS, 16 STRATEGIES OU DU LAPSUS SEMI COLONIAL
La météo économique n’est pas bonne pour la France impérialiste et ses entreprises en Afrique. Sur les neufs premiers mois de l'année 2013, la Chine socialiste avec 4,95 milliards de dollars d’exportation devient en 2013 le premier fournisseur de l'Algérie devant la France qui suit avec 4,7 milliards. Entre 2000 et 2011, « la part de marché de la France au sud du Sahara a décliné de 10,1% à 4,7% ».
Entre 2005 et 2011, la part de marché de la France a fondu de 18 points en Côte d'Ivoire, de 6 points au Sénégal et de 8 points au Gabon. En 2011 et 2012, la France fournit respectivement 12,8 et 11,8% des importations du Cameroun contre 10,8 et 10,4% pour la Chine. « En dix ans, la France a perdu la moitié de ses parts de marché en Afrique subsaharienne », a reconnu récemment Pierre Moscovici. Que l’on est loin, par exemple, de 1996 où la France était premier fournisseur de l’Afrique avec 21% des parts de marchés et une balance commerciale bénéficiaire de 30 milliards de francs français.
Devant la perte de beaucoup de marchés, l’état d’esprit de rente français réagit. Peu importe où les parts de marchés perdus se trouvent dans le monde, l’impérialisme français considèrent que la géographie se trompe, et qu’elles sont situées en France surtout lorsqu’elles sont dans son ancien empire colonial. Le Zambèze doit venir au secours de la Corrèze !
On raconte que Thomas Joseph Dunning répondant à un auteur de la Quaterly Review déclara que : « le capital fuit le tumulte et les conflits. Il est peureux de nature ». Et Karl Marx de répondre : « Cela est très vrai, mais n'est pourtant pas toute la vérité. Le capital a horreur de l'absence de profit ou des très petits profits comme la nature a horreur du vide.
Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez lui 10 pour cent, et on pourra l'employer partout ; à 20 pour cent, il s'anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n'est pas de crime qu'il n'osera commettre, même s'il encourt la potence. Si le tumulte et les conflits rapportent du profit, il les encouragera l'un et l'autre.
La preuve : la contrebande et la traite des esclaves. ». Les dernières preuves contemporaines : la Libye, le Mali, la Côte d’Ivoire et maintenant la République Centrafricaine. Les intérêts en jeu dans ces machins de la France que sont la RCA, les pays de la zone franc…sont compris entre 100 et 300%.
Estampillé « interreligieux » le conflit en cours en RCA est « Made in France » et constitue un alibi commode pour justifier une intervention militaire dans le but de tenter de contribuer à répondre aux questions géostratégiques auxquelles l’Hexagone est confronté. Il s’agit d’une stratégie de « containment » des percées chinoises et de soumission de la RCA à sa domination. Et ce n’est pas la première fois.
Si Bokassa a été préféré, un moment donné, à Dacko c’est à cause du rapprochement de ce dernier avec la Chine. Car voyez vous, si rien n’est fait, toute l’Afrique risque de devenir « chinoise » (sic !) et cela entraînerait un « moins de France ».
Avec plus de 5 millions en réalité de chômeurs, avec la crise dans laquelle elle ne cesse de s’enfoncer, avec les délocalisations, avec les suppressions d’emplois…c’est plus que ce que la France impériale dans sa décadence ne peut supporter. Le complexe de Fachoda a la vie dure. Eviter la FaCHINA est devenue un impératif.
Une chance pour la France, un malheur pour la Centrafrique
44e superficie mondiale, frontalière avec 6 pays (Le Cameroun, le Tchad, les deux Congo, les deux Soudan), riche en uranium, or, pétrole, diamant et occupant une position stratégique en Afrique d’où son nom, la Centrafrique est considérée par la France colonialiste comme sa chose. Derrière les 5 coups d’état qui s’y sont produits, la France est omniprésente.
