Publié le 3 Aug 2024 - 11:05
LONGUE TRAVERSEE DU DESERT AUX JO

Pourquoi le Sénégal ne brille pas ?

 

Depuis 1988 avec Amadou Dia Ba, le Sénégal peine à trouver le chemin d’une nouvelle médaille olympique. C’est à se demander si l’ambition des dirigeants sportifs est de hisser haut le drapeau national ou tout simplement de rester d’éternels participants.

 

Le plus important c’est de participer. Cette devise des Jeux olympiques, le Sénégal se l’est bien approprié. Depuis 1988, le pays a toujours répondu présent, mais jamais il n’a triomphé. Et il faudrait un miracle pour que Paris soit une exception. Journaliste sportif au quotidien sénégalais l’Observateur, Idrissa Sané estime qu’il ne faudrait pas s’en étonner. ‘’Le sport de haut niveau a ses exigences. On ne peut prétendre faire du haut niveau sans un minimum d’investissements. Tant qu'on continuera de fonctionner comme ça, pas d'infrastructures, pas de compétitions, pas de pratique à la base, on continuera de venir juste pour participer. Comme on dit : le plus important c'est de participer.’’

Pour Birane Hady Cissé de l’Agence de presse sénégalaise (APS), il ne faudrait surtout pas se tromper. Le problème au Sénégal c’est qu’on ne forme même plus d’athlètes. Le journaliste est revenu sur l’importance de vulgariser une véritable culture sportive dès le bas âge, en combinant notamment les sports et les études. Il déclare : ‘’A mon avis, on a mis la charrue avant les bœufs. On veut faire des résultats sans passer par la formation. Nous avons des potentialités énormes dans notre pays et dans presque toutes les disciplines, mais l'encadrement fait défaut. Quand on parle d'encadrement c’est de l'école primaire jusqu'à l'université.’’ Donnant l’exemple d’Amadou Dia Ba, seul médaillé olympique du Sénégal à ce jour, il a aussi insisté sur la nécessité de côtoyer les meilleurs pour faire partie des meilleurs.

Pourtant, le Sénégal était une référence dans le domaine de l’alliance entre le sport et les études. La soixantaine, Papa S. Kane, Sénégalais vivant en France, membre du Comité directeur de la Fédération française d’handisport, se rappelle le bon vieux temps à Dakar d’où il est originaire. ‘’Ma génération, nous avons appris le sport à l’école. Je me rappelle les confrontations entre écoles. On faisait du football, du handball, de l’athlétisme et tout. Maintenant, dans les écoles à Dakar et un peu partout, il n’y a même plus de terrain. Si nous voulons faire des résultats, il faut commencer par le B.a.-ba. Si nous nous y mettons tous et que nous travaillions dans ce sens, je pense que c’est largement à notre portée’’, souligne le vice-président du Comité régional Handisport de l’Ile de France.

Manque criard d’infrastructures, défaut de motivations des athlètes

En fait, si les athlètes et les talents ne manquent pas, il y a un déficit criard en infrastructures. Aujourd’hui, il n’y a presque plus d’espace pour la pratique de certaines disciplines. Seul le football et le basket ont pu étrenner récemment des stades dignes de ce nom dans le périmètre de la nouvelle ville de Diamniadio. Pendant ce temps, la plupart des disciplines se meurent. ‘’Il en est ainsi par exemple pour la natation avec la fermeture de la piscine olympique qui était la seule enceinte où nos champions pouvaient aller s’entraîner ; le judo avec la fermeture du dojo national…. Même pour l'athlétisme, il n’y a presque plus rien depuis la fermeture de Léopold Sédar Senghor. Heureusement, il y a maintenant le stade Abdoulaye Wade, mais malheureusement le site est un peu enclavé et les athlètes ne sont pas toujours outillés pour y aller pour leurs entrainements’’, renseigne Idrissa Sané de l’Obs.

A cause de ce manque d’infrastructures, il est difficile d’organiser de manière régulière des compétitions d’envergure ; occasion de détecter des pépites et de les encadrer. Aujourd’hui, rappelle Monsieur Sané, aucun de nos athlètes n’est véritablement formé en terre sénégalaise.  ‘’Soit c'est des binationaux qui sont établis en Europe. Soit c'est des Sénégalais qui arrivent à sortir du lot, on les met dans les circuits professionnels en leur octroyant des bourses pour aller se former à l'étranger, en Europe ou aux Etats Unis. Ces gens sont les seuls à pouvoir prétendre à une qualification ; c’est eux qui battent les records dans notre pays’’, fait-il constater, tout en signalant l’exception du taekwondo : ‘’Bocar Diop est le seul qui s'entraîne au Sénégal et qui est entraîné par un coach national. Tous les autres sont des athlètes qu'on a importés comme je dis. Nous importons même des athlètes.’’

Selon nos interlocuteurs, les Jeux olympiques de la jeunesse qui seront organisés au Sénégal en 2026 devraient constituer une opportunité pour changer de paradigme, non seulement par le renforcement des infrastructures sportives de qualité, mais aussi par le retour du sport à l’école.  ‘’Il faut faire en sorte que l'héritage acquis de ces Jeux profite à notre sport en général. Il y a forcément des infrastructures qui seront construites ou rénovées ; on a annoncé aussi des infrastructures de proximité dans la plupart des localités... Ce sera une bonne base qui peut nous permettre de mettre en œuvre une bonne politique sportive, à même de nous valoir des satisfactions d’ici quelques années’’, soutient le journaliste sportif optimiste, qui évoque également la lancinante question de la motivation des athlètes. ‘’Il faut le dire, en dehors peut-être du football et du basket, les autres reçoivent des miettes et cela n’est pas de nature à encourager leur vulgarisation... Si aujourd’hui en football, des jeunes sont prêts à tout sacrifier pour y faire carrière c’est parce que c’est un sport qui fait rêver….’’, souligne Monsieur Sané.

MOR AMAR

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