Guélâdio Hâm Bodêdio, le mythique héros peul
Exemple de courage et de générosité, Guélâdio Ham Bodêdio est un personnage légendaire qui fait la fierté du peuple peul d’Afrique de l’ouest. Par cet ouvrage composé de deux récits épiques, Aminata Wane retrace son parcours atypique pour l’offrir en exemple aux jeunes générations. Elle démontre par la même occasion l’intérêt des épopées dans la construction de nations fortes.
En Europe et dans certains pays du Moyen orient, les gens ont commencé la construction nationale en imaginant, parfois en inventant des histoires et personnages dignes de la mythologie. Souvent, ils sont présentés sous les plus beaux habits et donnés en exemple aux citoyens avides de modèles héroïques. Il en fut ainsi, rappelle Aminata Wane, dans ‘’Guélâdio Ham Bodêdio’’, en Grèce avec la geste d’Achille et d’Hector, l’Iliade et l’Odyssée, chez les Latins avec l’Eneide (ou épopée d’Énée le légendaire fondateur de la nation romaine), en France avec la Chanson de Roland….’’
Dans les pays d’Afrique, il en faudrait pour bâtir des nations plus fortes, plus fières et à même d’affronter l’avenir sous de meilleurs auspices. C’est du moins ce qui ressort de l’ouvrage précité. Revenant sur les modes de transmission des récits épiques à travers les temps et les espaces, l’auteure explique : ‘’Dans certaines civilisations, les récits épiques furent d’abord transmis d’un lieu à un autre et d’une époque à une autre de façon orale, avant de revêtir par la suite une forme définitive grâce à la traduction écrite. C’est le cas par exemple dans les différentes civilisations européennes, qui ont voulu perpétuer à jamais –tout en embellissant à profusion- la mémoire de héros parfois réels, souvent mythiques, mais toujours exemplaires.’’
Dans le continent, les fortunes sont un peu diverses à en croire Mme Wane. Les récits épiques restent toujours l’apanage des griots qui les transmettent de bouche à oreille. Ce qui a certes ses avantages, mais aussi ses inconvénients. ‘’La tradition orale, rapporte l’auteure, est plus vivante, plus riche et plus variée grâce au grand nombre des sources orales d’information.’’ Citant Diouldé Laya, elle ajoute : ‘’La tradition orale est de loin la source historique la plus intime, la mieux nourrie de la sève d’authenticité.’’
Par contre, le but avec l’oralité n’est pas toujours la fidélité dans la relation des faits, mais surtout de ‘’plaire, de distraire et de magnifier’’. Les héros, il faut ainsi les vivifier et non les ‘’tuer’’, semble dire Aminata Wane. Dans l’ouvrage, elle s’emploie à rendre immortel le digne fils du peuple Al pulaar, en écrivant ce qui n’était qu’oralité. Ce n’est certes pas chose aisée comme elle le reconnaît, mais elle l’a réussi avec beaucoup de talent, si l’on en croit le préfacier, Professeur Amadou Ly. Ce dernier de renseigner que ‘’cette époque évoquée d’un passé estimé plus glorieux, plus valorisant par rapport à un présent de déclin ou de franche déchéance permet de supporter les rigueurs et la honte du moment’’. A ce titre, continue-t-il, le livre d’Aminata Wane est un bel exemple dans lequel le peuple en perdition d’Afrique et du Sénégal peut puiser les forces pouvant lui permettre d’affronter les difficultés du moment et d’envisager un avenir plus radieux avec beaucoup plus d’espoir. D’où l’importance de ‘’Guéladio Ham Bodêdio’’, ou l’histoire d’un mythique héros peul.
‘’Sans honneur, que ferais-je de la vie’’
De son nom complet Guélâdio Ham Bodêdio Hammadi Ham Pâté Yella, le personnage principal du livre est un héros du 19ème siècle. Fils de Ham Bodêdio, un de ces chefs peuls qui se partageaient, au 18ème siècle, la vaste région de la bande du Niger, Guélâdio est contemporain à la fois de Cheikhou Amadou et de El Hadji Omar. Il est, pour les peuls du Sénégal, du Niger, du Mali et du Burkina une grande source de fierté, de générosité, de courage et de dignité.
Par exemple, explique l’auteure, lorsque Cheikhou Amadou voulut le remplacer par Gouro Malado comme Gouverneur du Pignari, il résista avec véhémence et se dit, selon Hampathé Ba : ‘’Sans honneur, que ferais-je de la vie ? Mourir est une loi inévitable, mais se laisser honnir sans réaction, c’est manquer de courage et de vertu…’’. Mieux, pour prouver la grandeur d’âme du guerrier peul, Aminata Wane informe qu’à la mort de sa maman, Guélâdio a fait don de toute la gourde d’or qui lui servait de patrimoine aux pauvres de son terroir. C’est là juste quelques exemples parmi tant d’autres que la dame de Lettres magnifie avec plein d’anecdotes, d’émotion et d’enseignements à travers deux récits.
Dans le premier, Aminata présente l’histoire de Fatimata Bâba Lobbo, qui était vendeuse de lait. A l’instar des membres de sa communauté, elle allait chez Sâ pour écouler son produit. Ce dernier était un chef Bambara qui prenait un malin plaisir à terroriser les laitières peules. Chaque jour, raconte l’auteure, avant de vendre leur lait, ces dernières devaient au préalable laisser la chienne de Sâ y plonger son museau et s’abreuver. Femme brave et de courage, Fatimata relève le défi d’aller vendre dans la cité ‘’interdite’’ sans que la chienne du roi ne souille sa marchandise. ‘’Le roi la fit venir, la fit torturer et l’envoya quérir un Peul capable de lui essuyer ses larmes…. Naturellement, elle fit appel à Guélâdio qui va régler le problème. Dans le second récit, l’auteure parle des deux preux Guélâdio et Silâmaka et de leurs griots respectifs le Sâkké Mabâl et le Mâbo Mabâl. Ce dernier décida de quitter son preux Silâmaka pour rejoindre Guélâdio. Le conflit était dès lors inéluctable, mais il fut évité de justesse.
MOR AMAR