La révolte de Sinthiou Kéba

Au nom du droit coutumier, les populations du village de Sinthiou Kéba sont sorties avant-hier, armées de coupe-coupe et de gourdins, pour barrer la route aux prédateurs fonciers qui veulent accaparer leurs terres en morcelant des parcelles de 20/20. Heureusement, le pire a été évité de justesse.
Bastion des anciens villages sérères précoloniaux du Sine, Fandène, situé à 7 km à l’est de la ville de Thiès, fait aujourd’hui l’objet de convoitises. De folles convoitises foncières ! A l’image de ce qui se passe dans les autres communes de la région de Thiès (le cas de Ndingler). Jusque-là épargnée par la guerre des terres, la commune, dirigée par le ministre, directeur de cabinet du chef de l’État, Augustin Tine, est désormais guettée par les prédateurs fonciers qui font le tour des localités en quête perpétuelle de terres.
Fandène a donc rejoint le cercle des zones surveillées de près par les spéculateurs. Car, avant-hier, les populations du village de Sinthiou Kéba, situé sur la route de Mont-Rolland, ont sonné la révolte. Elles ont eu la surprise de leur vie. Ces autochtones ont constaté que des inconnus avaient fini d’encercler leurs maisons en y plantant des bornes. Ici, ceux qui sont chargés du morcellement ont préféré des parcelles de dimensions 20/20. Armés de coupe-coupe, mais aussi de gourdins, les habitants de Sinthiou Kéba ont investi la partie bornée pour, disent-ils, empêcher le bradage des terres qui leur ont été léguées par leurs ancêtres. La tension y était vive. Habitants et lotisseurs ont failli en venir aux mains. Heureusement, le pire a été évité de justesse, après des conciliabules. Déterminées à y habiter jusqu’à la fin de leurs jours, les populations de Sinthiou Kéba disent ne pas être prêtes à céder. Le niet des villageois est sans appel.
L’appel de Sinthiou à Macky Sall et au maire
Selon leur chef de village, c’est une question ‘’de vie ou de mort’’ et il n’est pas question de bouger. ‘’Nous habitons dans ce village depuis pratiquement cinquante ans. Ce n’est pas maintenant que des gens vont venir de je ne sais où pour accaparer nos terres. Ça ne passera pas. On préfère mourir que de céder nos terres. Ceux-là qui veulent accaparer nos terres nous trouverons sur leurs chemins. On ne bougera pas d’ici. Nous y habitons. Par conséquent, nous y resterons. D’ailleurs, les populations sont sorties en masse pour dire non à ce bradage. Personne ne peut nous déloger’’, a prévenu Mody Sow.
Très en colère, le chef de village de Sinthiou Kéba renvoie les spéculateurs fonciers vers d’autres localités. Il persiste et signe : cette forfaiture ‘’ne passera jamais’’. Ce projet, dit-il, a échoué. ‘’On ne sait pas d’où sont venus ces gens-là. Ils ont fini de planter sur un kilomètre et demi des bornes, et même jusque dans nos maisons. C’est comme si on n’existait pas. Ceux qui sont venus pour lotir l’ont fait sans notre consentement. C’est pour cette raison qu’on a riposté avec nos armes blanches. Ils vont tout retirer’’, a poursuivi le patriarche. Pour mettre fin à cet imbroglio foncier, le chef du village de Sinthiou Kéba et ses administrés ont tendu la main au maire Augustin Tine et au chef de l’État Macky Sall. Ousmane Sow indique qu’il appartient à ces deux autorités de se prononcer sur cette question ‘’avant que l’irréparable ne s’y produise’’. Pour lui, tous les deux, doivent réagir pour faire cesser tout bradage ou tentative de bradage de leurs terres.
Enjeu de taille et symbole de ‘’guerre’’, le foncier est devenu une problématique nationale. A Sinthiou Kéba, les populations veulent la régularisation de leur assiette foncière pour être à l’abri des prédateurs de l’heure.
GAUSTIN DIATTA (THIES)