Publié le 13 Dec 2013 - 16:32
LIBRE PAROLE

 La preuve par Mandela

 

« Gor sa wakhdja » Proverbe wolof

« La mort est inévitable. Quand un homme a fait ce qu’il considère être son devoir envers son peuple et son pays, il peut reposer en paix. Je crois avoir fait cet effort, et c’est pourquoi je dormirai pour l’éternité ». Nelson Mandela

 

Un homme gigantesque, face à l’immensité de la mission, a su rester un homme simple parce que conscient d’être essentiellement  mortel. Face à l’histoire il s’est laissé gagner par la tentation de la postérité. Il a alors engagé la bataille de tout un peuple en devenant peuple et le peuple Madiba. De cette détermination fusionnelle, il dira au blanc oppresseur vivons en paix et en harmonie, pour éviter que le sang ne gicle de nos différences. 

Face à l’adversité féroce d’un système aveugle de convictions meurtrières, Madiba a su devenir qui il est, un humaniste profond, nourri à la sève des fruits portés par les terres xhosa spoliées, des vers de chaka zulu et de INVICTUS. Après 27 ans de rigueur carcérale, il ne s’est donné d’autre dessein que le pardon et la négociation pour mieux contraindre l’ennemi.

Des rigueurs de la séparation, il sut dire la beauté de la fougueuse Winnie que d’autres que lui admirèrent d’une légitimité coupable. Reconnaissance de conséquences possibles d’une prise de risques dans une vie de militante marquée du sceau de la stratégie du bord du gouffre. Elle et toute une génération avançaient à pas de funambule sur le fil si fragile de leur vie. Madiba, c’est  une vie de douleurs rythmée par les pas de danse auxquels, ni lui, ni son peuple n’ont renoncé ; et dont la mort scelle la  victoire.

Quand des figures historiques de cette trempe disparaissent, nous y allons tous de nos vers et de nos larmes ; tous, je dis bien tous, y compris ceux- là dont le récit de vie et les relations au peuple et au pouvoir sont la parfaite antithèse de la trajectoire de Madiba. Ils ont choisi la course aux titres, aux biens terrestres et à la ruse pour exister et enseigner à leurs concitoyens qu’en politique, ce n’est que l’art de la fourberie, des complots et des meurtres qui compte ;

Madiba invite les jeunes générations de nos pays encore fragiles et en construction à s’inspirer des valeurs de sacrifice, de sens de la vérité et du travail et non des détestables leçons de cannibalisme  et de supercherie démocratique enseignées par une certaine vieille génération pour gérer le destin de la cité.

De cette source-là, les jeunes générations doivent s’éloigner, car infectée du poison du superflu et du mensonge ; et s’abreuver alors, jusqu’à plus soif,  des torrents d’espoir charriés par les vies des gens de bien. Il faut choisir.  

La preuve par Mandela nous informe qu’un homme, des hommes ont fait le choix de se tenir debout et de combattre en ayant l’espoir ténu et tenace solidement accroché au cœur et avec comme ombre la mort au quotidien,  au moment où d’autres, noirs comme eux, alliés à l’oppresseur blanc, avaient  fait le choix de vie morbide et lâche de tirer sur les enfants noirs de Soweto.

Alors pourquoi  nous  autres, bénis de l’opportunité historique de n’avoir point frayé avec l’indignité du totalitarisme aveugle, ne pouvons-nous point enfin prendre nos destins en main et relever les défis de notre développement tellement évoqué mais toujours retardé ?

En réalité, il nous faut transformer profondément le paradigme de la jouissance et de l’épicurisme comme à la fois objectif et récompense d’efforts politiques fournis pour l’obtention du pouvoir. A nous, jeunes nations sous développées, nous sont encore plus exigibles la foi en soi, la fidélité aux convictions et la rigueur dans les options qui engagent nos Etats et nos citoyens.

Si seulement, ceux parmi nous, qui sont disqualifiés pour saluer la mémoire de l’illustre disparu, pouvaient observer un silence respectueux et épargner le monde de cette dissonance de voix chevrotantes d’émotion feinte.  Nos oreilles souffrent, nos yeux pleurent de leurs prosternations  qui ne retiennent rien de sa leçon de vie et de combat, tant ces bourreaux sophistiqués des temps modernes peuvent, hélas un peu trop souvent,  mépriser les espoirs de leurs mandants dans des systèmes dits démocratiques. 

Du rituel des élections régulièrement tenues, qui le plus souvent ne changent en rien des vécus éprouvés, nous subissons le caractère fade de leaders si ordinaires, sans rêve, sans ambitions, armés de discours soporifiques à la mesure d’actions assassines de banalités. Parce que pour eux, en fin de compte, le but de l’engagement, c’est le pouvoir.

Que vaut une armée  d’hommes et de femmes aux convictions molles et malléables au gré des seules offres de pouvoir dans des nations ou tant de choses restent à construire ? Et pourtant,  Madiba nous parle et nous dit que la politique qui consiste à assumer ses convictions quoi qu’il en coûte est possible. Il nous en administre la preuve éclatante à travers un verdict sans appel. Oser faire face. Remplir sa part de vérité sur terre.

Confortés dans cette certitude qui nous  tenaillait, nous décrétons que faire la politique autrement devient un destin impératif. Vivre selon et dans la vérité ; non pas qu’on aborde l’entreprise en saint ou en hercule, mais humblement, comme un être à la fois faillible, fragile, résolu de devoirs bien faits et de vérité.   

De l’histoire des  grandes figures qui ont marqué leur temps et leur siècle, il apparait clairement que dans un rapport dialectique indissociable entre le bien et le mal, l’humanité sait reconnaitre ceux qui l’ont rendue meilleure. Il faut choisir son camp car les nations chanteront  les leurs vrais, nourris de desseins nobles.

Mandela, l’intégral humain dont la simplicité, le sens des choix graves, et l’humilité dans le sacerdoce auront consacré la grandeur éternelle, est une preuve que les persévérances face aux adversités les plus féroces sont porteuses de fruits comestibles par les générations futures. Il est des hommes et des femmes que la main de Dieu modèle et rend exceptionnels.

Tout le monde n’est pas lui, il est vrai, mais soyons juste tentés par la postérité. Pas de cette obsession et de ce péché de reconnaissance de soi, mais de cette éternité que confèrent les actes posés, et qui s’impose comme une évidence historique devant laquelle l’humanité s’incline. Il n’est pas trop tard et l’espoir palpite. "Et, en vérité, pour arriver, faut-il bien se mettre en route"(Talleyrand).

Si sous nos cieux, Dieu est le Maitre de nos destins, Mandela est la preuve que nous pouvons en être les artisans infatigables.

Dakar le 5 décembre 2013

Katy Cissé Wone

 

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