Suppression de la cooptation dans le recrutement dans le Corps des Inspecteurs Généraux d’Etat
Monsieur le Président de la République,
Je viens, respectueusement, attirer votre attention sur ce qui suit :
Pour avoir occupé des fonctions éminentes dans notre Administration, vous savez, mieux que moi, le rôle irremplaçable que l’Inspection Générale d’Etat joue dans les missions de contrôle et d’investigation, qui lui sont assignées, missions qui constituent la condition sine qua non d’une Administration bâtie sur les valeurs de transparence, de respect des normes de droit et de bonne gestion.
C’est pourquoi, l’Administration coloniale avait mis en place un Corps d’Inspecteurs des Affaires administratives, dont la rigueur morale, le courage, l’intégrité et la compétence professionnelle, en général, forcent, aujourd’hui encore, l’admiration, quand on lit leurs rapports, dont certains datent, pourtant, du début du XXe siècle.
Le Gouvernement du Sénégal, s’inscrivant dans la même tradition, s’est doté, au lendemain immédiat de l’indépendance, d’un Corps d’Inspecteurs Généraux d’Etat, dont le bilan global de l’action entreprise est unanimement apprécié, loué et respecté.
S’il en est ainsi, c’était parce que les Inspecteurs Généraux d’Etat étaient recrutés par concours dans les Corps les plus prestigieux de notre Administration. Il n’y avait ni faveur, ni patronage. En permettant de ne recruter que les meilleurs, on en a fait un Corps d’élite.
Or, voilà que, pour des raisons que personne ne peut, valablement, expliquer, on a, un beau jour, décidé d’ouvrir le Corps des Inspecteurs Généraux d’Etat à certains diplômés, ou à certains fonctionnaires, choisis sur la base de critères plus que discutables, par simple cooptation, dans laquelle, les considérations partisanes, la cote d’amour, les liens de parenté, la volonté d’accaparement, la proximité politique ne pouvaient, évidemment, pas être absents.
Cette entorse à la méritocratie, qui était, auparavant, conférée par un concours ouvert à tous les ayants-droits, constitue un anachronisme auquel, il me semble urgent de remédier, pour que plus personne ne puisse se prévaloir d’un titre, d’un grade ou d’une fonction auxquels, sont attachés des avantages matériels, des privilèges de carrière importants, un prestige et un respect, en passant par la voie du recrutement par cooptation.
A l’heure où notre démocratie fait figure de modèle en Afrique et dans le monde, il ya, là, une exigence d’autant plus dirimante, que la démocratie sans justice et égalité des citoyens dans les possibilités de carrière, de promotion et dans l’accès aux fonctions éminentes est une fausse démocratie.
Certes, cette situation ne date pas de votre avènement, ni de celui du régime que vous avez remplacé. Il est un héritage de la gestion du Parti Socialiste, pendant les années où l’autoritarisme et le favoritisme primaient sur le droit.
Convaincu que ma démarche ne restera pas sans suite, je rappelle, en guise de conclusion, en ce mois béni de Ramadan, ces propos de l’Imam Ali, Commandeur des Croyants, qui a prescrit à l’intention de tous ceux qui ont la responsabilité de présider aux destinées d’une communauté, ces préceptes d’une actualité inaltérable :
''Il ne faut surtout pas…accorder des privilèges dans des domaines où les hommes sont égaux'',
avant d’ajouter, plus loin :
''Traite chacun d’eux comme il le mérite''.
En vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, les assurances de mon profond respect et de mon entier dévouement aux intérêts supérieurs de notre patrie commune.
Professeur Iba Der THIAM
Agrégé de l’Université
Docteur d’Etat
Ancien Ministre
Ancien 1er Vice-président de l’Assemblée Nationale
Député
Villa 5257 SICAP Liberté IV
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DAKAR (Sénégal)