La Centrafrique, tout comme tous les pays de la zone CFA, fait partie de ces pays « marchepieds indispensables » à l’audience de l’impérialisme Français dans le monde. Bangui a été utilisé comme base arrière aux opérations Manta et Epervier (Tchad) et Turquoise (Rwanda).
La RCA, c’est aussi le refus de Patassé de l’utilisation par la France des installations locales pour l’opération Pélican (Brazzaville), ce qu’il a payé en étant viré par un putsch comme s’est le faire la Françafric. La Centrafrique n’a en outre pas encore cessé d’être « un verrou aux portes d’un Soudan de moins en moins fréquentable » et qui a été divisé entre nord et sud par l’impérialisme US en s’appuyant sur des potentats locaux du sud qui s’entredéchirent maintenant à leur tour pour le pétrole.
La France impérialiste est une malchance pour la Centrafrique ! La Centrafrique est une chance pour la France colonialiste! La preuve : la Centrafrique, c’est ainsi la 2e espérance de vie la plus faible du monde, le 5e taux de mortalité par maladies infectieuses et parasitaires le plus élevé au monde, 176 enfants sur 1.000 qui meurent avant 5 ans…10e rang mondial des pays touchés par le SIDA avec un taux de 16,5%. C’est une partie du prix à payer pour le rayonnement prétendument universaliste de la France des lumières qui ne brillent que pour le profit maximum de ses firmes transnationales prédatrices. Pour que…C’est de l’enfer des semi colonies qu’est fait le paradis des impérialistes et de leurs suppôts locaux, réactualiserait assurément un Victor Hugo.
Cette vérité, il faut la cacher ou la travestir. A tel point que des africains classeront les tenants de ce discours d’adeptes de la victimisation et du rejet de leur propre responsabilité sur la France bienfaitrice. « Travaillant pour elle seule, exploitant pour elle seule, massacrant pour elle seule, il est nécessaire [à la bourgeoisie] de faire croire qu’elle travaille, qu’elle exploite, qu’elle massacre pour le bien final de l’humanité. Elle doit faire croire qu’elle est juste. Et elle-même doit le croire (...) ». Le mot d’ordre est clair ! Cacher ces hérésies qu’il ne faut surtout pas vulgariser. Par de pareilles vérités les âmes semi colonisées sont réveillées et cela fait venir de révolutionnaires pensées.
Mauvais nègre et interventionnisme à géométrie variable
Le Dr. Assoa Adou rappelait « (…) que la France n’a pas voulu actionner, au début de la guerre, les accords de défense qui la lient à la Côte d’Ivoire en prétextant un conflit ivoiro-ivoirien, accords déclarés caduques de fait par la France elle-même, par la voix de sa ministre de la défense, Alliot-Marie. ». Ici le caractère centrafrico-centrafricain du conflit n’est pas un obstacle à l’intervention. Elle a besoin d’intervenir ! Et puis – la belle trouvaille ! – la Centrafrique est au « bord du génocide ».
Confirmant que « quand un régime en vient à contrarier Paris, à s’en éloigner, voire à envisager un peu trop concrètement un changement d’alliance, il n’est pas rare de voir la France soutenir directement (intervention militaire ou soutien militaire et financier) ou indirectement (refus d’intervenir pour sauver la mise au partenaire africain) les auteurs d’un coup d’Etat ». Au Mali c’est l’inverse qui s’est produit, car ce sont les « amis » serviles qui ont été renversés un 22 mars pour avoir trahi l’armée et le peuple et joué avec l’intégrité territoriale au profit des séparatistes pro-français du Mnla.
Gendarmeries africaines et absence de souveraineté militaire
Aujourd’hui, tous les panafricanistes démocrates et révolutionnaires se posent la question sur les raisons de l’incapacité des forces armées et policières centrafricaines (comme au Mali) à assurer la sécurité de la population.
