Publié le 23 Jun 2012 - 10:22

Ma dernière rencontre avec Chérif...

 

Le jeudi, sous un soleil implacable, nous avons imploré le Seigneur pour qu’Il répande sur toi Sa grâce, Sa miséricorde. Quand la dernière motte de terre a recouvert ton corps fragile, nous avons compris, impuissants, que Dieu nous a retiré à jamais un être cher, consensuel qui avait le sens du compromis.

 

J’étais loin de me douter, quand tu es venu, il y a de cela trois semaines seulement, sacrifier au rituel de la solidarité compatissante suite au rappel à Dieu aux Etats-Unis de mon fils aîné, que ces moments passés dans l’intimité familiale étaient des moments d’adieu. Drapé dans un impeccable boubou d‘un blanc maculé, tu as eu la délicatesse de me laisser, en partant, le dernier numéro de «Quorum», le dernier né de tes journaux après «52» «Les Afriques» et que sais-je encore. Un ultime message certainement... Journaliste dans l’âme mais aussi, et surtout, homme d‘engagement ,tu aimais livrer des combats tout en restant loyal. Depuis que nos destins se sont croisés au «Soleil» vers les années 1978, tu m’as toujours honoré de ton amitié. Combien sont- ils ceux qui pourront en dire autant ? Fort nombreux à en juger par les foules nombreuses qui, de l’hôpital à ta dernière demeure de Yoff, ont tenu à manifester à ta famille, à tes amis, leur fraternelle compassion.

 

 

«Un devoir moral»

 

Personnellement, j’avais un devoir moral envers toi dont j’entends aujourd’hui m’acquitter. A la mort de mon père en 1981, tu avais tenu à faire le déplacement sur mon Gueth natal, précisément à Sagatta. Plus que la solidarité de corps à laquelle tu attachais un grand prix, tu manifestais à mon égard un sentiment forgé certainement dans les liens religieux que nous avons en partage et qui, quelque part, nous lient à jamais. Je me réjouis à ce titre de t’avoir ouvert en 1982 les chemins de Nimzatt où, en «pèlerins du désert», nous nous rendîmes, toi à bord de ta voiture R12 en compagnie de ta distinguée épouse, Ndèye Coumba (stoïque et digne dans l’épreuve) et moi, à bord d’une R4. Il me renvient en mémoire la joie immense qui t’envahit quand nous foulâmes le sol béni de cette cité où repose ton honorable et vénéré homonyme, Chérif Elwalide, descendant de Cheikhna Cheikh Saadbouh et père de ton ami Chérif Khoutoub.

 

Ce pan de ta vie à lui seul, je puis en témoigner car j’en ai l’insigne privilège, a le mérite d’expliquer bien des choses. Ton altruisme jamais démenti, ta disponibilité, ton engagement pour les bonnes causes et ton sens du compromis. Avant-hier, la presse unanime était là. Tu as réussi le «Quorum», nom évocateur du dernier né des revues que, sur les bords de la Seine, tu as créée. J’ai revu des figures que depuis vingt ans je ne voyais plus, bavardé avec des amis de tous bords politiques, tes collègues du CIlSS, de la BAD...

 

 

«Tu avais sept vies, Chérif»

 

C’est que, pour ceux qui peuvent l’ignorer, Chérif, comme nous l’appelions familièrement, avait au moins «sept vies». Le journaliste talentueux, le formateur émérite à qui bien des générations doivent leur savoir-faire, a commencé sa carrière au quotidien national «Le Soleil». Les aînés que nous étions pour toi ont vécu ton ascension fulgurante sous la direction de Bara Diouf et autres Alioune Dramé . Puis ce fut l’aventure vers la région ouest-africaine. Au CILSS d’abord (ils étaient nombreux, tes anciens collègues présents à ton enterrement), à la BAD, avant le retour pour ouvrir les portes de la radio Sud Fm en1995. Après ce périple ouest-africain fort enrichissant, ce fut le retour au pays natal et, surtout, l’entrée dans la sphère politique. Conseiller spécial du président de la République, président de la commission Communication des Assises nationales (je te taquinais souvent en disant que tu étais devenu un politicien), car tu tenais à manifester bruyamment ton appartenance en vrai patriote. Puis ce fut à nouveau le départ vers de nouveaux horizons, un nouvel élan professionnel marqué par la création en l’espace d’une décennie de trois revues que sont «52», «Les Afriques» et le «Quorum», ton dernier bébé qui sort son quatrième numéro avec des journalistes de talent comme Moriba Magassouba, inconsolable quand la dernière motte de terre a recouvert, pour toujours, ton corps fragile.

 

Tous ensemble, nous avons imploré, impuissants devant l’épreuve qui te frappe toi et les tiens, et sous tous les tons, le Tout-Puissant afin qu’Il répande sur toi Sa bonté, Sa miséricorde et t’accueille dans Son Paradis. A ta famille, nous disons simplement courage et présentons nos condoléances émues.

 

AMADOU GAYE

Journaliste du «Soleil» à la retraite

 

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