La Russie lance un premier vaccin contre la Covid-19
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Enjeu économique, politique et stratégique, la découverte d’un remède contre le virus qui ralentit la marche du monde, depuis le début de l’année 2020, est une priorité absolue pour les grandes puissances internationales.
Dans la course vers la découverte d’un vaccin contre la Covid-19, la Russie vient de prendre de l’avance. Hier, c’est le président Vladimir Poutine qui a annoncé, dans des propos relayés par l’AFP, la ‘’bonne’’ nouvelle. ‘’Ce matin, pour la première fois au monde, un vaccin contre le nouveau coronavirus a été enregistré. Cela fonctionne assez efficacement, forme une immunité stable et, je le répète, il a subi tous les tests nécessaires. Cette (une) première étape très importante pour notre pays et généralement pour le monde entier’’, a-t-il déclaré.
Développé par l'institut Gamaleïa, le vaccin a été baptisé "Spoutnik V", en référence au premier satellite artificiel de la Terre lancé par l'Union soviétique en 1957.
Le centre de recherche russe devient ainsi le premier au monde à approuver un vaccin contre le coronavirus, bien que le produit n'ait pas encore terminé tous les essais cliniques. L'organisme scientifique n'a pas encore bouclé les tests de phase III sur des dizaines de milliers de volontaires, dans le cadre d'essais hautement contrôlés, un processus considéré comme la seule méthode pour garantir qu'un vaccin est réellement sûr et efficace. Partout dans le monde, plus de 30 vaccins sur un total de plus de 165 en cours de développement sont actuellement à différents stades d'essai sur l'homme.
Ce vaccin utilise deux souches d'adénovirus qui provoquent généralement des rhumes légers chez l'homme. Ils sont génétiquement modifiés pour amener les cellules infectées à fabriquer des protéines à partir du pic du nouveau coronavirus. A l’image de nombreux autres vaccins en cours de développement dans un certain nombre de pays, dans le but d'atténuer une crise sanitaire mondiale qui a tué au moins 734 900 personnes, il a effectué ses premiers essais sur des singes et des humains, avec un succès apparent, dit-il.
Un porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a précisé, devant les journalistes à Genève, que l'organisation onusienne basée à Genève discutait avec les autorités russes de la procédure, en vue d'une éventuelle "préqualification" du vaccin russe. Selon Tarik Jasarevic, pour obtenir ce sceau d'approbation, il faudrait ‘’un examen rigoureux des données de sécurité et d'efficacité’’ dérivées d'essais cliniques. Lorsque l'OMS "préqualifie" un produit de santé, cela signifie qu'il satisfait aux normes de qualité, d'innocuité et d'efficacité qu'elle a définies.
Les vaccins passent généralement par trois étapes de tests sur l'homme avant d'être approuvés pour une utilisation généralisée. Les deux premières phases testent le vaccin sur des groupes de personnes relativement restreints pour voir s'il cause des dommages et s'il stimule le système immunitaire. La dernière phase, connue sous le nom de phase 3, compare le vaccin à un placebo chez des milliers de personnes. Cette dernière phase est le seul moyen de savoir avec une certitude statistique si un vaccin prévient une infection. Et comme il teste un groupe beaucoup plus large de personnes, un essai de phase 3 peut également détecter des effets secondaires plus subtils d'un vaccin que les essais précédents ne pouvaient pas.
Aux Etats-Unis, l’on accuse les Russes d’utiliser des raccourcis
L’annonce du président russe n’a pas fait que des heureux. Aux Etats-Unis, l’article consacré à la nouvelle par le ‘’New York Times’’ assure que ‘’la course russe pour un vaccin a déjà soulevé des inquiétudes internationales, selon lesquelles Moscou raccourcit les délais dans les tests pour marquer des points politiques et de propagande’’, soulignant que l’annonce du président Poutine était intervenue, malgré une mise en garde, la semaine dernière, de l’OMS, selon laquelle la Russie ne devrait pas s’écarter des méthodes habituelles de tests de sécurité et d’efficacité d’un vaccin.
Pour étayer cette thèse, le journal rappelle que la Russie a déjà utilisé la course aux vaccins comme outil de propagande, même en l'absence de preuves scientifiques publiées pour étayer ses affirmations en tant que leader. De plus, ‘’le ministère russe de la Santé n'a pas répondu aux questions écrites détaillées envoyées la semaine dernière sur les essais humains et la recherche sur les effets secondaires potentiellement nocifs‘’, informe-t-il. Non sans faire remarquer qu’au cours des derniers mois, la télévision d'État a promu l'idée que la Russie est en tête de la compétition et a rapporté, en mai, que la première personne au monde à être vaccinée contre le virus était un chercheur russe qui s'était injecté, avant même la fin des essais sur les singes.
Il y a un mois, les gouvernements des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ont tous accusé les pirates d’État russes d’essayer de voler la recherche sur les vaccins, jetant une ombre sur la prétention de la Russie d’avoir réalisé une percée médicale. Les responsables russes ont nié l'accusation et affirment que leur vaccin est basé sur une conception développée, il y a quelques années, par des scientifiques russes pour contrer le virus Ebola.
La Russie avait assuré, ces dernières semaines, la production prochaine de milliers de doses de vaccin contre le nouveau coronavirus et ‘’plusieurs millions’’ dès le début de l'année prochaine. Elle a réaffirmé que ce vaccin sera mis en circulation le 1er janvier 2021, selon le Registre national des médicaments du ministère de la Santé, consulté par les agences de presse russes. Son ministre de la Santé, Mikhail Murashko, d’ajouter que le pays commencerait une campagne de vaccination de masse à l’automne qui commencerait avec les enseignants et le personnel médical, ce mois-ci.
Lamine Diouf