Comment cela se fait-il que nos armées africaines ne puissent pas faire face à des jacqueries armées ? Telle est l’autre question légitime après celle de savoir la raison véritable des interventions armées colonialistes de la françafric mensongèrement habillées du voile humanitaire, sécuritaire, démocratique. Après le Mali, c’est au tour de la Centrafrique dont la rapidité de l’effondrement est plus que révélateur d’un mal commun. Le domaine militaire est un des membres malades d’un corps malade.
En réalité il y a une imbrication inextricable entre les matières premières et le militaire. La puissance de l’armée d’une semi colonie est inversement proportionnelle à sa richesse naturelle. La France impériale s’est arrangée pour être durablement incontournable en créant après les indépendances octroyées des armées réduites à leur plus simple expression et dont la fonction est d’être gardienne contre son peuple des intérêts des pilleurs impérialistes et des pro-consuls africains de la françafric.
Des armées d’apparat formées pour assassiner des Barthélémy Boganda, Modibo Keïta, Lumumba, Sankara, Cabral, Moumié, Osendé Afana ; pour casser de l’étudiant et broyer de l’élève ; pour voler des urnes bourrées et protéger un candidat illégal et illégitime. Des armées dont les dirigeants sont plus préoccupés à jouir de privilèges dans les différents théâtres d’intervention à travers le monde. Des armées dont les éléments formés ne sont que des chevaux de Troie de l’impérialisme. Des armées qui sont tout sauf nationale, démocratique, populaire. Pas d’armée nationale sans politique souveraine nationale !
Les conséquences de 60 ans de collaboration de l’Afrique indigne avec l’impérialisme ne se limitent pas aux seuls domaines du sport, de la culture… Voilà pourquoi le constat est bien celui d’un Guy Labertit : « Les armées africaines formées ou instruites par la France se révèlent peu opérationnelles ».
La Centrafrique fait partie de ces pays qui se sont engagés, entre 1960 et 1963, « à faire appel exclusivement » à la France en matière d’entretien et de fournitures de matériels et équipements militaires. Pire, David Dacko, premier président de la Centrafrique, s’était aussi engagé, comme les Senghor, Ahidjo, Tombalbaye, Boigny, Ould Dada, à :
« a) Informer la France de la politique qu'ils entendent suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques, ainsi que des « mesures qu'ils se proposent de prendre pour l'exécution de cette politique » ;
b) Faciliter, au profit des forces armées françaises, le stockage des matières premières et produits stratégiques; et lorsque les intérêts de la défense l'exigent « limiter ou interdire leur exportation à destination d'autres pays »;
c) Réserver par priorité la vente de leurs matières premières et produits stratégiques à la République française, après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s'approvisionner par priorité auprès d'elle, ».
C’est ce monopole colonial qui est en jeu. La Centrafrique comme chasse gardée de la France colonialiste est l’enjeu. L’agonie est d’autant plus violente que les intérêts sont importants. « Sanguiri » n’est que le copier-coller semi colonial de l’ « opération Barracuda ». Contre Bokassa hier et Bozizé aujourd’hui. Pour Dacko hier et Djotodja aujourd’hui flanqué des armées françafricaines comme celles du Tchad d’Idriss déby.
Notre défense est à l’imagine de notre économie : extravertie ! Notre agriculture, notre pêche, notre industrie…ne servent que les besoins extérieurs, particulièrement occidentaux, nos armées sont de la même extraversion faisant d’elles de véritables brigades de gendarmerie et non des armées dignes de ce nom.
Seuls les pays ayant une orientation clairement souverainiste ont tenté de se donner les moyens de leur volonté politique. Ainsi, il a fallu l’aide des impérialistes pour faire tomber la Libye de Khadafi. L’anti-national Conseil National Syrien (CNS) n’est toujours pas venu à bout du régime de Bachar. Tout le contraire des gendarmeries malienne, centrafricaine. L’Iran, l’Inde, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Venezuela, l’Equateur, la Bolivie…complètent la liste.
Dis-moi quelle politique tu mènes et je te dirai quelle politique de défense tu as.
Guy Marius Sagna Le 31 décembre 2013